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Cameroun Actuel

31 mai 2017 – 31 mai 2022 : cinq ans après, toujours le clair-obscur sur la mort tragique de Mgr Jean-Marie Benoît Bala

Il y a cinq ans jour pour jour, l’ancien évêque du diocèse de Bafia se trouvait sous les eaux de la Sanaga. Le mystère continue, jusqu’à présent, de planer sur le décès dramatique de Mgr Jean-Marie Benoît Bala. Le gouvernement camerounais avait conclu une « mort causée par noyade » alors que l’Eglise catholique romaine avait défendu la thèse d’un assassinat.

A l’occasion de cette commémoration funéraire liée au triste anniversaire de la mort de ce prélat, je publie, à nouveau, la tribune libre que j’avais commise et relayée le 16 juillet 2017 un mois après la création d’une commission d’enquête sur cet événement tragique. Cinq ans plus tard, l’on constate, indubitablement, le cimetière de cette commission d’enquête tant jusqu’à l’heure actuelle, aucun résultat n’a été publié à cet effet. Relisez donc cette tribune libre d’il y a cinq ans! Bonne lecture!

Affaire de la mort dramatique de Mgr Jean-Marie Benoît Bala: vers la fin de la théâtralisation d’une tragi-comédie? Une Sociographie et une Socio-critique des déclarations et contre-déclarations des acteurs.

Plus d’une quarantaine de jours après la disparition tragique de l’évêque du diocèse de Bafia, l’opinion publique nationale et internationale reste perplexe, pantoise et ahurie au regard de la différenciation des discours et contre-discours, des communiqués et contre-communiqués, des vérités et contre-vérités des acteurs diamétralement opposés.

En effet, après la diffusion prescriptive et massive du communiqué du Procureur général près la Cour d’appel du Centre, lequel a, d’ailleurs, jeté un coup de pavé dans la marre parce que surfant sur la thèse du « suicide par noyade » de Mgr Bala, les évêques ont saisi la balle au bond et ont discrédité ce document, a priori et a posteriori, questionnable et contestable.

D’après Mgr Samuel Kleda, Président de la Conférence épiscopale nationale, « Mgr Jean-Marie Benoît Bala a été assassiné ». A la thèse de la « mort par noyade » formulée par Jean Fils Ntamack s’oppose l’argument central de « l’assassinat » de l’Eglise catholique romaine.

La curiosité de cette conflictualisation de postures est liée au caractère polémiste du communiqué du magistrat qui, suivant les constatations des médecins légistes allemands, traite de la cause la plus probable liée à la mort par noyade sans référence à des déterminants et à des indicateurs qualitatifs matérialisant cette thèse-là.

Comment le Procureur assermenté laisse-t-il transparaître une telle conjecture trouble sans que l’on ne parvienne aux conclusions de l’enquête relative à cette mort mystérieuse? S’il s’agit du « suicide par noyade », quels en sont les mobiles et les indices ? Le communiqué de cette figure judiciaire est autant controversé que problématique tant il suscite bien de questions et d’interrogations, dont quelques-unes ont été énoncées supra.

Si, à la découverte du corps de Mgr Bala, le 2 juin 2017, l’on n’a, d’après certaines analyses médicales, constaté aucune trace d’eau dans les poumons, comment croire à l’argument du « suicide par noyade »? A moins que le prélat ne soit noyé dans l’eau dans un état de morbidité.

Autant le communiqué du Procureur près la Cour d’appel du Centre est contestable et invraisemblable, autant la thèse des évêques liée à « l’assassinat » suscite un questionnement épistémique non-négligeable. En fait, si Mgr Kleda soutient, à deux reprises, que Mgr Bala a été assassiné, l’archevêque de l’archidiocèse Douala a, à coup sûr, des indices et des invariants relatifs aux auteurs et aux commanditaires d’un acte crapuleux d’une telle essence.

Alors, qui sont les auteurs de l’assassinat de Mgr Bala? Quels en sont les commanditaires? Quels sont les intermédiaires, les pourvoyeurs et les bénéficiaires de cet odieux acte? Il s’agit, sans conteste et relativement à certains cas d’assassinat planifiés, d’un réseau d’acteurs généralement commis pour perpétrer cette basse besogne. En pareille circonstance, les auteurs sont ceux ayant orchestré l’horrible acte.

Les commanditaires sont des personnalités plurielles de l’élite bureaucrativo-politique chargées de théoriser un assassinat. Les intermédiaires sont, à la différence, des figures qui rentrent dans le jeu transactionnel pour opérer ou traduire la scénographie de l’assassinat. Si les commanditaires se recrutent, a priori, dans la sphère de la classe de la « bourgeoisie compradore, des intermédiaires peuvent être des individus connus ou inconnus de l’agora, lesquels sont instrumentalisés pour actionner de tels actes contre des prébendes.

Les bénéficiaires sont ceux-là qui tirent profit de l’acte commis. Certaines figures de l’espace public qui ont parlé des organes génitaux mutilés de Mgr Bala, d’une partie du crâne brisée, d’un pied cassé participent de quelques indices des parties sensibles que l’on peut capter et soumettre à des trajectoires d’accumulation à des fins magico-mystiques. Chaque être rationnel est censé savoir quelle est la symbolique des organes génitaux dans les réseaux de captation, d’accumulation et de commercialisation des ossements humains.

L’opérationnalité d’un acte lié à l’assassinat de certaines catégories privilégiées de la société est, pour ainsi dire, tributaire de l’implication d’un consortium d’acteurs, dont la typologisation a été faite initialement. En substance, si les évêques détiennent donc des indices de l’assassinant de Mgr Bala, qu’ils lâchent du lest, délient leur langue, vident leur ventre et mettent sur le frontispice de l’arène sociale des déterminants de cet argument éloquent révélateur de dits et de non-dits!

Mais, ce que l’on note, dans ce mélodrame, dans cette tragi-comédie, c’est la macabre mise en scène des acteurs, dont les déclarations et contre-déclarations sont pourvues de représentations, de probabilités, de jugements de faits dénués de toute fiabilité et de toute crédibilité.

Le premier épisode de cette mise en scène de la disparition tragique du prélat est lié, entre autres indicateurs, au départ de Mgr Bala, le 30 mai 2017, à 23h et 30 pour une destination inconnue, à son véhicule posté à un lieu contraire à la direction convenue. Pire encore dans cette mise en scène, il y a la photographie du message « Je suis dans l’eau », lequel est d’une banalité légendaire bien qu’un prêtre y ait donné, il y a quelques jours, un sens, en martelant que ça signifie : « je suis piégé » ou encore « je suis dans une posture inextricable ».

En pareille circonstance, il faut véritablement, pour rester dans la logique bourdieusienne, savoir « ce que parler veut dire » tant les mots revêtent un sens et une puissance. Une autre mise en scène est celle des Hommes de médias, dont les publications varient au gré de la ligne éditoriale de l’organe médiatique auquel ils offrent leurs services et au gré des sources informatives et de certains « rapports d’autopsie » sur lesquels d’aucuns fondent leur littérature.

Autre mise en scène non des moindres, c’est celle des leaders et acteurs socio-politiques dont certains exigent la mise en oeuvre d’une commission d’enquête indépendante pour clarifier les déterminants de la mort de l’évêque de Bafia.

Face à ces aspérités, le peuple des fidèles reste abasourdi, décontenancé et désemparé vu l’absence des données scientifiques fiables liées au décès d’une figure de l’Eglise catholique romaine. Au regard de la contradiction des sources informatives, ne s’achemine-t-on pas, pour reprendre un concitoyen qui plus est collègue, vers la matérialisation du paradigme de la « vérité introuvable » dans cette affaire kafkaïenne?

Visiblement, la trajectoire de la « vérité noyée » est de mise tant certaines affaires antérieures n’ont, dans la même veine, connu aucune issue favorable en dépit des commissions d’enquête créées par l’Etat. Jusqu’ici, la disparition de Mes seigneurs Albert Dongmo, Yves Plumey, du Père Engelbert Mveng, des soeurs de Djoum, etc n’a jamais été clarifiée.

Lorsque l’on y subordonne l’assassinat de Djomo Pokam, il y a quelques années, défenestré du Hilton hôtel sans suite, le peuple meurtri n’a que sa conscience pour se morfondre, ses yeux pour pleurer et ses prières pour exalter la forteresse divine pour réserver aux auteurs, commanditaires, intermédiaires et bénéficiaires actuels desdits actes macabres un châtiment le jour du dernier jugement céleste.

La mort dramatique de Mgr Bala ressemble, c’est une conjecture scolastique, à un maquillage d’un assassinat par des données improbables. C’est comme si l’on dissimule les vrais déterminants et les vrais indicateurs de ce décès mystérieux, en mettant en vitrine les clichés et réalités bourrés de toutes formes de soupçons.

Irrémédiablement, l’on s’achemine vers la fin de la théâtralisation de cette tragi-comédie, dont le point de chute est, selon certaines sources dignes de foi, la remise, dans les tout prochains jours, du corps de Mgr Bala au clergé et à la famille biologique pour inhumation. Triste destin du prélat!

Serge Aimé Bikoi

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