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Elections régionales : les régions anglophones ne sont pas prêtes

L’insécurité persiste sur un terrain où des élections forcées ont été organisées en 2018 et 2019, sans assurer une représentation légitime des populations.

L’image continue de tourner dans les tranches d’information de cette chaîne privée de télévision : un chef traditionnel du Nord Ouest, en tenue d’apparat, remercie dans un français approximatif, le chef d’un village de la Région du Centre (Ebebda) pour l’hospitalité à eux accordée, lui et de nombreux ressortissants de son village, après l’exode tropical créé par la crise anglophone. A sa suite, Paul Atanga Nji, Ministre de l’Administration Territoriale, ’ explique les bonnes dispositions du gouvernement à accompagner tout déplacé qui manifesterait l’intention de retourner au village, dans les régions troublées du Nord Ouest et du Sud Ouest. La scène, où l’on voit les traces des dons en produits de première nécessité, se déroule au lendemain d’une rencontre du Minât avec les chefs traditionnels (Fons) déplacés, au cours de laquelle il les a encouragés à retourner sur leurs terres, pour accompagner le gouvernement dans son entreprise de reconstruction des zones sinistrées.

Reconstruction envisagée

Piste de sortie de crise, peut-on penser, dans un contexte où le gouvernement affirme avoir maîtrisé la situation sécuritaire et lancé, un vaste projet de reconstruction des zones sinistrées. Le 22 juin dernier en effet, le coordonnateur du Plan présidentiel de reconstruction et de développement des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (Pprd/Noso), qui est en même temps le ministre délégué à l’Economie, au Plan et à l’Aménagement du Territoire (Mine-pat), a entamé, une série de rencontres avec les représentants des populations.

Pendant deux semaines et avec les préfets, les élus de chaque circonscription (maires, députés et sénateurs), les représentants des autorités religieuses, des chefs traditionnels de 1er et 2e degré, des représentants des associations des femmes, des associations des jeunes et les présidents des comités de développement des villages, il a essayé de trouver les moyens de retrouver la cohésion sociale et la reprise économique, bases d’une sortie de la spirale insécuritaire. Dans un climat toujours tendu. Les « lockdown » ont été multipliés, la peur a empêché certains invités de répondre à l’appel. Néanmoins, pendant deux semaines, l’équipe de Paul Tasong Nju-kang a présenté aux populations bénéficiaires les piliers du Ppdr/Noso, notamment les activités de reconstruction envisagées durant les deux prochaines années et dont le coût est chiffré à 90 milliards Fcfa.

La cartographie sécuritaire des zones d’intervention reste attendue. Ça, c’est vu de Yaoundé. Sur le terrain, à Ba-menda comme à l’intérieur, les fusillades sont devenues banales et il ne se passe pas de semaine sans qu’il y ait mort d’homme ou des enlèvements. Comme le cas de cet inspecteur de police tué dans un échange de tirs avec des miliciens il y a trois jours, ou celui des étudiants de l’Ecole normale supérieure de Bambili enlevés, ou encore la mort du pasteur Tanjoh Christopher Fon, enlevé et tué par des individus non identifiés alors qu’il travaillait pour une association caritative. De très nombreuses routes du Nord Ouest et du Sud Ouest sont contrôlées par les Amba-boys. Plus pathétique, il ne fait pas bon perdre un proche ces derniers temps. Son corps, s’il n’a été admis dans un cimetière catholique, fait l’objet de nombreux marchandages.

Alors que les sécessionnistes jouent l’indépendance en bandes désordonnées et que d’autres attendaient toujours la modification de la forme de l’Etat, deux élections ont été organisées : la présidentielle d’octobre 2018 et les élections locales de février 2019. « De la pure provocation », estiment aujourd’hui les cadres du Social Democratic Front (Sdf), parti politique à l’époque dominant sur ce territoire, qui a pris le risque d’y participer et y a laissé de très nombreuses plumes. Faute d’avoir pu porter le manteau des revendications sécessionnistes, le. Sdf est aujourd’hui persona non grata dans son propre bastion.

Il fut impossible de battre campagne, les candidats étaient tout le temps attaqués, leurs propriétés vandalisées ; seuls les médias ont permis d’atteindre les cibles connectées. Taux de participation presque nul, en dehors des zones militarisées. Même l’annulation par la Cour constitutionnelle et la reprise du scrutin dans certaines circonscriptions, n’a pas permis l’élection de personnes susceptibles de ramener la paix dans ces régions. Et depuis lors, seuls quelques téméraires habitent leurs circonscriptions politiques, car beaucoup sont en ’exil, comme les cadres de l’administration publique. En voyant le mauvais vent tourner, ces derniers avaient exilé leurs familles dans les régions francophones.

Elections risquées et illégitimes

Ce sont donc ces conseillers mal élus qui seront appelés, dans un temps relativement imminent, au regard des indicateurs d’agitation, à choisir les conseillers régionaux. Dans un décret publié ce 2 septembre 2020, Paul Biya consacre lé poids des départements au sein des conseils régionaux. Agrippés sur des réclamations corporatistes, les sécessionnistes n’ont cessé de réclamer la partition du pays et mènent une guerre d’usure avec des armes artisanales, contre « la République du Cameroun », qu’ils considèrent comme une force d’occupation. Les villes mortes qu’ils ont réussi à imposer sur ces régions, malgré la terreur, est la. preuve qu’ils ont de l’influence. La multiplication des mouvements armés depuis 2017 (Lebialem fighters, Bui warriors, Red Dragons, Amba Boys, Vipers, Seven Karta,…), a fait grimper le nombre de morts. En 2018-2019, on a compté officiellement plus de 160 morts parmi les forces de sécurité et plus de 400 civils tués.

L’armée camerounaise, le Bir en avant-scène et des milliers de combattants indépendantistes, se font désormais une guerre pleine d’exactions, pour le malheur d’une population, écartelée entre le soutien au gouvernement ou aux Am-baboys. Au cours de sa session extraordinaire de décembre 2019, le parlement a adopté une loi accordant un statut spécial à ces régions. Une « concession de façade », selon des acteurs. Elle accorde « plus de compétences aux collectivités locales », là où les autres attendent une « gestion autonome des affaires locales ». « Une décentralisation bien conduite va permettre aux populations de participer à la résolution de leurs problèmes et notamment d’améliorer leurs conditions de vie à travers le développement local », dédramatisait Georges Elanga Obam, le Ministre en charge de la décentralisation et du développement local, au lendemain de l’adoption du texte. Reste que les membres du collège électoral actuel sont boudés par les populations, qui ne se reconnaissent pas en eux.

source : Le jour n°3251

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