Un tribunal français a reconnu l’écrivain franco-camerounais Charles Onana coupable d’avoir minimisé le génocide rwandais de 1994, dans une affaire saluée comme une décision historique en matière de justice et de responsabilité.
Le tribunal parisien a condamné Charles Onana, 60 ans, à une amende de 8 400 € (8 900 $ ; 5,5 millions de FCFA) pour avoir violé les lois françaises contre la négation du génocide et l’incitation à la haine par ses écrits.
Damien Serieyx, le directeur de publication des Éditions du Toucan, a écopé d’une amende de 5 000 €, et lui et son organisation doivent verser 11 000 € de dédommagement aux organisations de défense des droits de l’homme qui ont engagé la procédure.
Un livre qualifié de contestation « scandaleuse » du génocide
Les accusations découlent du livre de 2019 de Charles Onana, Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise, dans lequel il décrit l’idée selon laquelle le gouvernement dirigé par les Hutus avait orchestré le génocide comme « l’une des plus grandes escroqueries » du XXe siècle.
Le tribunal a estimé que le livre banalisait et contestait outrageusement le génocide, au cours duquel environ 800 000 personnes – principalement des Tutsis et des Hutus modérés – ont été tuées en seulement 100 jours.
Survie et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) ont porté l’affaire devant la justice, citant Onana et Serieyx pour avoir « publiquement contesté un crime contre l’humanité ». Les critiques du livre affirment qu’il déforme les faits historiques et minimise l’ampleur et l’intention des atrocités.
Justice pour les victimes et les survivants
Richard Gisagara, avocat représentant l’accusation, a salué le verdict comme « une victoire pour la justice qui protège les victimes et les survivants du génocide ». Ce jugement marque la première sanction en Europe pour avoir nié le génocide rwandais, un acte que la loi française criminalise explicitement.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe a salué la décision, la décrivant sur la plateforme de médias sociaux X comme une « décision historique ».
La défense tient bon
L’avocat d’Onana, Emmanuel Pire, a défendu le livre comme un ouvrage universitaire. « C’est le travail d’un politologue basé sur 10 ans de recherche pour comprendre les mécanismes du génocide avant, pendant et après », a déclaré Pire à l’AFP en octobre. Il a insisté sur le fait qu’Onana n’a nié ni le génocide ni le ciblage des Tutsis.
Malgré cette défense, le tribunal a statué de manière décisive contre Onana, soulignant que la France ne serait « plus un refuge pour les négationnistes ».
Le négationnisme et le droit français
En vertu du droit français, nier ou minimiser un génocide officiellement reconnu par l’État est une infraction pénale. Cela inclut l’Holocauste et le génocide rwandais, qui reste l’une des atrocités les plus brutales et les mieux documentées de la fin du XXe siècle.
Le génocide s’est déroulé entre avril et juillet 1994, lorsque des extrémistes hutus ont pris pour cible les Tutsis et les opposants politiques. Les survivants et les historiens luttent depuis longtemps contre les récits révisionnistes qui cherchent à minimiser la gravité des événements.
Onana et Serieyx ont cependant tous deux fait appel du verdict. Cela prolonge donc le litige juridique sur une question controversée qui remet en cause la mémoire, la responsabilité et la justice.
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