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Opération épervier/Atangana Kouna : le privilégié des réseaux

L’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, et ancien directeur général de la Cameroon Water Utilities, a recouvré la liberté le vendredi 29 juillet dernier, suite à un arrêt des poursuites ordonné par le Tribunal criminel spécial, après 04 ans de détention à la prison centrale de Yaoundé. Et suivant « hautes instructions » venues de la présidence de la république.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le 25 juillet dernier, une lettre confidentielle qui a fuité dans les réseaux sociaux, signée du ministre d’Etat, Sgpr-le Secrétaire Général de la Présidence de la république, répercute au ministre d’Etat, ministre de la Justice Garde des Sceaux, « les hautes instructions » du chef de l’Etat, tendant à obtenir l’ «arrêt des poursuites engagées contre le nommé Basile Atangana Kouna », dans l’affaire qui l’oppose au Tcs- le Tribunal criminel spécial.

Et ce, sans recours à l’application de l’article 64 (3) du code de procédure pénale, « l’intéressé ayant intégralement restitué le corps du délit », indique la correspondance. Et la justice ne s’est pas fait prier pour s’exécuter. L’audience en délibéré du vendredi 29 juillet dernier devant le Tes avait tout l’air d’une formalité.

Ouverte aux environs de 15h, le réquisitoire du ministère public en faveur de l’arrêt de poursuites, à la demande du ministre de la Justice, avait déjà tracé la voie, et à 16h 15 min, la décision de la présidente du Tes est tombée sans fioritures.

Mme Annie Noëlle Bahounoui prononce l’arrêt de poursuites contre Basile Atangana Kouna, et on apprendra au passage qu’il a restitué le corps du délit, à hauteur de la faramineuse somme de 1,265 milliards de Fcfa. Ainsi prend fin une procédure judicaire palpitante ouverte depuis 2017, pour détournement de deniers publics et non respect des règles de passation des marchés, au détriment de la Camwater-la Cameroon Water Utilities, au moment où il y faisait office de directeur général.

A la suite du verdict, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie a pu regagner son domicile sous les youyous de ses proches, qui avaient précédemment envahi l’esplanade du Tes à Yaoundé. Preuve sans doute que le certificat de levée d’écroue avait été bien signé avant l’audience du vendredi dernier. D’ailleurs des vidéos ont circulé sur la toile, montrant au départ de la prison centrale de Kondengui, Basile Atangana Kouna et ses co-accusés, visiblement animés d’un sentiment de jqbilation.

Bien avant l’audience, et s’adossant sur la correspondance du Sgpr au Minjustice, de nombreuses dépêches annonçaient ça et là, la libération programmée de l’ancien Dg de la Camwater. Ses proches, venus nombreux à l’audience de vendredi dernier, n’avaient de cesse de balancer sur la toile des vidéos de leur champion, dans une posture rassurante, qui tranche avec la perplexité usuelle des prévenus en attende de verdict.

Adoubé par un puissant réseau ? Ce n’est pas la première fois que le cas Atangana Kouna suscite le buzz dans le cadre de l’opération Epervier, instituée pour démontrer la vigueur de l’Etat dans la lutte contre les atteintes à la fortune publique.

Le 2 décembre 2020, une précédente correspondance du même Sgpr, adressée au même ministre, répercutait les mêmes instructions du chef de l’Etat en faveur de l’arrêt des poursuites engagées contre le susnommé. Visiblement, la justice n’avait pas agréé à cette première injonction, et le prévenu était resté en taule depuis lors.

Kyrielle d’incompréhensions 

Ainsi, Basile Atangana Kouna a trouvé le moyen de se soustraire à l’une de peines exorbitantes et astronomiques qui accompagnent très souvent les délinquants de l’opération Epervier. Depuis vendredi, il hume l’air de la liberté, suscitant au sein de l’opinion une kyrielle d’incompréhensions. D’abord, au sujet des privilèges dont il a pu bénéficier au milieu de la meute de personnalités aux arrêts, dans le cadre de l’opération Epervier.

Comment a-t-il réussi à convaincre les autorités de la présidence de la république à accepter le remboursement du corps du délit contre sa remise en liberté immédiate, là où de nombreux autres justiciables n’ont pas bénéficié d’une oreille attentive ? Se demandent de nombreux observateurs.

Et au sein de l’opinion, on évoque le cas Abah Abah, qui selon des coulisses, aurait lui aussi bien voulu rembourser le corps du délit, mais se serait heurté à un refus catégorique. D’auciuns soulèvent aussi le cas du Pr Gervais Mendo Ze, décédé dans un hôpital, alors qu’il purgeait sa peine de prison, tandis que de nombreux samaritains s’étaient proposé de rembourser la somme équivalente au détournement qui lui était reproché, en vain.

Ensuite, c’est sur la procédure que les appréhensions les plus nourries enflent. Une remise en liberté décidée depuis la présidence de la république, trahit, selon les analystes, l’influence que le pouvoir exécutif exerce sur le pouvoir judiciaire. Une grave entorse à l’indépendance de la justice, qui constitue l’un des marqueurs des sociétés démocratiques.

Si la loi portant création du Tcs prévoit la remise en liberté après la restitution du corps du délit, de nombreux juristes estiment que la constatation de cette restitution incombe au ministre de la justice, et pas au président de la république. Dans une publication qui fait le tour des réseaux sociaux, l’homme politique Pierre Mila Assouté s’offusque de cette immixtion du pouvoir exécutif dans le judiciaire, et appelle au respect de la séparation des pouvoirs dans l’Etat.

En outre, sur le plan éthique, cette libération ne soigne pas visiblement l’image de l’opération Epervier au sein de l’opinion, au regard des critiques qu’elle génère. Pourquoi Don Basilio et non les autres ? Cà hurle sur la toile, les cas Vamoulke, qui a déjà passé plus 2 000 jours sans jugement, avec à la clé près de 70 renvois déjà enregistrés ; le cas Yves Michel Fotso, qui en dépit du remboursement du corps du délit dans l’affaire Camair, était resté en prison, avant d’être élargi pour cause de santé chancelante.

D’aucuns évoquent également les cas Inoni Ephraïm, qui lui aussi, a dû se réfugier derrière les problèmes de santé pour se soustraire à la prison, Atangana Mebara, qui, dit-on, n’aurait pas craché sur le remboursement du corps du délit contre sa remise en liberté, ou encore les cas Marafa ou Iya Mohamed.

Pour les esprits retors, Basile Atangana Kouna aurait dû être traité avec la plus grande rigueur, lui qui avait tenté de snober la justice, en procédant à une émigration clandestine du côté du Nigeria, où il avait été happé tel un « wanted » dans un motel.

Un élément du dossier qui aurait dû être traité avec la plus grande rigueur, lui qui avait tenté de snober la justice, en procédant à une émigration clandestine du côté du Nigeria, où il avait été happé tel un « wanted » dans un motel. Un élément du dossier qui aurait dû lui valoir des circonstances aggravantes, selon des adeptes de l’égalité dans le respect des droits de l’homme.

Enfin, sur le plan moral, cette libération est loin de solder toutes les appréhensions sur l’efficacité de l’opération Epervier depuis son avènement dans la sphère juridictionnelle camerounaise.

Et le montant du remboursement du corps du délit, 1,265 milliard de Fcfa détone sur la capacité et la propension des fonctionnaires à abuser des fonds publics au Cameroun, justifiant du coup la place du Cameroun dans le peloton de tête des pays les plus corrompus au monde.

« Comment un fonctionnaire, qui de surcroit, avait été recruté parmi les 1 500 agents publics tel que décidé par Paul Biya, peut-il disposer d’un tel pactole dans ses comptes bancaires » ? S’est exclamé un camerounais présent dans alla salle d’audience du Tcs après le prononcé de la décision.

Une question de conscience qui en plus de questionner le bien-fondé de cette libération, interroge la crédibilité de l’opération Epervier à pouvoir stopper la spirale des détournements de fonds publics dans la haute administration camerounaise.

Sans Détour

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