Introduction
Le gouvernement camerounais a conclu un accord de 675,96 millions de dollars avec une filiale locale de la société minière d’État chinoise Sinosteel pour développer la mine de fer de Lobe au Cameroun, et cet accord est plus complexe que ce que l’on pourrait croire. L’accord, qui a été signé avec la filiale Sinosteel Cam, devrait contribuer à diversifier les sources de minerai de fer pour la Chine au-delà de l’Australie et du Brésil, ce qui constitue une démarche géostratégique visant à isoler les chaînes d’approvisionnement en minerai de fer chinoises pour les décennies à venir. Dans le cadre de la convention minière initiale de 20 ans, Sinosteel Cam devrait extraire 10 millions de tonnes par an (Mtpa) de minerai contenant 33 % de fer.
Sinosteel prévoit d’améliorer cette production pour obtenir 4 millions de tonnes de minerai à 60 % de teneur en fer, qui seront ensuite expédiées. Selon l’accord, le projet sera autofinancé à hauteur de 30% par le gouvernement camerounais. Les 70% restants seront financés par des prêts bancaires, probablement accordés par des banques de développement chinoises.
Située à 200 km au sud-est de la capitale économique Douala et à 40 km de la ville portuaire de Kribi, la mine de Lobe est estimée contenir 632,8 millions de tonnes de minerai de fer. Le projet prévoit la construction d’une usine d’enrichissement, d’un terminal minéralier au port, d’un pipeline pour acheminer le minerai vers le port et d’une centrale électrique.
La question n’est pas de savoir si cet accord est important pour la réussite de l’industrialisation du Cameroun, mais plutôt s’il créera des avantages à long terme pour l’économie Camerounaise. La Chine a été accusée de sa diplomatie du piège de la dette en Afrique, mais il est important d’évaluer les mérites de cet accord en soi.
L’emploi : Le ministre camerounais des Mines, Dodo Ndoke Gabriel, a été cité par l’agence de presse comme ayant déclaré que le projet devrait créer 1 000 emplois indirects et au moins 600 emplois directs. Selon le code minier camerounais, Sinosteel est tenu de mettre le projet en service dans les cinq ans suivant l’obtention du permis d’exploitation.
Or, 600 emplois directs sur 20 ans, ce n’est pas suffisant et cela illustre à quel point cet accord était unilatéral et ne protege pas les droits des travailleurs camerounais. Le taux de chômage dans la région du Sud-Ouest est estimé à 4,4 %, soit plus que la moyenne nationale de 3,8 %, et cet accord aurait dû être conçu pour garantir la création d’au moins 2000 emplois. Sur la base de projets antérieurs financés et construits par les Chinois, il est probable que plus de 40% de la main-d’œuvre sera chinoise.
Plutôt que d’autoriser l’importation de main-d’œuvre chinoise, ce projet aurait dû être conçu pour garantir que des Camerounais soient formés pour effectuer le travail, et au fil du temps, au moins 90% des employés devraient être d’origine camerounaise. Un tel projet devrait créer confortablement 2000 emplois s’il est correctement conçu et les tâches/le déroulement du travail devraient être divulgués avant l’achèvement de l’usine.
Impôts et bénéfices : Bien sûr, certaines recettes fiscales seront tirées de cette activité minière pendant 20 ans et elles seront placées dans un fonds séparé conformément au code minier. Elles serviront à financer des projets de développement mais est-ce suffisant ? Le gouvernement aurait dû exiger la construction d’une école ou d’un hôpital avant le début de toute activité minière afin de s’assurer que les communautés locales puissent bénéficier adéquatement du projet.
En outre, de tels projets sont une occasion unique d’exiger que les routes soient nivelées. Le gouvernement devrait s’assurer que de tels projets s’accompagnent du nivellement d’au moins 2000 km de routes. Cela ne découragera pas les investissements directs étrangers ; cela permettra au Cameroun de commercer et de faire des affaires avec des partenaires à long terme qui sont intéressés par le développement du pays.
Industrialisation : Bien que l’accord permette que 15% de la production de minerai de fer de la mine soit fournie au marché local, Sinosteel pourrait être autorisée à exporter si nécessaire. Quelles entreprises camerounaises achètent de l’acier et le prix de cet acier sera-t-il fixé ou autorisé à flotter en fonction des prix sur les marchés internationaux ? Aucun de ces détails n’est donné à la société civile, ce qui suggère que les prix pourraient être dictés aux entreprises locaux par les Chinois, ce qui peutêtre un instrument géopolitique puissant dans un pays semi-industrialisé.
Considérations environnementales : Il n’y a pas de texte officiel avec des détails sur cet accord et on ne peut pas vérifier les petits caractères pour mieux comprendre comment l’environnement du Cameroun sera impacté et il n’y a pas de plans sur la façon dont les déchets seront éliminés. 90 % des Camerounais travaillent dans le secteur informel et il suffira d’un épisode de négligence dans l’élimination des déchets pour que les agriculteurs, les pêcheurs et les poissonnières perdent leur gagne pain.
La transparence : S’il n’existe pas d’accord qui puisse être examiné par la société civile, il faut s’inquiéter du contenu réel de l’accord. La Chine est coupable de ne pas divulguer les détails de ses accords en Afrique, y’compris le Cameroun, tout comme les grandes institutions internationales de développement telles que la Banque mondiale. Le Cameroun peut donc commencer à établir la norme dans toute l’Afrique en veillant à ce que la société civile ait accès aux accords internationaux, car elle est la plus touchée par les activités inattaquables et secrets des entreprises.
Transfert de compétences et de technologies : Le Cameroun a du talent, oui, mais ses travailleurs ont également besoin d’être formés aux technologies avancées pour s’assurer qu’ils peuvent effectuer les tâches qui sont actuellement réservées aux Chinois. Il devrait y avoir un moyen de vérifier que les compétences sont transférées aux Camerounais et qu’ils sont formés d’une manière qui leur permet d’appliquer cet apprentissage dans d’autres secteurs et industries. Le gouvernent devrait s’asurer qu’au moins 1000 employées sont forme, et que celle ci contribu directement a des projets dans tout le pays.
Conclusion
Le Cameroun a une dette importante et croissante, mais les décideurs politiques doivent regarder au-delà des chiffres et s’assurer que les projets susceptibles de produire un dividende substantiel à long terme le font. L’accord Sinosteel de Chinse à Kribi a enfermé le Cameroun pour 20 ans. Il devrait être un garant de stabilité et la transparence devrait sous-tendre chaque partie de l’accord, de la passation des marchés à l’élimination des déchets. Cet accord devrait ouvrir une nouvelle ère de normes claires, quantifiables et vérifiables dans la conclusion de marchés au Cameroun
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