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Tueries de Ngarbuh: des membres du comité de vigilance pointés du doigt

Ils sont accusés d’avoir tué, avec les militaires, des civils dans ce village du Donga Mantung. Responsabilités des comités d’autodéfense en temps de conflit armé.

Invité récent de l’émission « Parole d’homme » sur Canal 2, le capitaine de frégate Ateumo Gue-fack, chef de la division communication du Ministère de la Défense, a persisté à dédouaner l’armée des crimes commis à Ngarbuh, une localité de l’arrondissement de Ndu, dans le Donga Mantung.

Il s’est même appuyé sur les résultats de l’enquête transmis au chef des armées, pour vanter le professionnalisme de son corps et fustiger les trafiquants d’images qui ont tout fabriqué pour ternir son image.

Moins de deux semaines après, le Secrétaire général ce la Présidence annonce qu’une procédure disciplinaire est engagée contre le chef de bataillon Charles Eric Nyiangono Ze, commandant du 52ème bataillon d’infanterie motorisée et tous les militaires ayant participé à ces tristes événements.

Une procédure judiciaire contre le sergent Baba Guida, le gendarme Cyrille Sanding Sanding, le soldat de première classe Gilbert Haranga et chose nouvelle, les dix membres du comité de vigilance qui les accompagnaient, sont activement recherchés.

Une grande première dans un Cameroun qui célèbre les comités d’autodéfense. Dans la lutte contre Boko Haram, à l’Extrême Nord, la Présidence de la République a, une fois, ordonné la remise à ceux-ci de 40 motos tout-terrain, une centaine de vélos (avec casques), des détecteurs de métaux, des jumelles, des machettes, des lampes de poche et des mégaphones. En plus des frais d’entretien et de carburant, supportés par certaines communes. Les membres de ces comités sont souvent filmés, avec des arcs, des flèches ou des fusils artisanaux.

Il s’agit, explique-t-on, d’augmenter leurs capacités de prévention et d’alerte. Mutatis mutandis, le gouvernement s’est retrouvé à solliciter les populations des régions anglophones, dès que les sécessionnistes ont paralysé la vie sociale et économique. Des comités de vigilance ont été créés ça et là, et travaillent à leur manière, parallèlement aux opérations de l’armée camerounaise, au retour de la paix dans les communautés.

Défense populaire

S’agissant des responsabilités à Ngarbuh, il est reproché au commandant du 52ème Bim de n’avoir pas personnellement supervisé les opérations militaires, bien que conscient de la sensibilité de la zone et des tensions intercommunautaires y existant.

Au sergent Baba Guida, cerveau du coup selon le communiqué, d’avoir associé des civils à une opération militaire et de n’avoir pas pu maîtriser ses hommes, d’avoir ordonné l’incendie des maisons et travesti le compte rendu de l’opération.

Sa troupe d’un soir a participé à une opération ayant causé la mort de plusieurs personnes et des incendies de maison. Les 10 membres des comités de vigilance, des peuls armés, ont participé à ces opérations pour lesquelles le gouvernement n’avait reconnu au départ que cinq victimes collatérales, une femme et quatre enfants.

Comme indiqué plus haut, l’armée camerounaise a l’habitude de travailler avec la population. Elle a ses indicateurs, souvent bien connus, dans ces localités. En cela donc, rien de nouveau. Par contre, les témoignages font état non pas d’une mission de reconnaissance mais d’une expédition punitive.

« Des témoins ont affirmé qu’entre 10 et 15 militaires, dont des membres du Bataillon d’intervention rapide (Bir), unité d’élite de l’armée camerounaise, et au moins 30 Peuls armés ont tout d’abord pénétré à pied dans Ngarbuh, un quartier de Ngarbuh, le 13 février vers 11h00 du soir, pillant de nombreuses maisons.

Certains membres de ces forces ont ensuite poursuivi leur route vers le quartier de Ngarbuh 2, pillant des maisons et passant à tabac des habitants.

Vers 5h00 du matin le 14 février, un groupe de militaires et de Peuls armés a attaqué le quartier de Ngarbuh 3, tuant 21 civils dans quatre maisons, puis incendiant celles-ci », dénonce le rapport de Human Rights Watch.

Les propos tenus après les massacres par les peuls, aujourd’hui en fuite, renseignent sur les rancunes que gèrent les deux communautés. Les Bororos accusent les autres de soutenir sinon d’héberger les sécessionnistes, qui se ravitaillent sur leurs troupeaux, pour entretenir leurs camps. A leur tour, les autres les accusent d’être des suppôts du gouvernement.

Sous traitance sécuritaire

A l’époque des faits, les communiqués du Ministère de la Défense n’avaient pas évoqué les membres du comité de vigilance. Tout au plus, le DivCom évoque des renseignements donnés par « des repentis », avant d’être corrigé par son patron. Or leur implication vient d’être mise en évidence dans l’incendie des maisons, le pillage des biens et le passage à tabac des habitants de Ngarbuh 3.

Ce modus operandi, adossé sur le concept Armée-nation, est dit-on, fondé sur la défense populaire. Par des actions civilo-militaires comme les soins de santé gratuits, la distribution de petits matériels de la vie pratique, l’investissement humain, la distribution de denrées alimentaires et les activités sportives, les forces de défense et de sécurité cherchent à inspirer la confiance au sein des populations pour les amener à collaborer avec les autorités militaires. Des fois, ça marche.

Exemple avec les incursions des sécessionnistes à Fongo Tongo, à l’Ouest, des comités d’autodéfense supervisés par le chef de groupement ont été mis sur pied. Ses membres barrent la route, arraisonnent les motos, fouillent tout le monde, au nom de la paix …

Mais il arrive des débordements. Au lieu d’identifier et d’intercepter les miliciens, de livrer de précieux renseignements aux responsables de l’Etat, certains font des dénonciations calomnieuses, se substituent aux militaires et commettent des exactions sur les populations.

Investis de l’onction publique, ils n’hésitent pas à se prendre pour la loi. Et comme à l’époque du maquis il y a de nombreux traîtres et jaloux dans les rangs du comité de vigilance : nombre d’entre d’eux sont des jeunes chômeurs. L’effet recherché s’en trouve retourné.

L’armée ne rassure plus. A ce jour, les populations qui ont assisté au massacre des leurs et celles qui ont été menacées ne sont pas de retour. Sur le bilan, seule l’exhumation promise des corps des victimes, afin de leur donner une sépulture digne aux frais de l’Etat, permettra de connaître le nombre exact de personnes tuées et enterrées dans une précipitation nocturne.

Le communiqué ne s’accorde pas avec les chiffres avancés par les Ong hier, encore moins ceux de Mgr George Nkuo, l’évêque de Kumbo, qui a un fait une messe en mémoire des victimes et disait avoir la liste complète des victimes. Comme Ilaria Allegrozzi de Human Wright Watch James Nunan, le chef du Bureau de coordination des Affaires hummanitaires (Ocha) de l’Onu pour les regions du Nord-Ouest et Sud-Ouest a dressé un bilan d’au moins 22 morts, parmi lesquels 14 enfants.

Source: Le Jour

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