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Crise anglophone : pourquoi Ekondo Titi est dans l’œil du cyclone ?

Questionnements autour des attaques récurrentes orchestrées par des combattants sécessionnistes dans cette localité de la région du Sud- ouest, au moment où le retour de la paix résonne comme un idéal lointain.

Ekondo Titi dans t’œil du cyclone ? La réponse coule de source. Du moins si l’on questionne en profondeur les attaques récurrentes perpétrées dans cette localité de la zone côtière située dans 1a région du Sud-Ouest et le département du Ndian.

Touchée en plein cœur par le conflit armé qui sévit dans la partie anglophone du pays, cette contrée, en l’espace de quatre mois, est dans le viseur des combattants séparatistes d’Ambazonie. La chronologie de ces actes meurtriers enregistrés ici, laisse à penser que bien loin du dessein funeste affiché des auteurs, se cache un agenda bien ficelé quoique les contours restent encore flous.

La première attaque survenue à Ndian a eu lieu le mardi 17 juin 2021 lorsque six délégués exerçant dans les démembrements ministériels ont été enlevés notamment ceux des Domaines, du Cadastre et des affaires foncières, de l’Habitat et du développement urbain, de l’Eau et de l’énergie, des Petites et moyennes entreprises, de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire…

Trois jours après l’enlèvement, l’un des otages, AAabia Johnson AAudika, déléguée régionale du Minepat, a été retrouvée morte, tuée par ses ravisseurs. Depuis lors, aucune information n’a filtré sur la situation des cinq autres responsables en captivité.

Ekondo Titi, la vache à lait

Il a fallu qu’une autre attaque orchestrée par les mêmes Amba boys, survienne le mercredi 24 novembre 2021 laissant sur le carreau trois adolescents et une enseignante à 1a merci d’un engin explosif improvisé, pour que les regards se tournent vers Ekondo Titi. Pas plus tard que la semaine dernière, un autre engjn explosif posé par ces tueurs à gage a ôté la vie à six personnes dont le Sous-préfet et le maire de la localité.

A l’analyse, les combattants séparatistes semblent avoir installé leur QG à Ekondo Titi et font des ravages imputables, à en croire certains spécialistes en géostratégie, à« (‘intérêt économique, la porosité des frontières avec le Nigeria voisin, la topographie de la région, l’absence d’une base miiitaire soii- de, le mauvais réseau routier, la mauvaise connexion téiéphonique et internet », entre autres.

Faut-il rappeler que c’est dans le département du Ndian qu’est implantée la société agro-industrielle Pamol Plantations Pic ainsi qu’une pléiade de petits producteurs de palmiers à huile et de cacao ?Nos informateurs renseignent que c’est cet eldorado économique qui suscite la convoitise des séparatistes à Ekondo Titi.

Telle une vache à lait, ces individus sans foi ni loi seraient en train de traire Pamol à blanc, en volant des noix de palme et de l’huile, qu’ils font passer en contrebande au Nigeria voisin pour les revendre. A preuve, des plantations de palmiers et de cacao ont été arrachées à leurs propriétaires pour vendre les récoltes à des puissants acheteurs au Nigeria. La nouvelle source de revenus dans cette zone, a-t-on appris, a poussé ces ambazoniens à s’installer dans la région et infliger des souffrances atroces à un peuple épris de paix.

Mieux, dans une certaine mesure, l’essor du commerce du carburant illicite dans la région, font remarquer les observateurs, peut être imputé à la présence de ces combattants séparatistes qui contrôlent désormais le racket de plusieurs millions de Fcfa de carburant introduit en contrebande depuis le Nigeria et vendu jusqu’à Buea, Limbe et Douala. Convaincu qu’un business aussi juteux leur permet à se remplir les poches, ils n’entendent pas quitter la région.

En attendant une base militaire efficace

L’autre facteur pouvant expliquer ces assauts répétés des Amba boys, réside dans le fait que le département du Ndian partage une frontière longue et poreuse sur terre et sur mer, avec le Nigeria voisin. Ces frontières poreuses donneraient aux assaillants, une belle marge de manœuvre pour entrer en ville, lancer des attaques, mener d’autres activités illicites et s’enfuir tranquillement par voie terrestre ou maritime sans en être inquiétés.

Plus révélateur, les habitants de ce département et de l’État voisin de Cross River au Nigeria partagent beaucoup de points communs tels que la culture, les coutumes et les traditions, 1a langue, entre autres, il est parfois très difficile de différencier qui est de Ndian au Cameroun et qui est de Cross River au Nigeria. Toute chose qui facilite la tâche aux assaillants qui ont la possibilité de fuir facilement d’un bout et se meler a ceux de l’autre cote de la frontière, rendant ainsi fastidieuses les opérations d’identification.

Bien plus, le fait qu’Ekondo Titi ne puisse pas se vanter d’avoir une base militaire solide, bien équipée pour repousser la forte présence des combattants d’Ambazonie dans la région, reste un sérieux handicap.Pendant ce temps, un camp du Bataillon d’intervention rapide (Bir) se trouve plus loin àldabato dans la péninsule de Bakassi.

La base marine et le camp de l’armée régulière à Ekondo Titi accusent donc un large retard lorsqu’il faut lancer des interventions militaires en urgence. Et pour ne rien arranger, le mauvais réseau routier à Ndian est également à inscrire dans le chapelet des faiblesses.

Avec des routes accidentées, les séparatistes qui opèrent souvent à bord de motos, peuvent facilement se mouvoir, alors que les camions militaires ne peuvent pas en faire de même. Les militaires, à bord des véhicules, ont ainsi du mal à poursuivre les agresseurs.

A cela vient se greffer la connexion téléphonique et internet des plus instables. Pire, l’accès aux signaux de radio et de télévision reste une gageure. C’est dire que même si des membres de la communauté locale souhaitent alerter ou envoyer des signaux aux militaires, ce sera peine perdue.

Dion Ngute, le bouc émissaire

Dans le même ordre d’idée, certains analystes soupçonnent un sabotage politique ourdi contre le Premier ministre. Chef du gouvernement, Dr Dion Ngute, originaire de Ndian. il n’est pas vain de rappeler que quelques heures avant sa nomination au poste de Pm, sa maison dans le village de Bobongo a été incendiée par les Ambazoniens.

A en croire nos informateurs, des ennemis politiques tentent à travers ces attaques, de donner l’impression au sommet de l’Etat, que l’homme qu’on présente comme « le messager de la paix» et qui œuvre depuis sa prise de fonctions, auprès des populations, pour un retour à la normale dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ne peut pas trouver la paix dans sa propre arrière-cour à Ndian.

Armé de son bâton de pèlerin et son arbre de paix en main, le Pm a pourtant eu la lourde responsabilité d’évaluer la mise en œuvre des résolutions énoncées au terme du Grand Dialogue national et d’envisager la fin d’une crise qui n’a que trop duré.

Jean François CHANNON | Le Messager

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