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Scandale foncier : quand la mafia d’État impose « Carrefour »

Malgré la décision du tribunal administratif annulant le bail emphytéotique accordé à l’enseigne française, Ferdinand Ngoh Ngoh, Jean-Claude Ayem Moger et Séraphin Magloire Fouda sont soupçonnés d’avoir usé de leurs fonctions pour un passage en force. Révélations sur un hold-up foncier.

C’est ce mercredi 6 juillet que le premier hypermarché Carrefour de Yaoundé sera inauguré. C’est le premier magasin ouvert par l’enseigne française dans la capitale camerounaise. L’ouverture des portes de Carrefour intervient dans un contexte marqué par une opposition des autochtones qui estiment avoir été ignorés dans ce faramineux projet. Le groupe français et son partenaire Cfao Retail sont en plein litige foncier: le bail emphytéotique que leur avait accordé l’Etat camerounais a été annulé par le tribunal administratif de Yaoundé.

La parcelle querellée était à l’origine la propriété des familles autochtones (Mvog Mbia Tsala et Mvog Ela), qui en ont été expropriées le 14 novembre 2016 à la suite d’un décret signé par le Premier ministre sur instruction de Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général à la présidence.

Selon les informations du Messager, Ferdinand Ngoh Ngoh est celui qui a parrainé de bout en bout l’enseigne française en lui octroyant des facilités sur les impôts, la Tva et la douane, sous le fallacieux prétexte que l’implantation de Carrefour à Yaoundé va générer de nombreux emplois.

« Il avait fait convoquer des hauts responsables des services de douanes et des impôts à la Présidence de ta République en prétextant que c’était sous haute instruction du président de la République, et leur a imposé une démarche administrative qui accorde toutes les facilités à une société qui s’est installée en région urbaine et qui va tuer te petit commerce des environs », renseigne une source proche du dossier.

Faits plus graves, le Premier ministre et le ministre de l’Économie ont royalement ignorés au cours des transactions alors que leurs rôles s’avéraient importants dans l’appréciation des enjeux économiques d’une telle affaire. C’est plutôt la clique constituée de Ferdinand Ngoh Ngoh, Ayem Moger et Séraphin Fouda qui a manœuvré tout le processus d’implantation de Carrefour à Yaoundé.

Face à cette tribu de grands commis plus préoccupés par l’argent que par l’intérêt des populations, les premiers propriétaires de la zone de Warda où a été construit l’hyper marché Carrefour ont saisi la justice d’un recours en excès de pouvoir pour faire annuler la décision. Le tribunal administratif va annuler l’acte d’expropriation. Malgré cette décision, le projet a suivi son cours grâce aux interventions de certains pentes du régime de Yaoundé.

L’affaire est désormais perçue comme la preuve d’une volonté d’accaparement des terres, sur fond de corruption et de trafic d’influence. Les familles mécontentes accusent des caciques du pouvoir, notamment Ferdinand Ngoh Ngoh, Jean-Claude Ayem Moger et Séraphin Magloire Fouda, de fouler aux pieds les sensibilités locales en imposant sur cette partie de la ville, cet imposant projet de Carrefour.

Climat de terreur

Aux opérations d’expropriation s’ajoutent un climat de terreur entretenu par la présence régulière sur les lieux des forces de police. En 2017, le ton est monté d’un cran. La tension aussi. Les familles crient au hold-up foncier et envisagent des manifestations pacifiques pour implorer l’intervention du chef de l’État. Elles sont menacées et intimidées par les forces de police.

L’un des responsables de ta collectivité des autochtones, Ignace Atangana, sera interpellé puis conduit au commissariat où il passera 48 heures avant d’être présenté devant le Procureur de la République. Il sera libéré par le juge en raison des faits non établis. Depuis ce temps, Ignace Atangana reçoit régulièrement des menaces de mort. Une situation qui ne laisse pas les Camerounais indifférents.

De nombreux observateurs ne comprennent pas comment l’État camerounais peut privilégier les sociétés étrangères en leur octroyant des facilités, au détriment des entreprises camerounaises qui reçoivent difficilement des faveurs. « Le gouvernement facilite l’implantation au Cameroun du français Carrefour en lui épargnant le payement de certaines taxes, alors qu’ils n’accordent pas les mêmes faveurs aux sociétés camerounaises », fulmine un responsable d’un super marché à Yaoundé.

Il raconte les déboires endurés par son patron alors qu’il essayait d’obtenir l’autorisation de bâtir de son espace commercial. Un autre explique que l’enseigne française Carrefour n’apporte rien de nouveau au Cameroun. Pourtant, en dépit de la décision du tribunal administratif, les familles continuent d’être intimidées.

« Penser dans l’intérêt du peuple et penser pour son intérêt personnel sont deux choses très différentes », affirme un natif de la zone qui préfère garder l’anonymat de peur d’être arrêté. « Certaines hautes personnalités de ce pays ont reçu de forte sommes d’argent dans cette affaire, notamment Ngoh Ngoh. Il compte lui- même venir présider la cérémonie d’inauguration de ce commerce », lâche enfin ce membre de la famille Mvog Ela.

Le Messager

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