Le nom du fils du chef de l’État ressurgit dans une affaire de pétrole entre Yaoundé et N’Djamena après d’autres épisodes de la vie publique où il a été présenté dans un feu nourri comme le dauphin de son père, au cœur des eaux troubles des batailles en cours.
Yaoundé, vendredi 17 mars 2023. Les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac) ont rendez-vous au palais de l’Unité, pour un sommet ordinaire. Le conclave qu’accueille le président en exercice sortant, Paul Biya, ne manque pas d’intérêt. Au-delà des sujets s’inscrivant dans la routine de l’agenda communautaire : projets intégrateurs, redistribution des postes au premier rang desquels la présidence de la commission, la position des chefs d’État de la Cemac sur l’inévitable et sensible question du FCFA est scrutée.
Mais au soir du sommet, alors que le jeu des chaises musicales à la présidence en exercice, à la présidence de la commission et à d’autres postes névralgiques est orchestrée et effective, les attentes nourries de l’opinion publique camerounaise se déplacent sur une histoire protocolaire.
En effet, à l’ouverture et à la clôture de la conférence des chefs d’État, les images de la Télévision nationale ont donné à voir Franck Biya, le fils aîné du président de la République, assis en première ligne, juste après la première dame, Chantal Biya et avant le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.
Pour ceux qui gardent un œil pointu sur les écrans-radars de ce qu’il est convenu d’appeler « la succession » à la tête de l’État du Cameroun, les jeux sont faits, c’est l’authentique coming out de Franck Emmanuel Biya. Il s’agit, soutiennent mordicus certains exégètes, d’une mise à l’étrier du fils par son père devant ses pairs de la Cemac.
Paul Biya, assènent les tenants de la thèse du gré à gré, de père en fils, avait déjà présenté son « dauphin », Franck, à Emmanuel Macron à l’occasion de sa visite officielle à Yaoundé le 27 juillet 2022. Les images et vidéos de l’audience élargie à la proche famille présidentielle avaient été viralisées ce jour-là sur les réseaux sociaux, « à dessein ». C’est à peine s’ils se souviennent que lors de la conférence de presse Biya-Macron ce même 27 juillet, Franck Biya était assis loin derrière les sièges occupés par les journalistes conviés à la couverture de cette séquence.
Savannah Energy
Le nom de Franck Biya est réapparu comme par enchantement au milieu des effluves de pétrole à la faveur de la brouille diplomatique en cours entre le Tchad et le Cameroun. D’aucuns ont prêté au rejeton du chef de l’État un rôle de premier plan dans la conduite du dossier jusqu’au démenti cinglant du vice-président Afrique de Savannah Energy. « Cette personnalité camerounaise n’a jamais été impliquée dans nos interactions », martèle Yacine Wafy, dans une interview.
On peut parier, en tout état de cause, qu’entre ce jour et l’élection résidentielle projetée en 2025, le nom de Franck Biya reviendra en boucle lorsqu’il s’agira de parler de la transition au sommet de l’État.
Mais au-delà du fait qu’il n’a jamais publiquement révélé quelque ambition présidentielle, malgré les appels pressants des mouvements disparates de « franckistes », lesquels ont bénéficié d’une étonnante mansuétude à la veille de la visite du président Macron à Yaoundé (en témoigne les banderoles acquises à sa cause, qui ont zébré le ciel de la capitale, à des endroits proprement insoupçonnés, avant d’être retirés sans ménagement), Franck Biya continue de cultiver la discrétion avec une finesse de Sioux comme d’autres leur jardin.
Dans les agoras où la succession présidentielle est régulièrement en débat, on rappelle cependant ses sorties (calculées ?) à l’occasion de deux anniversaires de l’accession de son père à la magistrature suprême, le 6 novembre. À Foumban où il était voir le sultan Nabil Mbombo Njoya et à Rey-Bouba, officiellement pour une visite de courtoisie au lamido, Aboubakary Abdoulaye. Une chose est cependant certaine, c’est qu’avant d’être monarques, les deux personnalités citées entretenaient déjà une certaine proximité avec Franck, car leurs parents s’appréciaient et se fréquentaient. Lors des meetings de Kribi et de Douala durant la campagne présidentielle de 2011, Franck Biya est également apparu, fringant, aux côtés de son père, sans qu’on sache s’il s’agissait d’une volonté délibérée de ce dernier ou d’une manœuvre intéressée du patron du Cabinet civil d’alors.
Vulgate
Pourquoi fait donc t-il si peur ? Lui qui n’a pas de fonction officielle ? Lui qui a peut-être la carte du Rdpc mais n’est ni membre du Comité central, encore moins du Bureau politique, lui qui s’est toujours tenu soigneusement loin des projecteurs de la haute administration, lui à qui l’on prête la tunique de faiseur de roi? Par quelle tour de passe-passe va-t-il atterrir directement sur le fauteuil présidentiel dans un pays si complexe et résolument engagé sur la voie de la démocratie ?
La jurisprudence en Afrique centrale qui est souvent mobilisée par les analystes et oracles qui voient Franck Biya khalife à la place du khalife met en exergue les cas Ali Bongo, Odimba, Théodorin Obiang Nguema, Mahamat Idriss Déby ou Dénis Christel Sassou Nguesso. Le dénominateur commun de tous ces fils de chefs d’État est qu’ils ont fait leur classe au sein du gouvernement et du parti au pouvoir, parvenant (au préalable) aux cimes, ministre de la Défense pour le cas gabonais et au poste de vice-président de la République pour le cas équato-guinéen. Ils ne sont donc pas « vierges » dans le Landerneau politico- gouvernant, comme on peut le constater en revisitant le narratif des pays voisins du Cameroun.
Ce n’est pas le cas de Franck Biya qui, bien qu’étant le conseiller de son père, comme tout fils peut l’être à une occasion ou une autre, n’a jamais caché sa prédilection pour ses affaires, notamment dans l’agro-foresterie. Il a certes été sur le révélateur à des circonstances particulières ces derniers temps, dans un contexte où le filet des dauphins putatifs se rétrécit irrémédiablement, où l’opposition paraît essoufflée et où le timonier peut parier sur un fidèle de sa tranche d’âge, 50-55 ans, pour lui succéder, ( il va souffler sur sa 52e bougie le 21 août 2023), mais, admettons le, il ne s’agit, pour l’instant, que de supputations, car l’alchimie présentée par la Vulgate et certains leaders d’opinion ne résiste à aucune rationalité démocratique. La peur charriée par Franck Biya ne peut donc qu’interroger.
Par Georges Alain Boyomo (Mutations du 28 Avril 2023)
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