Autrefois, elle avait une valeur traditionnelle sacrée qui consistait à permettre aux parents et familles des deux tourtereaux de convoler en justes noces. Aujourd’hui, elle s’est mue en une valeur marchande qui consiste pour l’essentiel à décourager les prétendants.
Il devient de plus en plus difficile pour un jeune de prétendre au mariage de nos jours au Cameroun. Et pour cause, la dot, ce rituel traditionnel qui avait pour leitmotiv de rassembler les deux familles d’un couple qui aspire au mariage est devenu un enrichissement de certaines familles. Foé en est une victime. Jeune descendant de la tribu Ekang, travailleur dans une petite entreprise informatique du secteur privé de la capitale, il a tenté il y a cinq ans environ d’épouser une jeune du même clan (Mvog-Fouda).
« Nous nous aimions et avions entrepris de nous marier depuis 2015, après la naissance de notre deuxième fils. Nous avions déjà trois ans de relation mais ne vivions pas vraiment sous le même toit. En 2017, comme il est de rigueur, je devais alors demander la liste. C’est là que j’ai vu tous mes rêves tomber à l’eau », narre-t-il.
Et de poursuivre : « Ma belle-famille qui me connaissait déjà bien, m’a présenté une liste avoisinant les dix millions de Fcfa intégrant des trucs comme des écrans plasma dernière génération, des appareillages de topographie dont un seul coûte au moins trois millions. Ma famille très courroucée m’a demandé de ne pas compter sur elle pour contribuer à une pareille gabegie. Le pire c’est qu’au toqué porte, ma belle-famille m’avait déjà fait dépenser pas moins d’un million. Ma femme et ma belle-mère m’avaient imposé d’apporter des vins et liqueurs très chers pour honorer ma fiancée et appâter mon beau-père ».
La dot avait quatre fonctions essentielles en droit coutumier : une fonction probatoire (preuve du mariage), une fonction de garantie (facteur de stabilisation du mariage), une fonction de détermination de la filiation (de la personne l’ayant versé), une fonction compensatoire (entre les deux familles).
Dans les grandes aires culturelles camerounaises (Soudano-sahélien, Sawa, Fang-Beti, Grassfields), le processus de la dot a connu des altérations. Le principe du « gain » a pris le dessus. Que ce soit au sein du peuple Ekang, dans la tribu Bamiléké ou encore chez les Peuls, l’idée du « symbole » tend à être substituée, reléguée au deuxième plan par le matériel, les honneurs.
Aujourd’hui, les listes de dot sont surtout meublées de gadgets et autres articles de luxe onéreux, pour faire croire à l’idée du caractère précieux de la femme convoitée. Tout ceci a pour objectif de confirmer le statut privilégié du courtisan et preuve de ce que la femme, une fois dotée, ne parte pas dans une famille de crève-la-faim.
Dans une société camerounaise en proie à de fortes pressions matérielles et financières, la tradition dotale perd de plus en plus sa valeur consacrée pour une valeur marchande. La législation pénale a bien voulu la recadrer, mais sans toutefois s’entourer de précautions suffisantes.
Selon Valery Blériot Djomo Tamen, « la dot est une institution coutumière dont le rapport à la répression pénale constitue une menace à la paix et à la cohésion sociale, la famille étant la base de la société ». Pour lui, la récente réforme du Code pénal du 12 juillet 2016, censée y remédier, l’a malheureusement reconduite in extenso, entérinant ainsi les ambiguïtés ou imprécisions de cette législation. Dès lors, la dot à l’état actuel des mœurs, devient difficile voire défaillant.
L’Anecdote