Le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a publié le 4 juin 2025 son rapport annuel sur les dix crises de déplacement les plus négligées au monde. Le Cameroun se classe au premier rang pour la première fois en sept ans.
Ce rapport évalue les crises selon trois critères fondamentaux : un financement humanitaire insuffisant, une couverture médiatique limitée et un manque d’engagement politique international.
Le Cameroun confronté à une triple crise humanitaire
Le Cameroun est aux prises avec trois crises concomitantes et prolongées : l’insurrection de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, le conflit armé en cours dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et les violences en provenance de la République centrafricaine. Ces défis combinés ont ainsi provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes.
Dans son rapport, le NRC identifie le Cameroun comme un « exemple flagrant de négligence mondiale », soulignant un « manque critique de diplomatie, de financement humanitaire et de couverture médiatique internationale ». En 2024, l’aide humanitaire par personne dans le besoin au Cameroun s’élevait à environ 1 dollar par semaine.
Sous-financement chronique et diminution du soutien des donateurs
En 2024, seulement 45 % du plan d’intervention humanitaire du Cameroun a été financé. Sur les 371 millions de dollars américains (environ 327,5 millions d’euros) nécessaires, seuls 168,2 millions de dollars américains (environ 148,5 millions d’euros) ont été reçus, laissant un déficit de plus de 202 millions de dollars américains.
Cette tendance reflète un déficit mondial plus important. Le financement humanitaire en 2024 s’est élevé à 24,2 milliards de dollars américains (environ 21,4 milliards d’euros), soit seulement 49 % des 49,5 milliards de dollars américains (environ 43,7 milliards d’euros) nécessaires.
Selon le NRC, ce déficit de financement mondial de 25,3 milliards de dollars américains équivaut à seulement 1 % des dépenses militaires mondiales totales en 2024, qui s’élevaient à 2 460 milliards de dollars américains (environ 2 330 milliards d’euros).
« L’année 2024 a été marquée par des bouleversements », déclare le NRC. « La solidarité internationale est de plus en plus remplacée par des politiques nationalistes et repliées sur soi, même dans des pays donateurs autrefois généreux. Les coupes budgétaires ont aggravé la négligence des crises et des personnes déplacées. Ces crises doivent être protégées contre de nouvelles coupes budgétaires afin d’éviter des souffrances supplémentaires. »
Le rapport du NRC souligne également : « Les pays qui accueillent le plus grand nombre de personnes déplacées sont souvent ceux qui reçoivent le moins de soutien. Ils sont livrés à eux-mêmes face à des besoins croissants, tandis que la communauté internationale continue de se retirer. »
L’inattention des médias amplifie l’invisibilité
Malgré l’ampleur, la durée et la gravité des crises humanitaires au Cameroun, la couverture médiatique internationale reste étonnamment limitée.
Selon le rapport 2025 du Conseil norvégien pour les réfugiés, le Cameroun n’a été mentionné que dans 28 800 articles de presse, publiés dans quatre langues principales (anglais, français, espagnol et arabe), sur l’ensemble de l’année 2024.
Ce chiffre contraste fortement avec les 451 000 articles publiés sur la crise en Ukraine au cours de la même période, soulignant une grande disparité dans les priorités des médias internationaux.
Ce manque de couverture médiatique est l’un des trois critères clés utilisés par le Conseil norvégien pour les réfugiés pour évaluer la négligence et a un impact significatif sur les efforts d’intervention humanitaire.
Sans une couverture médiatique soutenue, la sensibilisation du public reste faible, ce qui entraîne l’inaction politique et la lassitude des donateurs.
« Lorsqu’une crise n’est pas médiatisée, elle devient invisible pour le public, les décideurs politiques et même les donateurs potentiels », note le rapport. « En conséquence, les communautés touchées souffrent en silence, loin des projecteurs internationaux.»
La visibilité limitée de la crise des déplacements au Cameroun se traduit donc par une diminution des campagnes de plaidoyer, des appels de fonds et de la pression diplomatique pour résoudre les conflits sous-jacents.
Les agences d’aide humanitaire peinent à mobiliser des ressources, et les gouvernements négligent souvent les régions négligées dans les discussions de politique étrangère.
Le NRC prévient que ce déficit médiatique systémique n’est pas propre au Cameroun. De nombreux pays africains sont systématiquement mal classés dans les indicateurs de couverture médiatique internationale, malgré l’accueil d’importantes populations déplacées et une insécurité persistante.
Ce vide médiatique renforce un cycle où les crises sous-déclarées continuent de recevoir une attention et un financement internationaux insuffisants.
Impact humain : Témoignages des personnes déplacées
Djeinabou, une réfugiée centrafricaine de 32 ans résidant désormais au Cameroun, a partagé son expérience : « La vie est très dure, et nous essayons de survivre avec quelques travaux agricoles et de petits boulots pour manger à notre faim. Nous nous inquiétons pour l’avenir de nos enfants. Ils doivent aller à l’école. Ici, au Cameroun, nous sommes oubliés, et il est difficile de penser à l’avenir de nos familles. »
Baisse des engagements d’aide mondiale
Le rapport souligne également les importantes réductions de l’aide au développement et de l’aide humanitaire opérées par plusieurs grands pays donateurs ces dernières années :
- Les États-Unis ont suspendu de nombreux programmes d’aide étrangère début 2025.
- Le Royaume-Uni a réduit son aide publique au développement (APD) de 0,5 % à 0,3 % du revenu national brut.
- Les Pays-Bas ont annoncé une réduction de 2,4 milliards d’euros de leur aide au développement à compter de 2027.
- La France a réduit son budget d’aide de plus de 2 milliards d’euros, soit près de 40 % de son allocation annuelle.
- L’Allemagne, la Suède, la Suisse et la Belgique ont également annoncé des réductions similaires.
Jan Egeland, Secrétaire général du NRC, a déclaré : « Le monde ne peut pas plaider l’ignorance face aux crises décrites dans ce rapport. Chaque année, nous avertissons que la situation va s’aggraver, et chaque année, notre avertissement se vérifie. Cette année, je le crains plus que jamais. Face aux coupes budgétaires drastiques dans l’aide humanitaire, il appartient à chacun d’entre nous de se mobiliser et d’appeler les responsables politiques, aux niveaux mondial, régional et national, à changer de cap. Nous ne resterons pas les bras croisés face aux personnes déplacées. Notre action cette année restera gravée dans les mémoires. »
Liste 2024 des crises de déplacement les plus négligées
Après le Cameroun, les pays restant sur la liste du NRC sont :
- Éthiopie
- Mozambique
- Burkina Faso
- Mali
- Ouganda
- Iran
- République démocratique du Congo
- Honduras
- Somalie
Le Mozambique figure sur la liste pour la première fois, tandis que l’Éthiopie atteint sa meilleure position historique. La République démocratique du Congo, pourtant fréquemment classée parmi les trois premières les années précédentes, se classe huitième en 2024.
« Ces classements ne reflètent pas d’améliorations », prévient le rapport. « Ils témoignent plutôt d’une tendance générale à la négligence dans la quasi-totalité des crises de déplacement à long terme.»
Egeland a ajouté : « Il est crucial que nous ne considérions pas le retrait des financements humanitaires comme une fatalité. Le déplacement n’est pas une crise isolée ; c’est une responsabilité partagée. Sans une résolution efficace des conflits, une prévention des catastrophes et un engagement diplomatique, ces crises persisteront. Davantage de personnes seront déplacées et davantage de vies détruites. »
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