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Enjeux : en attendant le vaccin, l’après Covid-19 se prépare maintenant

Quelle la capacité réelle des dirigeants du Cameroun à cerner les véritables contours de cette crise et à rebondir après ?

« Soyons clairs: sans vaccin contre les coronavirus, nous ne pourrons plus jamais vivre normalement. La seule véritable stratégie de sortie de cette crise est un vaccin qui peut être déployé dans le monde entier. Cela signifie en produire des milliards de doses, ce qui, en soi, est un énorme défi en termes de logistique de fabrication. Et malgré les efforts, il n’edt même pas certain que le développement d’un vaccin COVID-19 soit possible ».

Ces propos rapportés par le Magazine Science du 8 mai 2020, sont de Peter Piot, l’un des virologues les plus expérimentés et les plus connus au monde. Au-delà de sa notoriété scientifique et managériale, Peter Piot porte aussi témoignage d’un rescapé du Coronavirus; lui qui a consacré toute sa vie à étudier les maladies infectieuses, a choppé le COVID-19 en mars 2020.

Actuellement Directeur de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, et conseiller en matière de coronavirus auprès de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le Professeur Plot a été l’un des découvreurs du virus Ebola en 1976. Il est davantage connu à travers le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONU-SIDA) dont il a été Directeur Exécutif de 1995 à 2008.

Au-delà de la sévérité de la pandémie, de ses effets dévastateurs à tous les égards, des incertitudes sur le début de la fin de la crise, les espoirs sont permis si l’on en juge par la mobilisation sans précédent de la communauté scientifique mondiale. Il y aura donc un avant et un après COVID-19 et il n’est pas trop tôt pour conjecturer sur ce que d’aucuns appellent.« la nouvelle normalité ». pomment le Cameroun pourrait se préparer à cette nouvelle normalité notamment sur les plans économique et du capital humain (Santé et Education).

C’est un truisme de le rappeler, la pandémie de COVID-19 a eu un impact désastreux sur les entreprises en réduisant la demande de leurs produits et services, en interrompant l’approvisionnement en intrants et en resserrant l’offre de crédit. Bien que la situation actuelle soit particulièrement unique, les crises passées ont montré qu’une forte augmentation de l’insolvabilité des entreprises et des particuliers suit généralement ces chocs.

Des difficultés financières sont déjà signalées dans de nombreux secteurs, notamment le transport aérien, le tourisme, l’hôtellerie, la vente au détail et la manufacture. Les perturbations des marchés du crédit et des produits auront des implications légales notamment en ce qui concerne le régime d’insolvabilité conçu pour sauver les entreprises viables en leur donnant le sursis de la restructuration tout en poussant les entreprise non-viables vers la liquidation pure et simple.

Mais l’expérience a prouvé qu’au sortir d’une crise systémique, la ruée vers la liquidité augmente le risque d’éviction de certaines entreprises viables, en particulier les Micro, Petites et Moyennes Entreprises (MPME) vulnérables, avec les pertes d’emplois qui en découlent et la vente massive d’actifs. Une des questions majeures est celle de savoir si dans l’espace Ohada (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) dont le Cameroun et 16 autres pays africains sont Etats-parties, l’application de l’acte uniforme relatif à l’insolvabilité des entreprises pourrait s’accommoder des conséquences de la crise devenue systémique afin d’empêcher des entreprises certes fragiles mais viables, d’être prématurément poussées à l’insolvabilité. Au-delà des considérations légales, les principaux créanciers des entreprises, notamment les banques dont certaines sont de véritables prédateurs, se montreront-ils accommodants face au désarroi des MPME.

Dans une étude publiée le 23 mars 2020 sous le titre « Au-delà du coronavirus : le chemin vers la prochaine normalité » (Beyond coronavirus: The path to the next normal), le cabinet McKinsey décrit cinq étapes qui seront essentielles pour que les chefs d’entreprise qui auront survécu à la crise, s’accommodent de ce qui sera le nouvel ordre mondial: la résolution, la résilience, la reprise, la reimagination et la réforme.

Nous ne nous attarderons pas sur chacune de ces étapes qui pourraient varier selon l’entreprise, le secteur et le pays. Rappelons tout simplement que la pandémie s’est métastasée en une crise économique et financière, et l’incertitude sur l’ampleur, la durée et la forme de la baisse du PIB et de l’emploi minent ce qui reste de la confiance des entreprises. Au Cameroun et comme l’indique une enquête récente du GICAM, celles des entreprises qui survivront à la crise devront repenser leur système de production au regard de la perturbation des chaines d’approvisionnement mondiales, et le retour à l’embauche est une lointaine perspective.

Le monde entier expérimente la célèbre «théorie du cygne noir» développée par le statisticien Nassim Nicholas Taleb, théorie selon laquelle un certain événement imprévisible qui a une faible probabilité d’advenir et qui, s’il se réalise, a des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle. Dans un tel contexte, comme c’est le cas aujourd’hui, on assiste à une expansion du rôle des Gouvernements dans la sphère économique aux détriments de la fameuse « main invisible » si chère aux partisans du tout Marché.

L’Etat re-de-vient le dernier rempart, la bouée de sauvetage à laquelle toute la communauté, y compris les entreprises, s’accrochent. Un nouveau contrat social est noué entre l’Etat et la communauté, un Etat qui est appelé à jouer un rôle plus actif dans le développement de l’activité économique. Malgré ses atermoiements en plein cœur de la crise, l’Etat du Cameroun sera-t-il à la hauteur de ce nouveau challenge ?

Au plan du capital humain, le crise sanitaire a mis à nu entre autres, la fragilité du secteur de la Santé au Cameroun. L’une des urgences post-COVID-19 sera de rattraper autant que faire se peut le retard accumulé depuis de nombreuses décennies du fait des choix hasardeux des Gouvernements successifs. Et pourtant théoriquement, le Cameroun s’est doté d’une stratégie sectorielle de santé (SSS) 2016-2027. Elle a pour vision : « un pays ou l’accès universel aux services de santé de qualité est assuré pour toutes les couches sociales à l’horizon 2035 avec la pleine participation des communautés ».

Malgré cette déclaration d’intention, les dépenses publiques de Santé en proportion du PIB est de 0,6% alors que la moyenne régionale est de l’ordre de 2,4%. Selon la Banque mondiale, les dépenses de Santé au Cameroun sont essentiellement financées par les privés à hauteur de 4% du PIB environ. Le Cameroun a également l’intention d’après le DSCE (Document de Stratégie pour le Croissance et l’Emploi) de mettre en place un système Couverture de Santé Universelle (CSU).

Louable intention s’il en est, mais à quand les actes ? D’après l’OMS, la CSU consiste à mettre en place un système par lequel tous les citoyens peuvent avoir accès à des services de santé essentiels sans se heurter à des contraintes financières. C’est-à-dire d’éviter que les familles, confrontées à la maladie de l’un de leurs membres, ne soient obligées d’engloutir leurs économies ou de s’endetter.

La CSU est non seulement un enjeu moral qui permet de combler les inégalités et de conférer à chacun le droit à la Santé, mais il s’agit d’un investissement économique et politique. D’abondantes études existent sur la mise en place d’une CSU notamment ses deux dimensions majeures que sont (i) l’offre de santé et (ii) les mécanismes de financement (public, sécurité sociale, contributions communautaires, assurances etc.)

De nombreux spécialistes ont publié des travaux sur la dimension économique de la Santé. L’un de ces travaux porte sur l’indice du Capital Humain (ICH) développé par la Banque mondiale en 2018.

L’ICH mesure la contribution de la Santé et de l’éducation à la productivité de la prochaine génération de travailleurs. Il a trois composantes : (i) la mesure de la probabilité de survie de la naissance jusqu’à l’âge scolaire (5 ans); (ii) la mesure des années escomptées d’une scolarité de qualité qui prend en compte l’information à la fois sur la quantité et la qualité de l’éducation; et (iii) deux grandes me sures de la santé, à savoir les taux de retard de croissance, et les taux de survie à l’âge adulte.

L’ICH du Cameroun est 0,39 contre une moyenne africaine de 0,40. C’est dire qu’un enfant qui nait aujourd’hui aura à 18 ans une productivité équivalente à 39% de ce qu’il aurait eu s’il avait bénéficié dès sa naissance des conditions de santé optimale et d’une éducation de base de qualité. Autrement dit, en moyenne un enfant qui nait aujourd’hui au Cameroun perdra 61% (100-39) du potentiel qu’il aurait pu avoir à l’âge de 18 ans.

Certes tous ces travaux- et études sont connus des dirigeants camerounais. Or l’inertie qui les habite a inhibé toutes les velléités d’anticipation et d’ac tion malgré les déclamations dont certaines confinent à de la tartuferie. Et si le COVID-19 était un signal d’alarme ; « a wake up call » comme disent les anglosaxons ?

La nouvelle normalité vers laquelle nous cheminons inexorablement s’imposera à tous les secteurs mais il y en a un qui pourrait servir de catalyseur à tous les autres. Il s’agit du digital qui, bien utilisé, pourrait per mettre de faire des bons qualitatifs prodigieux notamment en matière de Santé et d’Education. Encore faudrait-il que l’accès, la fiabilité et le coût (pour l’instant prohibitif) soient au cœur de la politique gouvernementale des TIC (Technologie de l’information et de la Communication).

Bien que dis posant d’atouts substantiels (12000 km de fibre optique, accès au câble sous-marin SAIL -South.Atlantic Inter Link-, la préparation d’une stratégie nu mérique 2020 etc.), le taux de pénétration du haut débit n’est que de 14% (14 camerounais sur 100 ont accès à la large bande). Au regard des enjeux, beaucoup reste à faire pour tirer avantage de tous les atouts qu’offre le digital et en faire le véritable changeur de paradigme. Pourvu, bien entendu que l’énergie électriqué soit au rendez vous.

Si le monde entier a été surpris par l’ampleur de la pandémie, personne n’aura l’excuse de n’en avoir pas tiré des leçons. En attendant le vaccin; l’aprés COVID-19 se prépare maintenant.

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