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Exploitation minière : plus de 150 morts enregistrés dans des mines artisanales à l’Est

L’extraction des ressources minières se fait souvent en violation des règles environnementales. Dans les zones où cette activité se déroule, des milliers de trous abandonnés sont visibles causant des décès, la destruction de la flore, de la faune et la dévastation des vastes étendues de terre. Entre 2014 et 2022, plus de 150 morts ont été enregistrés selon l’Ong Foder.

Le chantier « Namkara Ndoulé » qui signifie « la famine est finie » en langue locale de Belita 2, dans l’arrondissement de Batouri, département de la Kadey à l’Est est devenu tristement célèbre à cause de son bilan macabre en si peu de temps. En trois mois d’existence, ce chantier créé par un adolescent d’environ 17 ans a déjà enregistré plus de huit morts en un seul jour suite à l’éboule- ment d’un trou d’or.

Sur les circonstances du drame, les exploitants retrouvés sur place révèlent qu’«autour de 14 h, il y avait 12 à 15 travailleurs regroupés dans cinq trous en filon. Vers 16 h, le chef de l’un des trous a demandé qu’on arrête le travail, mais les travailleurs étaient têtus et n’ont pas obéi à cet ordre parce que le trou était riche. Ils voulaient en profiter. Vers 14 h 30 mn, le premier trou s’est coupé et tombé, suivi du deuxième. C’est ainsi que les occupants ont été bâchés».

Selon une note officielle, après la descente du préfet du département de la Kadey sur les lieux, le 10 juin 2022 accompagné par le procureur de la République près des tribunaux de Batouri et un infirmier de l’hôpital de Belita 2, il a été constaté que « l’éboulement a enfermé 13 personnes dont cinq morts sur place et huit blessés évacués à l’Hôpital de Belita 2 avec des cas graves. Parmi les corps identifiés, le nommé Ngambé, âgé d’environ 18 ans et Jean Tam- boura, âgé lui d’environ 40 ans ».

Plus dramatique, en moins de trois mois, plus de 3000 trous béants ont été abandonnés dans le chantier selon Jean Bery Nymbot, originaire du village Mbonou, âgé de 62 ans, installé à proximité du site depuis quelques mois et qui a pris la peine de recenser ces trous qui demeurent un véritable piège pour plus de 3000 riverains qui se sont installés à la quête de l’or. Nos interlocuteurs rencontrés sur les lieux s’accordent sur le fait que « les creuseurs d’or sont très têtus car ils avaient déjà enlevé tout le gravier et malgré l’injonction donné par leur chef de quitter le trou, ils ont continué à creuser d’où cet éboulement ».

Toujours dans l’arrondissement de Batouri, le site minier de Kambélé est un cas à part. A Kambélé 3 le chef du village, Baba Bell explique qu’ils sont victimes de l’exploitation à travers des titres fictifs qui ne tiennent pas compte de l’intérêt des riverains depuis 1952 ».

Pour ce chef du village, il est même difficile de comptabiliser le nombre d’éboulement suivis des morts à Kambélé. C’est d’ailleurs sur ce chantier d’exploitation artisanale que dans la nuit du 12 au 13 juin 2022, un éboulement a fait deux morts et deux blessés.

A plus de 150 kilomètres de Batouri, précisément dans l’arrondissement de Mbotoro avec pour chef-lieu Ouli, la situation dans le chantier « Popom » appartenant à Jérôme Mining est tout simplement embarrassante. Ici, des montagnes de sable issues du lit du fleuve Kadey dévié et exploité sur plusieurs kilomètres sont visibles.

Le maire d’Ouli, Lévy Abah, s’inquiète du fait qu’au-delà des cas de morts, ses populations ne pourront plus consommer le poisson « Mbenguo » qui provenait du fleuve Kadey et n’auront plus jamais l’eau à boire alors que l’exploitation en question n’apporte rien à sa commune.

Dans l’arrondissement, de Bétaré-Oya, l’une des plus veilles zones minières du Cameroun, ce sont plus de 100 trous abandonnés qui jalonnent la distance d’environ 7 kilomètres qui séparent le fleuve Lom et le chantier Chaloupe, situé au quartier Longa Mali à environ 3 kilomètres du centre ville.

Le chantier Chaloupe, né après la découverte d’un gisement minier n’a pourtant qu’un an d’existence selon les exploitants artisanaux rencontrés sur ce site. Dans les zones minières de Bétaré-Oya, il est pratiquement impossible de compter le nombre des trous abandonnés car l’exploitation minière artisanale se déroule depuis plus de 100 ans dans cette zone.

Le cas de Ngoura

Deux faits majeurs en dit tout sur la situation de Ngoura. D’abord une lettre adressée au chef de l’Etat en 2014 par les chefs traditionnels de cet arrondissement pour exprimer leur colère face à ce qu’ils considèrent comme « l’anarchie » dans l’exploitation de l’or et la charnière découverte au village Ngongoué situé à environ 70 kilomètres de Ngoura avec neuf corps en 2017.

« Des particuliers ont obtenu les permis d’exploration et ont profité pour s’approprier des milliers d’hectares de terrain dans les villages. Ils les ont même vendus aux expatriés (chinois) qui aujourd’hui exploitent avec les excavatrices », avait expliqué Justin Aoudou Koueke, président du Conseil d’arrondissement des chefs traditionnels de Ngoura. Sur le terrain, Sa majesté Justin Bello, chef de canton Gbaya Banginda accueille sans discrimination toute personne qui veut s’enquérir des dégâts causés par l’exploitation minière dans la zone.

« Regardez comment ils ont tout enlevé et dévasté nos terres. Ils sont tous partis sans fermer les trous. Vraiment c’est malheureux. Ce sont les chinois qui refusent de restaurer les sites. Ils ont abandonné les trous partout. On a déjà enterré plus de 40 personnes dans le canton, mortes dans ces trous », regrette le chef de canton qui affirme avoir adressé une correspondance au gouverneur de l’Est pour signaler les dangers des trous d’or laissés par les entreprises chinoises ».

Dans cette localité, l’on apprend qu’il s’agit des anciens chantiers exploités par la société Lu et Lang et abandonnés depuis longtemps. A Colomines, localité située à environ 40 kilomètres de Ngoura vers le Nord, un autre jeune enfant a également trouvé la mort récemment par éboulement.

Rappelons que depuis 2014, l’organisation Forêt et développement rural (Foder) tient un ficher des décès dans les chantiers miniers de la région de l’Est. A date, cette structure a dénombré exactement plus de 150 morts.

Corruption

Toutefois la controverse autour des réaménagements des sites déjà exploités demeure dans la mesure où pour certains, il faut imputer cette mauvaise gestion aux institutions qui sont en charge de réglementer l’exploitation minière. « Les chinois payent la somme indiquée par les textes pour la restauration des chantiers mais cet argent n’a jamais servi à quoi que ce soit », affirme un acteur du secteur.

En effet, selon la loi cadre du 96/12 du 5 août 1996, relative à la gestion de l’environnement, « toute activité économique est précédée par une étude d’impact environnemental ». La même loi précise qu’une somme d’un million Fcfa sera déposée dans un compte avant la délivrance de toute autorisation pour restaurer l’environnement après l’activité.

Dans les zones minières, un flou total règne dans la mesure où certains exploitants affirment que cette somme est régulièrement versée par les Chinois alors qu’au niveau des délégations départementales de l’Environnement du Lom-et-Djerem et de la Kadey l’on réfute catégoriquement cette allégation.

Pour riposter à leur manière à cette catastrophe, certaines actions sont menées. Ainsi, en réaction à la tragédie de Belita 2 en début du mois de juin 2022, le sous-préfet de l’arrondissement de Batouri a signé le 10 juin 2022, une décision portant « arrêt des travaux d’exploitation minière sur une dépendance du domaine national situé au lieu dit Belita 2 entrepris par le nommé « Boris pour non- respect de la réglementation ».

A Bétaré-Oya, face à la recrudescence des accidents mortels dus aux noyades (56%) et aux éboulements de terrain (26%), des jeunes de cette localité ont décidé de lancer une campagne de fermeture des trous miniers laissés ouverts par des exploitants miniers véreux.

« Nous avons entrepris de refermer ces excavations depuis quatre mois. A ce jour, nous en avons refermé une dizaine sur 727 recensés », explique Carmelo Febadi, leader de ce collectif constitué de cinq jeunes de l’arrondissement de Bétaré-Oya.

En son temps, le Capam, devenu aujourd’hui la Sonamines avait entrepris une opération de prévention des risques en implantant des plaques de signalisation portant la mention accès interdit à l’entrée d’un chantier abandonné. Une action qui limitait au maximum l’accès des artisans dans les sites qui présentent des risques ».

A en croire Ndentsoa Nouna Casimir, qui menait l’action, tout accès des artisans miniers à un puits issu de la mécanisation est conditionné par une autorisation du Site-manager.

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