fbpx

Cameroun Actuel

Lignes 65 et 94/Sigipes 2 : séances de maraboutage au Consupe

Derrière des opérations dites de contrôle de conformité et de transparence budgétaire, se cachent des desseins de règlements de comptes assaisonnés de grossières fautes administratives et d’abus d’autorité.

Coup sur coup, le Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) s’est déployé sur deux fronts allant dans le sens de la vérification de conformité et de transparence budgétaire. Du 26 au 30 septembre, il a dépêché des missions aux Finances (Minfi) et à l’Economie, à la Planification et à l’Aménagement du territoire (Minepat).

Il s’est agi d’auditionner 1790 personnes, ayant bénéficié de missions de terrain dans les chapitres 65 (dépenses communes de fonctionnement) et 94 (interventions en investissement) au titre des exercices allant de 2010 à 2021.

Ensuite, du 5 au 12 octobre, le même Consupe, sur «très hautes instructions du chef de l’Etat», a convoqué et auditionné 294 fonctionnaires et agents de l’Etat, dans le cadre d’une mission spéciale de contrôle et de vérification du Système informatique de gestion intégrée des personnels de l’État et de la solde de deuxième génération (Sigipes II).

Cette autre opération se rapporte au sempiternel phénomène des fonctionnaires fictifs. Lesquels, en dépit des différentes énumérations et autres contrôles physiques, n’a jamais permis d’endiguer un phénomène entretenu de l’intérieur et qui fait annuellement perdre des milliards de francs au Trésor

Comme souvent, sur le front de la bonne gouvernance, l’on se retrouve en présence d’écrans de fumée, davantage destinés à distraire l’opinion publique et les partenaires financiers qu’à instaurer une action pérenne de filtrage et de traque des faussaires.

A qui, en effet va-t-on laisser croire que les braves inspecteurs d’Etat ont réussi l’exploit, en toute sérénité, de procéder à des vérifications approfondies auprès d’environ 1800 personnes en quatre petits jours ? Comment imaginer que les mêmes auditeurs publics se soient, en huit jours francs, penchés sur les dossiers problématiques de près de 300 autres présumés faussaires ?

Déficit de rectitude

Dans l’un et l’autre cas, l’on ne peut manquer d’évoquer des fumigènes à même d’entretenir un semblant d’ «opération mains propres», mais dont les vraies motivations se trouvent ailleurs. Notamment au niveau des batailles d’appareil qui déchirent aujourd’hui un sérail plus que jamais embarqué dans des luttes de succession à la tête de l’Etat.

Il n’est pas superflu, au passage de signaler que le Consupe est placé sous l’autorité du secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr) dont l’actuel titulaire du poste, Ferdinand Ngoh, voit régulièrement la rectitude gravement mise en doute à travers des rapports accablants, mais aussi des rumeurs tout à l’opposé de la probité.

S’agissant ainsi de la responsabilité des agents publics convoqués, la remise en cause de leur rôle dans d’éventuelles malversations ne saurait rentrer dans le cadre des missions régaliennes du Consupe. Pour plusieurs observateurs avertis, le décret organique dudit service ne lui confère pas l’autorité de contrôle sur les agents publics ayant exécuté des missions pour le compte des administrations employeuses ou contractantes.

On y apprend ainsi que les contrôles sont effectués par les vérificateurs du Contrôle supérieur de l’Etat sur pièces et sur place, et que ce sont les responsables des structures auditées qui ont l’obligation de présenter les pièces relatives à la période auditée.

Plus simplement, le budget public est exécuté par des ordonnateurs, contrôleurs financiers et comptables publics, juridiquement reconnus comme les seuls acteurs sur lesquels porte le contrôle.

Autrement dit, les agents publics ayant exécuté une mission ne sont point des acteurs de l’exécution du budget, mais simplement des cocontractants de l’administration non signataires de l’engagement juridique que constitue l’ordre de mission. Comment donc, dans ce cas, peuvent-ils être invités à justifier l’exécution du budget ?

Mission impossible

Du coup, l’on ne comprend pas comment le Consupe peut se retrouver à exiger à des agents publics – encore en activité, ou pas – la production de documents ayant trait à des mises en mission, au risque d’être accusé de soustraction et destruction des pièces publiques. II mettrait alors ceux-ci en porte-à- faux à la fois avec le Statut générai de la fonction publique et le Code pénal.

Il est ainsi de notoriété publique que ce type de documents, ayant permis de mouvementer la dépense, sont la propriété exclusive de l’administration, qui doit pouvoir les archiver en vue d éventuels contrôles de conformité. Ils ne doivent donc, en aucun cas se trouver entre les mains d’un agent public, qu’il soit encore d’active, présent dans le même service ou alors à la retraite.

En prolongeant la réflexion, l’on est en droit de se demander même en supposant que les agents publics soient par extraordinaire devenus des archivistes malgré eux, ce qu’il adviendrait des agents décédés, ou alors jouissant de leur retraite et qui ne verraient aucune nécessité à déférer à la convocation du Consupe.

Vu ainsi, dans un cas comme dans l’autre, la tâche confiée aux limiers du Contrôle supérieur relève de la mission impossible. Pour ne pas constater qu’elle relève davantage de batailles d’arrière-garde que d’un souci de transparence de la vie publique. Si les audits s’avèrent nécessaires dans la gestion de la Cité, ceux des chapitres budgétaires 65 et 94 ord ce petit côté biaisé qui leur ôte toute pertinence et toute légitimité. Autant dire que, comme dans d’autres opérations similaires, celles-ci sont juste vouées à distraire l’opinion qu’à rechercher l’efficacité et la transparence de la dépense publique.

Michel Michaut Moussafa | Aurores Plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernières nouvelles

Suivez-nous !

Lire aussi