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Imbroglio : le Directeur favorisait-il le vol d’argent chez Santa Lucia ?

Santa Lucia

La caissière principale et le responsable des dépôts en banque de l’une des succursales de l’entreprise sont poursuivis pour la disparition d’une somme de 35 millions de francs. Devant les juges, les deux accusés se rejettent les responsabilités. Mais l’insistance de la Cour à entendre les dirigeants de l’entreprise, qui hésitaient à venir témoigner, met en exergue la possibilité d’une complicité au niveau de la direction.

Sui de Mme She Charlotte, la caissière principale, et de M. Tene Talla Jean, le responsable chargé des versements en banques, a détourné la somme de 35 millions de francs prétendument sortie le 12 mars 2021 des caisses de Univers Distribution, une succursale du Groupe Santa Lucia, et qui devrait être reversée dans l’un de ses comptes ouvert dans les livres de la Société commerciale de Banques (SCB) Cameroun ?

C’est à cette question que le collège des juges de la Cour d’appel du Centre conduit par le célèbre juge Gilbert Schlick est appelé à répondre le 5 mars prochain, au moment de rendre son verdict dans l’affaire qui oppose, depuis avril 2021, les deux mis en cause à leur employeur pour «abus de confiance aggravé».

Mme She Charlotte et de M. Tene Talla Jean, qui croupissent à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis le début de leurs déboires judiciaires, avaient déjà été reconnus coupables des faits mis à leur charge par le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, le 18 octobre 2022, où ils avaient été jugés en premier.

Mais, bon contents de la decision de cette juridiction, la caissière principale et son coaccusé avaient, chacun, relevé appel de ce premier verdict. C’est dans le cadre du.réexamen du dossier que le trio des magistrats dirigé par M. Schlick est entré en scène. Et il a fallu encore la témérité et la clairvoyance du célèbre juge pour que les faits de la cause soient entièrement cernés.

Les faits dans cette procédure judiciaire sont simples à comprendre au regard des témoignages des mis en cause, mais surtout des auditions respectives du Manageur de l’entreprise, M. Tatchouang Alain, du Fondé de pouvoirs de Santa Lucia, et d’un Inspecteur des comptes de l’entreprise, finalement entendus le 6 février dernier grâce à l’insistance du président Schlick.

Le 12 mars 2021, en effet, M. Tene Talla avait effectué deux versements dans le compte bancaire d’Univers Distribution, respectivement de 35 millions de francs, en matinée, et 15 millions de francs, en début d’après-midi. Ce jour-là pourtant, selon les responsables de l’entreprise, cet empbyé était supposé faire trois opérations de versement dans la même banque, dont deux d’un montant identique de 35 millions de francs. Et c’est brs de l’opération de rapprochement des écritures comptables de l’entreprise, début avril 2021, que les inspecteurs de l’entreprise allaient se rendre compte que l’un des versements de 35 millions de francs annoncé n’avait pas été effectué.

Contrôle de caisse

Problème M. Tene Talla avait reçu la somme de 35 millions de francs des mains du Fondé de pouvoirs du groupe Santa Lucia dans la matinée du 12 mars 2021, qui venait de la retirer en sa compagnie du compte de l’entreprise logé à Afriland First Bank, agence de Mokok). Il avait aussitôt versé cet argent dans le compte de la SCB Cameroun quelques dizaines de minutes après, filmant le bordereau de versement et l’expédiant à son commissionnaire par un message WhatsApp.

Arrivé à l’entreprise, peu après cette première opération, il avait reçu de la caissière principale la somme de 15 millions de francs dont il avait effectué le versement toujours à la SCB Cameroun, avant de ramener le bordereau de versement à la caissière et de contresigner avec elle une pièce de caisse correspondante.

Il se trouve que dans la comptabilité de l’entreprise, le contrôle effectué pour le compte du mois de mars 2021 avait permis de découvrir que le bordereau de versement des 35 millions effectué à la SCB Cameroun à la demande du Fondé de pouvoir avait été agrafé, comme justificatif, à une pièce de caisse concernant le second versement supposé de 35 millions de francs ordonné par le manager, M. Tatchouang, avec pour origine les fonds, cette fois, la caisse tenue par Mme She Charlotte.

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Cette pièce de caisse signée aussi bien par la caissière principale et le responsable des versements était revêtue du visa du manager, M. Tatchouang. En apparences donc, selon ce document, l’opération avait été effectuée selon les règles de l’art. Sauf que certains détails allaient montrer qu’il n’en était rien.

Les premiers indices du détournement de cette somme apparaissent lorsque les comptables essaient de comprendre comment un même bordereau de versement peut justifier deux opérations distinctes. La coïncidence du montant des deux opérations de 35 millions de francs permet d’entretenir le flou. Et la caissière soutient de toutes ses forces que le bordereau de versement à la SCB Cameroun qui se trouve sur la pièce de caisse qu’elle a établi avec M. Tene Talla est le bon pour cette opération.

Pour sa part M. Tene Talla est convaincu du contraire. 11 conteste la sortie (tes fonds d’une valeur de 35 millions de francs par la caissière principale et dit s’être trompé en lui remettant un bordereau de versement à la banque qui ne lui était pas destiné. Les contrôleurs vont essayer de comprendre comment cela a été possible.

M. Tene Talla déclare alors se souvenir que le 17 mars 2021, soit cinq jours après le jour supposé du versement en banque, Mme She Charlotte lui a exigé, avec insistance, un bordereau qu’il lui devait, sans lui indiquer le montant. «Sous sa pression, j’ai fouillé mon sac et retrouvé le bordereau des 35 millions de francs de l’opération avec le Fondé de pouvoirs que je lui ai remis. Immédiatement, nous avons fait une pièce de caisse correspondante à ce montant que nous avons cosignée», explique-t- il de façon constante.

Avec le recul, il déclare n’avoir jamais reçu les 35 millions de francs de la caissière. Pour lui, la pièce de caisse établie, qui porte bien sa signature, ne se justifie pas. Implicitement, il rend Mme She responsable de la disparition des 35 millions. Et cette dernière soutient le contraire, estimant que la pièce de caisse suffit à montrer que c’est Tene Talla qui détient l’argent de l’entreprise. C’est l’imbroglio totaL

Gilbert Schlick

Lorsque la justice est saisie de l’affaire, le fbu va persister Longtemps. Devant le TGI du Mfoundi, un seul responsable de l’entreprise, celui qui avait signé la plainte, M. Ngniezeko, accepte de venir éclairer la justice. La comptabilité de l’entreprise, qui est tenue de façon curieuse, et le manque d’un manuel des procédures ne sont pas étrangers à la réticence des témoins clés, les autres personnes intervenues dans les transactions qui posent problème.

Devant la Cour d’appel, le même manège va recommencer Et c’est l’occasion pour M. Schlick de montrer sa perspicacité. Avec ses collègues de la collégialité, ils décident d’une descente du tribunal dans l’entreprise pour démêler l’écheveau. Ce sera un déplacement pour rien, la séance de travail ayant été bâclée en l’absence du président du collège.

A un moment, le président Schlick décide de clore les débats, et annonce le verdict, avec cependant le sentiment que les choses ne sont pas claires. La Cour reviendra sur cette décision et convoquera certains responsables de l’entreprise. Et c’est au cours de leur audition que le jeu trouble de M. Tatchouang Alain va apparaître.

Si le Fondé de pouvoir du Groupe Santa Lucia et l’inspecteur, qui ont comparu devant la Cour n’ont aucun doute sur le fait que le reçu bancaire agrafé sur la pièce de caisse confectionnées en guise de justificatif de la prétendue sortie de 35 millions de francs de la caisse de Mme She correspond à une autre opération, seul le Directeur de Univers Distribution pense le contraire. D’ailleurs, il a apposé son visa, le 17 mars 2021, avec ses deux collaborateurs envoyés en jugement, la pièce de caisse problématique qui aurait dû être établie le 12 mars.

Bien plus, alors qu’il témoigne avoir ordonné des mouvements financiers à destination du compte ouvert à la SCB pour satisfaire dans l’urgence certains fournisseurs, le non-versement des 35 millions de francs dans ce compte, qui auraient dû provenir de la caisse de Mme She, ne lui a posé aucun problème…

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Pendant son audition devant la Cour, le directeur va se montrer hésitant face à de nombreuses questions. C’est à l’occasion des plaidoiries de la défense qu’il va être indexé par l’un des avocats de M. Tene Talla Jean comme quelqu’un qui aurait dû être poursuivi en compagnie de la caissière principale et de son compagnon d’infortune.

En fait, lorsque le représentant du ministère public prend la parole pour ses réquisitions, il demande à la Cour d’infirmer partiellement le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le TGI du Mfoundi dans cette affaire. Pour lui, le fait que M. Tene Talla ait contresigné la pièce de caisse avec Mme She démontre qu’il a effectivement reçu de cette dernière les 35 millions de francs détournés.

C’est la raison pour laquelle il demande à la Cour d’acquitter la caissière principale et de condamner son coaccusé. L’avocate de Mme She va aller dans le même sens, après avoir insisté sur le fait que «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude». «M. Tene Talla ne peut pas avoir signé s’il n’avait pas reçu l’argent», insiste le conseil de Mme She.

Versions instables

En prenant la parole, les avocats de M. Tene Talla vont s’appesantir sur toutes ies curiosités relevées au cours des débats, pour démontrer l’innocence de leur client. La première de ces curiosités réside dans la grande variation des versions données par Mme She depuis le déclenchement de l’affaire, notamment sur l’heure où elle dit avoir remis les 35 millions de francs à M. Tene Talla. Elle a d’ailleurs prétendu l’avoir fait en matinée, autour de 9h, alors que son coaccusé ne pouvait pas être en entreprise, parce que occupé par le Fondé de pouvoir dans une autre opération bancaire.

La date d’établissement de la pièce de caisse, le 17 mars, pour une opération effectuée le 12 mars, est mise en exergue comme une manœuvre. Les responsables de l’entreprise qui ont.comparu devant la cour ont témoigné que la pièce de caisse est établie dès que l’argent sort de la caisse, selon les directives de M. Tatchouang, et non à la suite de la présentation du reçu de versement en caisse.

Les conseils de M. Tene Talla vont interroger la logique de faire faire deux versements à la banque de l’argent provenant de la même caisse le même jour, soit 15 millions et 35 millions de francs, alors que les contrôles montrent que la caisse disposait de plus de 96 millions de francs à ce moment. C’est un constat qui met à mal M. Tatchouang et amène les avocats de la défense à parler d’une situation impossible. S’agissant de la signature de la pièce de caisse par M. Tene Talla, qui est un fait accablant pour lui, ses avocats vont évoquer sa «naïveté».

«Il paie le prix de la naïveté qui est l’un des visages de la vérité», soutient l’un de ses avocats, en rappelant que son client est resté constant dans sa version des faits depuis le début de la procédure. Il avait expliqué avoir remis par mégarcb le bordereau de versement des 35 millions de francs à Mme She, parce qu’elle le harcelait alors même qu’il devait effectuer un versement de 31 millions de francs en urgence.

Les avocats de M. Tene Talla vont plus bin en disant à la Cour que les responsables de Santa Lucia savent que Mme She avait détourné l’argent recherché pour se construire un immeuble de trois niveaux qu’en personne avisée, elle n’avait pas mis sous son nom. Elle aurait déclaré qu’elle n’est pas bête pour mettre l’immeuble à son nom. De toutes les façons, les avocats de M. Tene Talla vont demander aux juges de faire parler leur intime conviction au moment de prendre leur décision, en déclarant M. Tene Talla non-coupable des faits mis à sa charge. On saura ce qu’il en est ce 5 mars 2024, date annoncée pour le verdict.

Kalara

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