Le président Paul Biya a finalement rompu le silence. Cependant, au lieu d’évoquer la mort tragique de soldats camerounais, il a souhaité l’Aïd el-Fitr à la communauté musulmane sur les réseaux sociaux.
« Joyeux Aïd el-Fitr à tous les musulmans ! Bonne fête du Ramadan à l’ensemble de la communauté musulmane !» pouvait-on lire sur ses comptes X et Facebook.
Ce message intervient après plus d’une semaine d’inaction face à une crise sécuritaire nationale urgente.
Son silence sur la récente perte de soldats a conduit de nombreuses personnes à se demander s’il était conscient de la situation au Cameroun.
Il y a quelques jours à peine, au moins 12 soldats camerounais ont été pris en embuscade et tués par des insurgés de Boko Haram à Wulgo, une ville frontalière avec le Nigéria.
Selon certaines informations, au moins 20 soldats auraient été tués. L’attaque, qui a eu lieu dans la nuit du 24 au 25 mars, a été largement condamnée. Outre cette condamnation nationale généralisée, l’ambassade des États-Unis à Yaoundé a également réagi.
« Nous sommes solidaires de tous les Camerounais qui pleurent la perte de leurs compatriotes », a déclaré l’ambassade dans un communiqué. Pourtant, aucune nouvelle de Biya.
Une négligence systématique
Ce n’est pas la première fois que des soldats camerounais sont tués sans que le chef de l’État n’évoque les faits. À Bingo, un soldat a été assassiné et plusieurs autres enlevés, mais la présidence est restée silencieuse. Dans d’autres cas, les informations faisant état de soldats morts sur le champ de bataille ont été accueillies avec indifférence.
Des personnalités politiques ont exprimé leur frustration. Le chef de l’opposition, Maurice Kamto, a déploré l’état des forces armées : « La recrudescence de ces attaques meurtrières perpétrées par des éléments armés de Boko Haram doit, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, préoccuper le haut commandement militaire. Il est temps que les autorités politiques trouvent des solutions appropriées.»
Me Michèle Ndoki a été encore plus directe dans ses critiques : « Nous devons honorer leur mémoire non seulement par le deuil, mais aussi par des actes. Nous devons exiger des comptes, un meilleur leadership et un engagement réel pour sécuriser notre nation. »
Contraste avec 2017
Le silence de Biya aujourd’hui contraste fortement avec sa réaction de 2017, lorsqu’un petit nombre de soldats ont été tués à Manyu. Il était alors rentré précipitamment d’un voyage à l’étranger pour s’adresser à la nation et appeler à l’action.
Sa réponse immédiate témoignait d’urgence et d’inquiétude. Aujourd’hui, face à un bilan plus lourd et à une situation sécuritaire de plus en plus instable, il reste absent des discussions.
Qu’est-ce que cela signifie pour le Cameroun ?
Les analystes de la sécurité avertissent que l’absence de réaction de Paul Biya est démoralisante pour les forces armées. « Une armée qui se sent abandonnée par ses dirigeants est une armée affaiblie », a déclaré un expert. « Les soldats doivent savoir que leurs sacrifices comptent. Pour l’instant, ils sont ignorés.»
Alors que les familles pleurent leurs proches, elles se posent des questions. Pourquoi le président ne s’est-il pas exprimé ? Pourquoi semble-t-il indifférent aux combats des soldats qui risquent leur vie quotidiennement pour le pays ?
Si Paul Biya prend le temps de souhaiter de joyeuses fêtes à la nation, il devrait également trouver le temps de rendre hommage aux héros tombés pour la défendre. Tout manquement serait une trahison de leur sacrifice.
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