Edith Kah Walla, figure politique influente et leader du mouvement citoyen « Debout pour le Cameroun », exige le remplacement des membres du parti au pouvoir au sein d’Elecam, l’organe de gestion des élections, afin de garantir l’intégrité et la transparence de l’élection présidentielle de 2025.
Dans une déclaration adressée à MMI lundi, Kah Walla, au nom des citoyens, regrette que le parti au pouvoir, le RDPC, continue d’exercer une tutelle sur le Conseil constitutionnel, l’Elecam et le ministère de l’Administration territoriale, tous responsables de l’organisation, de la supervision et de la proclamation des résultats des élections.
« Dix (10) des onze (11) membres du Conseil constitutionnel sont directement affiliés au RDPC, ce qui compromet son impartialité. En violation de l’article 48 de la Constitution, le Conseil a refusé d’examiner plusieurs plaintes électorales, invoquant son incompétence », indique le communiqué de Kah Walla.
« Au moins quatorze (14) des dix-huit (18) membres du conseil d’administration d’ELECAM sont d’anciens ou d’actuels membres du RDPC – une violation flagrante de l’article 12(2) de la loi n° 2012/001 – ce qui démontre l’absence d’indépendance de l’organe de gestion électorale », ajoute-t-elle, exigeant le remplacement de tous les membres du conseil d’administration ou cadres supérieurs d’ELECAM occupant ou ayant occupé des fonctions au sein du parti.
La déclaration exige également que le ministre de l’Administration territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji, soit retiré de « toute implication opérationnelle dans le processus électoral ». En effet, son double rôle de membre du comité central du RDPC, le parti au pouvoir, compromet son indépendance en tant qu’autorité de supervision des élections.
« Cette double fonction viole le principe d’indépendance et d’impartialité requis par l’article 17(1) de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Les antécédents d’ingérence de M. Atanga Nji dans les partis d’opposition, ses alliances partisanes et ses propos menaçants envers ses opposants politiques illustrent cette violation. »
Le Minat joue des rôles variés au Cameroun. Outre la gouvernance territoriale, il légalise les partis politiques, les ONG et les associations, et supervise les élections, notamment en accréditant les observateurs et en signant les résultats du scrutin.
Cependant, le président de cet organe est souvent un membre du parti au pouvoir choisi au hasard par le président, et n’est pas tenu d’être indépendant.
L’actuel patron du Minat, Atanga Nji, a été accusé d’avoir fomenté des divisions au sein des partis d’opposition, d’avoir porté atteinte à la liberté d’expression et d’avoir menacé les dirigeants de l’opposition.
L’année dernière, Atanga Nji a interdit aux médias de couvrir l’état de santé du président Biya et a ensuite été réprimandé par le Premier ministre pour avoir usurpé le rôle de ministre de la Communication.
La déclaration de Kah Walla invoque la Constitution, le Code électoral, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Elle accuse Elecam, le Minat et le Conseil constitutionnel de porter atteinte aux principes démocratiques par des affiliations partisanes et des défaillances opérationnelles.
Irrégularités du registre électoral
La déclaration tire la sonnette d’alarme concernant le registre électoral, qu’Elecam aurait omis de publier, en violation de l’article 80 du Code électoral.
Les données publiques révèlent des anomalies, notamment des personnes décédées et des mineurs inscrits sur les listes électorales, l’absence de dossiers de personnalités comme le Président et la Première Dame, et des centaines de milliers d’électeurs sans photo, notamment dans les régions du Sud, de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord.
Kah Walla a également pointé du doigt les doubles inscriptions, les radiations injustifiées et l’utilisation irrégulière des kits d’inscription, soulignant que plus de 7,5 millions de Camerounais sont dépourvus de documents d’identité, ce qui rend peu plausible l’uniformité des taux d’inscription entre les régions. Des enquêtes menées à Yaoundé, Douala, Kribi et Mora confirment ces incohérences, aggravées par les pics de participation inexpliqués lors des précédentes élections.
Des informations faisant état de mineurs inscrits sur la liste électorale ont été rapportées au Cameroun en début d’année. Le parti au pouvoir est accusé d’avoir orchestré l’inscription de milliers de mineurs dans les régions du nord afin de falsifier le scrutin.
L’âge minimum pour voter au Cameroun est de 20 ans, bien que l’opposition et la société civile aient réclamé à plusieurs reprises son abaissement à 18 ans afin de favoriser la participation des jeunes.
Des irrégularités présumées dans les listes électorales font l’objet de controverses depuis l’année dernière, après que Maurice Kamto, éminent leader de l’opposition, a accusé ELecam de fraude. Il a ensuite poursuivi l’organisme de gestion des élections pour non-publication des listes électorales, mais le tribunal a rejeté l’affaire.
Privation du droit de vote dans les régions en crise
Selon Kah Walla, les violences persistantes dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord menacent le suffrage universel, garanti par l’article 2 du Code électoral.
Les confinements et les engins explosifs improvisés mis en place par les séparatistes armés, conjugués aux arrestations massives par les forces gouvernementales, ont créé des conditions de vote dangereuses.
« Aucune communication n’a été émise par ELECAM, le MINAT ou le Conseil constitutionnel concernant la sécurité des citoyens. Ce silence compromet l’exercice du droit de vote et porte atteinte à l’intégrité du processus », indique le communiqué.
Les séparatistes anglophones imposent un confinement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis le 8 septembre, date de la reprise des cours dans tout le pays. Ce confinement a entraîné la fermeture des commerces et des écoles, et l’interruption des transports dans la plupart des régions pour la cinquième semaine.
Ils ont également mis en garde contre la tenue d’élections dans les régions anglophones, obligeant les autorités à délocaliser plusieurs bureaux de vote vers des zones plus sûres.
Les observateurs estiment que l’insécurité freinera considérablement la participation électorale et empêchera la plupart des habitants de ces régions d’exercer leurs droits.
Défaillances structurelles du système électoral
La déclaration condamne le scrutin majoritaire uninominal à un tour au Cameroun, qui permet d’élire des présidents avec moins de 20 % des voix, compromettant ainsi la légitimité démocratique.
Par ailleurs, Kah Walla a déclaré que le délai de 15 jours pour la proclamation des résultats, prévu à l’article 137 du Code électoral, a historiquement facilité la fraude.
Ses revendications, au nom des citoyens, incluent l’adoption d’un scrutin majoritaire à deux tours, l’introduction d’un bulletin de vote unique et la réduction du délai de proclamation des résultats à 48-72 heures.
Parmi les réformes réalisables qu’elle a présentées figurent le remplacement des membres partisans d’ELECAM et du Conseil constitutionnel, l’exigence de déclarations de neutralité et la garantie d’une représentation de l’opposition dans les bureaux de vote.
Elle souhaite également que la liste électorale complète et les listes des bureaux de vote soient publiées 15 jours avant le scrutin, et que des anomalies telles que l’affaire Noun de 2024 et les 120 000 inscriptions supprimées soient corrigées.
La déclaration demande également au gouvernement d’annoncer un cessez-le-feu électoral, de publier un plan de sécurité et de coordonner ses efforts avec les acteurs humanitaires pour protéger les électeurs ; d’adopter un scrutin à deux tours, de diffuser en direct le décompte des voix et d’élargir le droit de vote de la diaspora.
« Nous appelons par la présente les autorités compétentes à mettre en place immédiatement des mesures correctives et des engagements contraignants en matière de transparence avant et pendant le scrutin et le dépouillement », indique la déclaration.
L’élection présidentielle de 2025 s’annonce très disputée. Le président sortant Paul Biya fait face à 11 adversaires, dont deux anciens alliés qui ont démissionné du gouvernement et l’accusent de ne pas répondre aux aspirations des citoyens.
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