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Après la mort de Martinez Zogo, la fin des temps a commencé

Avec le temps, les Camerounais ont oublié que la fin du règne en Afrique est la fin du monde. Le Cameroun a donc disparu, Paul Biya est le Cameroun.

Si la fin des temps a commencé il y a quelque temps, les Camerounais ont ressenti la première secousse dimanche dernier lorsqu’ils ont découvert le corps en décomposition de la voix qui était devenue la leur chaque matin à partir de 10 heures. Un président africain qui passe 40 ans au pouvoir devient à la fois le monde et le temps. Sa seule longévité cannibalise toutes les institutions de la République pour les remplacer par la bananeraie de l’homme qui devient plus puissant que Dieu.

Paul Biya au Cameroun est plus puissant que Jésus-Christ, son décret fait et défait tous les Camerounais qui se pavanent dans les grosses cylindrées, alors qu’une neuvaine de prière à jeun ne garantit pas le même résultat. Le président est devenu le Cameroun au détriment du Cameroun. Le crime odieux de Martinez Zogo qui aurait dû mettre en branle ces institutions qui confirment que nous sommes toujours en République semble attendre les hautes instructions du président de la République car c’est lui qui est devenu les institutions.

Le Cameroun a donc disparu, Paul Biya est le Cameroun. Sauf que malgré son omnipotence, il reste un être humain avec les limites qui vont avec. Le Cameroun a donc une épée de Damoclès sur sa tête qui est la respiration de l’humain Paul Biya. Les Camerounais semblent l’avoir oublié, vaquant à leurs petites affaires comme des gens trop occupés à construire leur maison dans un pays qui peut disparaître à tout moment. Voilà ce que signifie être très irrationnel.

L’irrationalité,  nous l’avons cultivée par nécessité de survie, en niant l’évidence et par opportunisme, prêts à dire que le ciel est rouge quand nous le voyons bleu, parce que nous avons faim. Nous avons commencé à attendre des œufs alors que nous savions que nous n’avions pas une poule mais plutôt une chèvre. Cette irrationalité déteint sur nos comportements et fait de nous une société d’incapacité généralisée où tout nous dépasse.

C’est aussi elle l’irrationalité qui nous fait fêter notre élimination en coupe du monde parce que Aboubacar Vincent a battu le Brésil, nous faisant croire que nous sommes les plus forts du monde. Malgré les 31 degrés qu’il faisait à Yaoundé lundi dernier, il a fait très froid dans tout le Cameroun. L’absence de Martinez Zogo dans les taxis et les foyers, les boutiques de la capitale ce matin nous confirmait bien que la fin du monde avait commencé, disons, la fin d’un monde et les Camerounais ont peur car ils n’ont jamais vraiment cru que ce monde allait un jour se terminer.

C’est pourtant fini après un très long règne dans le Zaïre de Mobutu, un autre long règne dans la Côte d’Ivoire d’Houphouet Boigny. Sauf que notre irrationalité nous aveugle, nous sommes convaincus que le Cameroun est le Cameroun, que le Cameroun est le continent. Le pire dans ces longs règnes, c’est qu’ils se sont terminés par des décennies de guerre. Ce que l’on appelle ici avec un sourire en coin une guerre de clans, Bulus contre Nangas, Laurent Esso contre Ngoh Ngoh ainsi de suite, ailleurs la guerre des clans est tout simplement devenue une guerre.

Et la guerre tue, sème la désolation, crée la misère et provoque l’exil. L’assassinat de Martinez Zogo est le premier acte de guerre de cette fin du monde qui s’annonce. La question qui se pose à nous tous est la suivante : jusqu’où allons-nous rester irrationnels face à cette fin du monde qui vient de commencer sous nos yeux? N’oublions pas que peu importe la durée de la nuit, le jour finira toujours par se lever. Comment allons-nous survivre à cette nuit des longs couteaux ? Comment nous préparons-nous au lever du jour et dans quel état nous trouvera-t-il ?

Jean Pierre Bekolo, cinéaste

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