« Ma Madeleine à moi
La voix de Madeleine retentissait presque quotidiennement au secrétariat, comme pour annoncer son arrivée, avant qu’elle ne pousse la porte du bureau et me fasse la bise, le visage rayonnant de ce sourire qui defiait les vicissitudes de la vie. Elle faisait de ce laps de temps volé aux coups et contrecoups de nos existences parallèles à la CRTV un rituel.
Comme une pause pour reprendre le souffle entre deux épisodes, elle me rendait visite pour parler. De tout et de rien. Mais surtout de rien, car elle savait mieux que quiconque dire l’inanité des choses et raconter la course folle du temps qui avance sans jamais s’arrêter sur une déconvenue. Les hauts et les bas de sa trajectoire apparaissaient comme incidemment au détour de la conversation et s’éloignaient aussitôt pour rester de simples péripéties dans le rétroviseur.
Ces hasards organisés par nos vies professionnelles n’avaient pas commencé en ce vingtième siècle déclinant où la retraite frappait à nos portes. Ils ne devaient rien non plus à la proximité de nos bureaux au troisième étage de l’immeuble de la Radiodiffusion nationale où d’autres hasards, ceux des nominations nous avaient installés.
En réalité, Madeleine avait le don, rare de nos jours, de se faire des amis sans en rien laisser paraître. Tant de promotions nous séparaient à l’école de journalisme ; et à la CRTV, les cloisons artificielles qu’on voulait étanches entre les « Programmes » et l' »Information » se dressaient tel des frontières entre nous.
Pourtant toutes les retrouvailles, à la fin d’une tranche d’antenne ou, plus simplement au gré des fameux hasards qui n’en faisaient qu’à leur tête, toutes ces retrouvailles étaient l’occasion de partir d’un grand éclat de fou rire qui se concluait invariablement autour d’un verre.
Le contexte pourtant, n’était pas des plus propices à une telle débauche de bonne humeur. La quête des places au soleil accentuait les rivalités et générait des inimitiés au point de transformer les couloirs en théâtres de guerres froides. Madeleine a eu à payer le prix de cette ambiance délétère par une carrière en dents de scie. Mais il en fallait bien plus pour éroder son enthousiasme et sa passion pour son métier.
Il y a trois mois, en guise d’au-revoir, ma Madeleine à moi publiait dans un forum whatsapp des souhaits à l’occasion de la Saint Jean-Chrysostome. Et je recevais dans la foulée la confidence ainsi libellee: « tu as compris que c’est à toi que je pensais « . C’était l’épilogue de cette relation si simple et si belle ».
Alain Belibi
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