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Funérailles du pape François : l’absence de Paul Biya soulève des questions à Yaoundé

Le 26 avril 2025 fut un jour solennel au Vatican, où dirigeants mondiaux et personnalités religieuses se sont réunis pour faire leurs adieux au pape François. Il est le 266e pape de l’Église catholique romaine.

Ses funérailles, célébrées place Saint-Pierre, ont vu la présence de milliers de personnes venues du monde entier, parmi lesquelles des personnalités politiques et des dignitaires d’Afrique et du monde entier.

L’absence du président camerounais Paul Biya était notable. À 92 ans, Paul Biya n’a pas assisté à la cérémonie, se faisant représenter par le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji.

Décision diplomatique, ou autre chose ?

La décision d’envoyer Atanga Nji, ministre chargé des Affaires intérieures du Cameroun, à la place du ministre des Affaires étrangères ou d’un autre diplomate de haut rang, suscite de vives interrogations dans les milieux diplomatiques.

Traditionnellement, les ministres des Affaires étrangères ou les ambassadeurs supervisent la politique étrangère et les événements internationaux. Mais plutôt qu’une simple décision diplomatique, le rôle d’Atanga Nji dans la représentation de Biya suggère quelque chose de plus profond, peut-être une stratégie politique interne.

Atanga Nji n’est pas une figure inconnue du paysage politique camerounais. Allié de confiance de Biya depuis des années, il intervient fréquemment dans des situations sensibles et à enjeux élevés.

Sa présence à un événement aussi important que les funérailles du pape semble indiquer bien plus qu’une simple représentation diplomatique.

Alors que le mandat du président Biya approche de sa fin, en grande partie en raison de son âge avancé, sa décision d’envoyer Atanga Nji pourrait également mettre en lumière les délicates manœuvres politiques internes au sein du gouvernement.

Pourquoi Atanga Nji ?

La décision d’envoyer Paul Atanga Nji pour représenter le Cameroun soulève d’importantes questions quant au choix de la représentation.

Le président a choisi de confier cette tâche au ministre de l’Administration territoriale, alors que cette responsabilité incombe généralement à Mbella Mbella, ministre camerounais des Relations extérieures. Le ministre de l’Administration territoriale se concentre généralement sur les affaires intérieures et non sur la diplomatie étrangère.

Son Excellence le Dr Dominique Awono Essama, ambassadeur du Cameroun en Italie, représente habituellement le Cameroun lors d’événements en Italie, ce qui rend son absence tout aussi frappante. En tant qu’envoyé diplomatique officiel du Cameroun à Rome, Awono Essama gère les tâches et assure la représentation des intérêts du Cameroun en Italie.

Par ailleurs, Antoine Zanga, ambassadeur du Cameroun près le Saint-Siège, aurait également été un choix naturel, compte tenu de ses liens directs avec le Vatican.

Pourquoi avoir envoyé Atanga Nji plutôt que ces diplomates plus qualifiés ? La réponse réside probablement dans la dynamique politique interne du gouvernement camerounais. Atanga Nji est depuis longtemps l’un des alliés les plus fiables du président Biya, notamment pour gérer les questions internes sensibles.

Sa présence aux funérailles pourrait refléter la volonté de Biya de garder le contrôle de son cercle intime, où la loyauté prime sur les protocoles diplomatiques traditionnels.

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L’absence de Mbella Mbella, d’Awono Essama et de Zanga suggère que Biya consolide son pouvoir au sein d’un groupe d’individus très soudés, alors même que le pays est confronté à des défis politiques croissants.

L’ère Biya : L’incertitude d’une nation

Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a traversé plusieurs décennies de règne. À 92 ans, sa santé et sa vitalité politique sont de plus en plus scrutées.

Au fil des ans, les interrogations autour de son leadership et de l’avenir du pays se sont accrues, d’autant plus que l’âge de Biya et ses rares apparitions publiques donnent à son leadership une allure plus symbolique qu’active.

Nombreux sont ceux qui voient dans l’absence de Biya et sa décision de déléguer Atanga Nji au lieu d’assister lui-même aux funérailles le signe d’un rôle diminué sur la scène internationale.

Ce n’est un secret pour personne que le Cameroun, sous le règne de Biya, a connu son lot de troubles internes et de luttes politiques, notamment dans les régions anglophones, où les revendications indépendantistes couvaient depuis des années.

L’âge avancé du président et son absence aux funérailles pourraient indiquer un vide politique déjà discrètement comblé par des personnalités comme Atanga Nji.

L’envoi du ministre de l’Administration territoriale à un événement international clé n’est peut-être pas tant une question de diplomatie que de volonté de garantir que les loyalistes de Biya conservent le contrôle du pouvoir politique et présentent un front uni.

Le rôle d’Atanga Nji au Cameroun : une tendance inquiétante

Atanga Nji est ministre de l’Administration territoriale du Cameroun depuis 2018, un poste traditionnellement axé sur les affaires intérieures, telles que la gestion des collectivités locales, des régions administratives et de l’appareil sécuritaire du pays.

Son implication dans la diplomatie internationale est généralement minime, car il ne lui appartient pas de s’impliquer directement dans les affaires étrangères. À maintes reprises, le président a dépêché Atanga Nji pour le représenter lors d’événements sensibles, notamment ces funérailles.

Ce choix met en évidence une tendance politique émergente au sein de l’administration de Biya. Allié de longue date et figure de confiance du régime, Atanga Nji s’est taillé une place de choix dans la gestion des dossiers politiquement sensibles ou délicats.

Il fait preuve d’une loyauté indéfectible envers Biya, mais son mandat de ministre de l’Administration territoriale a été marqué par la controverse.

Atanga Nji est vivement critiqué pour sa gestion de la crise anglophone actuelle, alors qu’un violent conflit éclate entre les forces séparatistes et les troupes gouvernementales dans les régions anglophones du Cameroun.

Les violations des droits humains et l’escalade de la violence sous sa direction ont largement critiqué son rôle dans la gestion du conflit.

Récemment, le leadership d’Atanga Nji a été associé à une gouvernance inefficace et à une résolution médiocre des conflits. Son incapacité à apaiser la crise anglophone et l’instabilité croissante dans les régions sous sa tutelle ont suscité de nombreuses interrogations sur sa capacité à gérer efficacement les problèmes intérieurs.

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Malgré ces échecs, Atanga Nji reste fermement ancré dans le cercle intime de Biya. Sa nomination pour représenter le Cameroun aux funérailles du pape François est davantage une récompense pour sa loyauté qu’une preuve de compétence diplomatique.

Un avenir sombre

Si l’absence d’expertise d’Atanga Nji en matière de relations étrangères aurait dû le disqualifier d’une mission diplomatique aussi cruciale, sa loyauté envers Biya semble avoir été le facteur décisif.

Dans un pays où l’âge avancé de Biya et son absence prolongée de la vie publique soulèvent de sérieuses interrogations quant à l’avenir, la prédominance persistante d’Atanga Nji pourrait refléter une administration qui s’efforce désespérément d’assurer une transition difficile et peine à définir l’avenir du pays.

L’absence d’un diplomate étranger compétent pour représenter le Cameroun aux funérailles de l’un des chefs religieux les plus influents au monde pourrait indiquer que, alors que le pays se tourne vers l’avenir, ses dirigeants se replient de plus en plus sur eux-mêmes, s’appuyant davantage sur la loyauté politique que sur la diplomatie professionnelle.

Un dernier adieu

Le pape François, premier pape depuis plus de 300 ans à être enterré hors du Vatican, a été inhumé à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome, marquant ainsi la fin d’une époque dans l’Église catholique lors de ses funérailles.

Le pape est décédé le lundi de Pâques à l’âge de 88 ans. On se souvenait de lui pour son engagement envers les personnes issues de milieux défavorisés et les groupes marginalisés, et son enterrement reflétait son approche minimaliste et humble de la vie.

La cérémonie funèbre, présidée par le cardinal Giovanni Battista Re, a rendu hommage au leadership du pape avec générosité. Dans son éloge funèbre, Re a souligné la capacité du pape à nouer des liens avec des personnes de tous horizons, ce qui lui a valu le titre de « Pape parmi les peuples ».

Alors que le monde commémorait la vie du pape François, de nombreux dirigeants politiques réfléchissaient à l’état de leur propre leadership et de leur héritage.

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