C’est connu depuis cet après-midi! Un communiqué rendu public par le Secrétaire général des services du premier ministre fait état de ce que dès le 17 janvier et ce jusqu’au 4 février 2022, les activités scolaire et académique se dérouleront de 7h et 30mn à 13h et les activités professionnelles de 7h et 30 à 14h dans le secteur public.
Visiblement, le gouvernement camerounais veut résoudre le problème des stades vides, lequel défraie la chronique depuis l’entame de la Can Total Energie le 9 janvier 2022. Sans conteste, la situation des progénitures scolaire et académique va en faire les frais si l’on n’y prend garde vu la concentration sur le ballon rond mué en une espèce d’opium du peuple. Le ludique (football) va donc primer sur l’éducation (droit fondamental).
L’essentiel est donc mis sous le boisseau au profit de l’accessoire. Mais sérieusement, quiconque a l’impression que les décideurs institutionnels procèdent, de manière rituelle, à une espèce de gouvernance par embuscade et par enfumage. Une sorte de gouvernance meublée des décisions spontanées après avoir fait le constat de l’échec d’une situation conjoncturelle donnée.
Ainsi va-t-on de rafistolage au colmatage des brèches en passant par le saupoudrage. A témoins, depuis la naissance de la pandémie du Covid-19 en 2020, le gouvernement camerounais a décidé, dans l’environnement socio-éducatif, d’opérationnaliser la logique de la mi- temps dans les écoles publiques.
Alors, les élèves qui prennent les cours à partir de 13h durant cette période iront-ils toujours au cours? Ou du moins ceux qui démarrent la mi-temps dès 12h, feront- ils seulement une heure de cours? Sans conteste, cela ne servira à rien d’aller à l’école pour y passer une heure et rentrer à 13h pour aller au stade. Irrémédiablement, ces derniers sont astreints à migrer directement vers les stades. Sans doute les pratiquants de la mi-temps sont-ils les lésés de cette décision du Sgpm.
En réalité, la causalité efficiente et efficace de la désertion des stades est adossée autour d’une problématique intégrant bien de déterminants au rang desquels figurent, entre autres, l’exigence du pass sanitaire, l’obligation vaccinale comme condition d’accès au stade, le coût des tickets d’entrée, le contexte chancelant lié à la crise financière et matérielle des catégories sociales, la préférence des fans zones, où la socialité, l’interactivité, l’affectivité et la sociabilité sont développées.
La réflexion autour de ces variables, avant l’ouverture de cette compétition continentale, devait incliner les officiels gouvernementaux à plus de rigueur dans la prise de certaines décisions coordonnées fiables. Mais en vain! L’on se rend compte, au fil des jours, que c’est quand une faille est constatée comme par exemple le déficit de la mobilisation des fans de foot dans les stades que des mesures urgentes des élites politiques, des autorités administratives, des particuliers, etc sont, illico presto, prises pour parer au plus pressé.
Peine perdue car ce n’est pas durant la Can que l’on doit trouver des stratégies et mécanismes d’actions pour pallier le problème des stades vides.
Relativement au pass sanitaire et à l’obligation vaccinale, vu la réticence des populations locales à se faire vacciner au regard des thèses complotistes ou non ayant prévalu, il est urgent, c’est l’argument défendu depuis des mois, que les mesures barrières habituelles soient de mise et, particulièrement, le masque, conjuguées à un test PCR ou antigénique, qui semblent suffisants comme conditions d’accès des fans du sport-roi à des stades, dont le financement a été, en grande partie, réalisé sur les impôts et les efforts des Camerounais.
Il n’est pas souhaitable que cette condition du vaccin soit maintenue pour un événement qui doit pouvoir bénéficier d’une ferveur populaire. Mais si la Caf persiste sur la prédominance de cette exigence, il y aura toujours anguille sous roche. Le gouvernement camerounais a donc intérêt à convaincre les officiels de la Caf de faire tomber le verrou de l’obligation vaccinale
Au-delà de cette contrainte vaccinale qui fait problème, il y a l’argent des tickets d’entrée, dont le coût minimal est de 3000 Fcfa. Dans un contexte où certaines familles vivent dans la paupérisation ambiante, où les enfants trouveront-ils des moyens financiers pour avoir un ticket d’accès au stade?
Les parents leur en fourniront-ils quand on sait que ces derniers sont englués dans un contexte de précarité économique ? En dehors du ticket d’accès de 3000, il y a des commodités de transports, des denrées alimentaires à s’approvisionner, des invariants de désaltération à s’offrir durant la journée de match. Au bas mot, il faut, au moins, 7.500 Fcfa pour satisfaire à cette contrainte d’aller remplir les stades. Quels lycéens, quels étudiants, quels écoliers etc sont-ils capables de souscrire à cette donne d’aller au stade.
A cause de cette équation difficile à résoudre, bien de jeunes préfèrent s’agglutiner dans les fan’s zones des différents villages de la Can, où l’ambiance, la jactance, la jouissance, la tonitruan- ce, les réjouissances et les interactions conviviales et joviales sont régulières et chaleureuses autour du poisson à la braise et des pots d’alcool.
Ces fan’s zones éloignent, d’ailleurs, des souffrances, des tracasseries et des pesanteurs rencontrées pendant le chemin de croix conduisant aux stades à Yaoundé (O lem be) et à Douala(Japoma), où la dynamique circulatoire urbaine n’est pas une sinécure.
Par Serge Aimé BIKOI, Journaliste et Sociologue du développement.