C’est à Maroua, encore une fois, que tout recommence. Comme en 2018, le chef de l’État Paul Biya a choisi la capitale de l’Extrême-Nord pour apparaître (enfin) dans cette campagne présidentielle 2025.
Un communiqué du préfet du Diamaré, Jean-Marc Eko Ambarga, daté du 6 octobre, enjoint les populations à « se mobiliser massivement » ce mardi 7 octobre pour réserver un accueil « chaleureux » au président au stade municipal Lamido Yaya Dahirou.
Les chefs traditionnels, les maires et même les groupes d’animation sont priés de jalonner l’axe Salak-Maroua. Tout un dispositif d’État pour un seul homme, et un seul discours attendu.
Le rituel du pouvoir : Maroua, encore Maroua
Le choix n’est pas anodin. C’est ici, dans cette région considérée comme un bastion du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), que Paul Biya aime renouer avec les bains de foule encadrés, les accueils chorégraphiés, les slogans rodés.
En 2018 déjà, le président, alors candidat, s’était adressé à ses partisans depuis ce même stade. Sept ans plus tard, il revient sur la même scène, avec la même mise en scène.
Un symbole ? Certainement. Une habitude ? Peut-être. Un message ? Sans doute celui d’un pouvoir qui se veut éternel, immuable, presque sacré.
Un timing qui interroge
Mais la question demeure : pourquoi maintenant ? Depuis l’ouverture officielle de la campagne, les autres candidats sillonnent le pays, multiplient les meetings et les échanges directs avec la population.
Paul Biya, lui, a choisi le silence. Jusqu’à ce communiqué
Ce retour soudain sur le terrain, à 5 jours du scrutin, interroge. Est-ce un calcul froid : celui d’un président sûr de son électorat et de son emprise sur l’administration ? Ou une démonstration de mépris : celui d’un homme qui, à 92 ans, estime qu’il n’a plus rien à prouver à un peuple qu’il gouverne depuis plus de quarante ans ?
Entre fidélité et lassitude
À Maroua, l’attente est teintée d’un mélange de loyauté et de lassitude.
« Le président vient toujours ici, mais nos routes sont les mêmes, nos vies aussi », souffle un commerçant du marché central, sous un soleil impitoyable. D’autres, plus âgés, rappellent avec émotion les « bienfaits » du régime : la paix relative, la présence de l’armée, quelques infrastructures. Mais la jeunesse, elle, semble regarder ailleurs.
Car l’Extrême-Nord n’est plus le réservoir électoral docile qu’il était autrefois. La pauvreté, les crises humanitaires et la montée des voix alternatives ont érodé le socle de confiance. La visite du président, aussi orchestrée soit-elle, pourrait bien se heurter à une indifférence polie.
Un chef d’État en campagne… ou un État en représentation ?
Au fond, ce déplacement ressemble moins à un meeting de campagne qu’à une cérémonie d’État.
Les préfets mobilisent, les sous-préfets exécutent, les chefs traditionnels obéissent. Tout est organisé pour produire l’image d’un peuple rassemblé, fidèle et reconnaissant.
Mais derrière le décor, la question demeure : le président-candidat viendra-t-il pour parler au Cameroun, ou simplement pour rappeler qu’il est toujours là ?
Le symbole d’un pouvoir figé
Ce qui frappe, dans cette répétition du rituel, c’est la constance du geste. Le même lieu, le même discours attendu, la même distance. Paul Biya ne se renouvelle pas : il se reproduit.
À Maroua, il rejoue le théâtre du pouvoir, celui d’un chef qui ne se déplace que lorsqu’il est sûr de la foule, d’un homme qui ne parle que lorsqu’il est certain d’être entendu.
Le stade Lamido Yaya Dahirou accueillera donc, une fois encore, l’homme du silence. Mais cette fois-ci, le silence autour de lui résonne autrement.
Dans les rues poussiéreuses de Maroua, dans les conversations à voix basse, dans les esprits lassés d’un pays qui attend le lendemain depuis trop longtemps, la venue de Paul Biya sonne moins comme une promesse que comme un adieu en suspens.
MMI
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