Le Comité des Nations Unies contre la torture entame aujourd’hui sa dernière session d’évaluation des pratiques en matière de droits de l’homme de six pays, dont le Cameroun.
L’examen du Cameroun, prévu les 13 et 14 novembre, devrait susciter une attention considérable. En effet, il intervient au lendemain de nouvelles demandes de reddition de comptes suite à la diffusion d’une vidéo dérangeante montrant la torture du chanteur camerounais Longue Longue en 2019.
Le Comité des Nations Unies contre la torture, chargé de superviser l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, évaluera le Cameroun conjointement avec le Koweït, la Namibie, la Thaïlande, la Jordanie et la Mongolie lors de cette session, qui se tiendra du 28 octobre au 22 novembre 2024.
Chacun de ces pays fera l’objet d’une évaluation concernant son adhésion à la Convention, qui interdit toute forme de torture et exige des évaluations régulières du Comité.
Cet examen intervient à un moment crucial pour le Cameroun. La semaine dernière, la réapparition d’une vidéo montrant Longue Longue, un musicien camerounais bien connu, torturé par les forces de sécurité en 2019 a suscité un tollé public important.
La vidéo, publiée la semaine dernière, a relancé les appels à la justice, à la responsabilité et à la réforme des politiques des droits de l’homme au Cameroun, en particulier en ce qui concerne la violence et la torture cautionnées par l’État.
L’affaire Longue Longue : une honte nationale
Longue Longue, un musicien apprécié connu pour ses tubes Afrobeat et Makossa, aurait été arrêté en 2019 sur la base d’accusations douteuses de diffamation et de dissidence politique. La vidéo révèle les abus troublants qu’il a subis aux mains des forces de l’ordre. Elle le montre en train de subir des violences physiques, des humiliations et d’être contraint de faire des aveux forcés pendant sa détention.
La publication publique de la vidéo a suscité une indignation considérable, incitant les militants des droits de l’homme, les artistes et les membres de la communauté à demander justice pour Longue Longue et d’autres personnes qui ont subi des expériences similaires sous la direction des forces de sécurité camerounaises. Cette affaire est largement considérée comme une indication plus large de l’impunité systémique persistante des violations des droits de l’homme au sein du pays.
« Il est regrettable qu’il ait fallu cinq ans pour que ces preuves apparaissent et que personne n’ait encore été jugé responsable », a déclaré un représentant du Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique (CHRDA). « La torture de Longue Longue n’est pas un incident isolé ; elle représente une culture d’impunité qui afflige le Cameroun depuis des années. »
La résurgence de cette affaire s’inscrit dans le contexte d’une pression internationale croissante sur le Cameroun pour qu’il fasse face à son histoire de torture, en particulier en ce qui concerne le traitement des prisonniers politiques et des détenus dans les zones de conflit.
Le Cameroun est actuellement confronté à un grave conflit dans ses régions anglophones, marqué par des allégations documentées de torture et d’exécutions extrajudiciaires impliquant des acteurs étatiques et non étatiques.
L’examen de l’ONU offre une occasion essentielle de faire rendre des comptes
L’examen à venir du Comité des Nations Unies contre la torture offre au Cameroun une occasion importante de montrer son engagement en faveur des réformes des droits de l’homme. Au cours de l’examen, les représentants du Cameroun seront interrogés par un panel d’experts internationaux indépendants sur les efforts du pays pour prévenir la torture et garantir la responsabilité des auteurs.
Les organisations de la société civile devraient jouer un rôle crucial dans ce processus. Nombre d’entre elles ont soumis des rapports qui détaillent la prévalence de la torture dans le pays, en particulier en relation avec la répression politique et le conflit en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
De nombreux rapports soulignent l’absence de responsabilité pour les forces de sécurité impliquées dans la torture, les conditions inadéquates dans les centres de détention et le harcèlement des militants, des journalistes et des adversaires politiques.
Le Comité des Nations Unies a programmé l’examen du Cameroun le 13 novembre de 10h00 à 13h00 et le 14 novembre de 15h00 à 18h00 au Palais Wilson à Genève. La délégation camerounaise participera à des débats publics sur ces questions, la session étant diffusée en direct sur la télévision en ligne de l’ONU.
Un plaidoyer pour la justice
De nombreux Camerounais ont depuis longtemps anticipé l’attention mondiale portée sur la situation des droits de l’homme dans le pays. Les organisations de défense des droits de l’homme n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme concernant le recours à la torture comme outil de répression politique dans le pays.
L’affaire Longue Longue a mis en évidence le problème persistant de l’insuffisance des mesures mises en œuvre pour lutter contre ces abus.
Avec l’examen de l’affaire Longue Longue à l’horizon, les militants camerounais sont optimistes quant au fait que ce moment marquera un changement décisif dans la quête de justice et la fin de l’impunité pour les personnes responsables de torture et de violations des droits de l’homme.
« Nous ne devons pas permettre que les événements entourant Longue Longue restent sans réponse », a déclaré l’avocate Michele Ndoki du Mouvement des bâtisseurs de la nation camerounaise. « Son cas incarne la souffrance et l’angoisse d’innombrables autres personnes qui ont été réduites au silence. Il est essentiel que le monde reconnaisse que le Cameroun ne doit plus ignorer la question de la torture. »
Alors que le Cameroun se prépare à affronter le Comité des Nations Unies contre la torture, il est évident que les dirigeants du pays subiront une pression considérable pour s’attaquer non seulement aux incidents historiques, mais aussi pour mettre en œuvre des réformes systémiques afin d’éviter de futurs abus.
Pour des victimes comme Longue Longue et bien d’autres, ce moment représente une lueur d’espoir en matière de responsabilité et de justice.