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Cameroun Actuel

Yaoundé sous pression après les aveux de Glencore

Depuis que le géant suisse a plaidé coupable pour des faits de corruption, les regards se tournent vers deux entreprises camerounaises, dont des agents auraient touché des pots-de-vin : la SNH et la Sonara. Des voix, dans l’opposition, s’élèvent pour demander l’ouverture d’une enquête.

Voilà deux semaines que le scandale a éclaté. Deux semaines que le géant Glencore a admis devant la justice avoir versé près de cent millions de dollars de pots-de-vin à des officiels et à des agents publics en Afrique et en Amérique latine.

Deux semaines que l’affaire fait la une au Cameroun, que Yaoundé ne réagit pas et que, du côté de l’opposition, des voix s’élèvent pour demander que la lumière soit faite sur l’éventuelle implication de deux des entreprises les plus emblématiques du pays : la puissante Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui passe pour être le bras financier du régime de Paul Biya, et la Société nationale de raffinage (Sonara).

Spécialisé dans les mines et le négoce de produits pétroliers, coté à Londres, le Suisse Glencore a en effet plaidé coupable de faits de corruption fin mai. Selon les éléments mis à la disposition du public par les tribunaux, des employés de la SNH et de la Sonara ont perçu près de 13 millions de dollars (12,1 millions d’euros, environ 7 milliards de francs CFA) de dessous-de-table pour favoriser les opérations du groupe au Cameroun entre 2007 et 2010. La justice évoque un processus sophistiqué de versements savamment dissimulés.

Une affaire tentaculaire

L’affaire a un retentissement international, d’autant que d’autres pays africains sont cités dans l’enquête, si l’on en croit un communiqué du Bureau d’enquêtes sur les affaires criminelles (Serious Fraud Office, SFO) publié fin mai. Celui-ci dit avoir commencé ses investigations en 2019 et découvert « des pots-de-vin et de la corruption dans les opérations pétrolières de l’entreprise [Glencore] au Cameroun, en Guinée équatoriale, en Côte d’Ivoire, au Nigeria et au Soudan du Sud ».

L’affaire est donc tentaculaire mais, à Yaoundé, les autorités n’ont pas réagi et il n’en a pas fallu davantage pour que la société civile et l’opposition réclament l’ouverture d’une enquête au niveau local. Leur objectif : obtenir que les personnes impliquées soient identifiées et assainir le secteur.

L’avocat et opposant Akere Muna a ainsi saisi la Commission nationale anti-corruption (Conac), mais cela a pour l’instant été sans effet. La chambre des comptes de la Cour suprême et l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) n’ont pas davantage réagi.

Dans un communiqué daté du 30 mai dernier, Adolphe Moudiki, le directeur général de la SNH, est toutefois sorti de sa réserve légendaire pour affirmer que son entreprise n’était « ni de loin ni de près associée à de telles pratiques, strictement interdites par son règlement intérieur ». Moudiki a également affirmé avoir été informé des aveux de Glencore « par voie de presse » et avoir saisi les autorités américaines et anglaises pour obtenir « les éléments qui permettraient d’établir la véracité de ces allégations ».

Patron de la SNH depuis 1993 et proche du président Biya, Adolphe Moudiki était aux commandes lors de la période visée par l’enquête, à la différence de Ferdinand Ngoh Ngoh, influent secrétaire général de la présidence et actuel président du conseil d’administration de la SNH.

Contrairement aussi à Claude Simo Njonou, directeur général de la Sonara, dont l’entreprise est également citée dans le scandale. Nommé en 2019, il a préféré ne pas réagir aux aveux de Glencore et c’est finalement Charles Metouck, ancien directeur général entre 2002 et 2013, qui a répondu aux accusations.

Des questions sans réponse

Depuis la prison de Kondengui, où il a été incarcéré après avoir été « victime » de l’opération épervier, il a affirmé – via un communiqué – n’avoir « jamais signé un quelconque contrat avec la société Glencore » du temps où il était à la tête de la Sonara. Condamné en 2013 pour 40 fautes de gestion enregistrées entre 2007 et 2010, puis pour destruction de documents, et en 2015 pour détournement de deniers publics, Charles Metouck ajoute n’avoir « jamais été pris à défaut […] pour des actes de corruption ».

Avec qui Glencore a-t-il collaboré au Cameroun ? Comment est-il possible que la SNH n’ait pas été informée des poursuites de la justice américaine ? Pourquoi l’entreprise ne demande pas-t-elle à Glencore les noms de ses complices présumés et pourquoi les autorités n’ont-elles toujours pas réagi ?

Les questions sont nombreuses et, alors qu’une session parlementaire s’ouvre ce mardi 7 juin, les députés de l’opposition – Joshua Osih en tête – manœuvrent pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. « Dans un autre monde, des personnes devraient déjà être inquiétées et des enquêteurs devraient déjà être aux États-Unis, soupire Akere Muna. Nous devons éviter de plaisanter avec les richesses du pays. »

Jeune Afrique

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