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Cameroun-France : Biya dans l’attente d’un Macron très affaibli

En attendant la confirmation officielle côté camerounais, la presse française fait état d’une visite de Emmanuel Macron à Yaoundé. C’est un président français affaibli qui va rencontrer le vieux président camerounais plutôt renforcé par ses errances dictatoriales.

Réélu à la tête de la République française en mai der- lier, Emmanuel Macron a réservé son premier voyage en Afrique au Cameroun et au Benin. C’est en tout cas l’information qui est consultable sur le site de jeune Afrique, le journal panafricain basé à Paris. En somme une espèce de rattrapage tant est que le chef de l’Etat français a terminé son premier quinquennal sans faire le détour de Yaoundé où trône le doyen des chefs d’Etat de l’Afrique francophone.

A bientôt 40 ans de bail à Etoudi, Paul Biya a éprouvé pas moins de 5 présidents de la 5e République française (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron). Chouchouté par François Mitterrand dont il se vantait d’être son  » meilleur élève « , Paul Biya a aussi eu des relations chaleureuses avec Jacques Chirac avant de prendre la mesure de Nicolas Sarkozy puis d’affronter la réelle distance avec François Hollande dont on se souviendra de l’échange très peu amical qu’ils ont eu à Yaoundé.

A celui qui lui demandait d’accélérer les réformes pour passer la main, Paul Biya lui avait répondu, les yeux dans les yeux lors de la conférence de presse:  » Ne dure pas au pouvoir qui veut ! « 

Reste que si Paul Biya n’est pas dans les petits papiers des dirigeants français depuis François Hollande, son pays est une destination incontournable pour la politique française en Afrique. Son poids économique en Afrique centrale et surtout la qualité de sa ressource humaine en font un allié que personne ne peut négliger à l’Elysée sauf à renoncer aux ambitions de la puissance planétaire de la France.

L’Afrique et singulièrement l’Afrique francophone étant bien ce pré carré français sur lequel Paris s’appose pour opposer une certaine résistance à l’hégémonie anglo-saxonne. Une base arrière qui a malheureusement pris des allures de cour de récréation depuis quelques temps, comme on peut le voir avec la situation au Mali ou en République Centrafricaine. On devine donc que Emmanuel Macron habité par la realpolitik, va remiser ses animosités personnelles pour solliciter un soutien plus affirmé de Paul Biya dans la stratégie française de maintien de sa zone d’influence en Afrique.

Lejeune président français ne parlera pas à quelqu’un qui a fait amende honorable des griefs antidémocratiques portés contre lui. Au contraire. Le Cameroun est plus que jamais un champ d’expérimentation de la  » démocrature « , c’est-à-dire une dictature aux allures de démocratie.

Au moyen d’une justice aux ordres, les prisons sont bondées des opposants mal pensants, là où les problèmes de gouvernance ont poussé certains à prendre les armes, une armée qui compte parmi les plus efficaces du continent fait le boulot parfois aidée par des supplétifs.

Emmanuel Macron arrive ainsi au Cameroun au lendemain de la mort de  » Field Marshal  » un chef de guerre de la sécession anglophone particulièrement redouté. Son exécution renforce la toute-puissance de l’armée et celle de son chef et désillusionne ceux qui peuvent être tentés d’opter pour cette aventure pour demander des comptes démocratiques à Paul Biya.

Démocrature

La rudesse de la répression pour les dissidents qui fonctionne en duo avec un système de corruption et de clientélisme aux méthodes parfaitement raffinées*, ont instillé des réflexes de survie qui expliquent le pilotage automatique du pays. Celui- ci est géré par une  » main invisible  » qui prend de temps à autre la forme

Une accolade qui date quand même ! des  » hautes instructions  » d’un chef invisible et parfois donné pour mort.

Même la crise économique n’a pas pu ébranler le pouvoir de Paul Biya.

Son pays participe à des efforts de guerre sur plus de 3 fronts sans perdre la face (terrorisme islamique dans le septentrion, crise anglophone à l’Ouest et incursions des bandes armées à l’Est). Les finances publiques sont aussi solides. On n’a jamais entendu que les fonctionnaires camerounais ont eu des retards de paiement de leurs salaires.

Bref dans un tel contexte, de quels leviers peut disposer le président français pour faire quelque pression que ce soit sur le lion de Mvomeka ? On cherche, on ne voit vraiment pas.

En revanche Emmanuel Macron qui arrive est plus que fragilisé. Il a certes été réélu, mais c’était par défaut avec le soutien d’un  » front républicain  » qui a mis ensemble ses partisans et certains de ses adversaires pour bloquer la voie à l’Extrême Droite française conduite par Marine L.e Pen.

Pour preuve, l’élection législative qui a suivi ne lui a pas donné la majorité à l’Assemblée nationale et il lui faudra user des numéros de funambule pour faire passer la moindre loi. Hors des frontières de son pays, la France est à l’étroit dans le cadre de la politique commune européenne.

La chute de l’Euro qui subit le contre coup de la guerre en Ukraine pilotée par les Américains va davantage’ renforcer la dépendance européenne vis-à-vis des Etats-Unis. On le voit donc, Emmanuel Macron pour le moment a plus besoin du soutien de Paul Biya. L’inverse est moins vrai. Partant de là, Emmanuel Macron va au mieux éviter les sujets qui fâchent.

Si l’agenda officieux fait bien état d’une rencontre avec les opposants, c’est pour les apparences dans les tins de déminer des critiques qui de toutes les façons font partie des éléments de langage de la politique française en Afrique. Si Emmanuel Macron rappelle que l’humanisme des droits de l’Homme est bafoué au Cameroun, il s’en trouvera pour dénoncer son paternalisme. S’il se tait, son silence sera interprété comme un soutien à la dictature de Paul Biya. L’affaire est donc très mal embarquée.

Génocide colonial

Reste la dette mémorielle de la répression française au Cameroun au tournant des indépendances. Lors de la visite du dernier président français au Cameroun, François Hollande dans un geste de repentir avait reconnu les exactions françaises contre  » les Bamiléké et les Bassa  » qui avaient été les hôtes des nationalistes de l’UPC (Union des Populations du Cameroun).

Dans une mouvance européenne où la Belgique vient de faire ses excuses au Congo pour les exactions commises pendant la colonisation pendant que l’Allemagne faisait de même vis-à- vis de la Namibie pour les mêmes causes, Emmanuel Macron pourrait bien emboucher le même cor sans que cela ne surprenne, lui qui vient de justement de reconnaître les atrocités de la France en Algérie pendant cette colonisation.

La difficulté pour la France d’amorcer une réparation se trouve dans le fait que Paul Biya fait partie des héritiers de ceux qu’elle a armés pour mater cette rébellion upciste. Laquelle répression contre l’UPC continue d’ailleurs comme en témoigne le discrédit que le régime Biya lui inflige. Régulièrement l’UPC est interdite d’élection pour  » méconnaissance de sa Direction « , le régime encourageant les congrès fractionnistes de ce parti politique pour après prétendre qu’il ne sait plus qui est habilité à investir ses listes aux élections.

La sanction étant la disqualification pour toutes les listes. Pis lors de la dernière fête nationale le 20 mai 2022, les diplomates à la tribune officielle ont été sidérés de voir les dirigeants rivaux de l’UPC se bagarrer pour le siège du représentant de ce parti, deux cartons d’invitation ayant été envoyés à des rivaux pour une seule place à la tribune. Le cynisme du régime étant sans borne quand il est question de se délecter des misères qu’il inflige à l’UPC.

L’absence de l’UPC au premier plan de la revendication des réparations pour les exactions françaises pendant la colonisation a donné des idées à certains dans les communautés où elle était très active. C’est notamment le cas avec le Comité de développement de Fotouni (Codefo), un des groupements Bamiléké situé dans le Haut Nkam qui a déposé le 7 juin 2022 une plainte au parquet de Paris contre la France pour « … génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité envers les populations Fotouni et Bamiléké en général pendant les années d’indépendance au Cameroun « .

On attend de savoir ce que EmmanueI Macron pense de cette affaire.

Ouest Echos

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