Ce jeudi 19 septembre 2024, la ville de Bamenda, capitale de la région du Nord-Ouest au Cameroun, reste étrangement silencieuse. Ce calme forcé est la conséquence d’un confinement de deux semaines décrété par les séparatistes ambazoniens armés, visant à perturber la réouverture des écoles dans les régions anglophones en crise.
Les rues habituellement animées de Bamenda sont désertes, les marchés presque vides. Seules quelques motos circulent çà et là, et quelques femmes courageuses continuent de vendre des fruits et de la nourriture à des points stratégiques. Chaque aspect de la vie quotidienne est affecté par cette fermeture forcée.
Les affaires au point mort
Les commerçants locaux subissent de plein fouet les répercussions économiques de ce confinement. Une propriétaire de boutique, qui a préféré rester anonyme, exprime son désarroi :
« Je suis chez moi depuis le 9 septembre. Ma boutique est restée fermée, sauf le samedi et le dimanche derniers, lorsque la ville était brièvement ouverte. C’est très mauvais pour les affaires », déplore-t-elle.
Mary (nom d’emprunt), une vendeuse du marché de Nkwen, se retrouve également touchée. « En temps normal, je gagne bien ma vie, mais avec ce confinement, je suis obligée de vendre en bord de route, où les ventes sont très lentes. En plus, notre sécurité est en danger. »
Les fonctionnaires confinés chez eux
Les bureaux gouvernementaux ne sont pas épargnés, la plupart étant fermés pendant cette période de crise. Fred, un fonctionnaire, confie qu’il n’a pas été à son bureau depuis plus d’une semaine.
« Je passe mes journées à faire du sport et des tâches ménagères », explique-t-il.
Les soignants en première ligne
Contrairement à d’autres secteurs, les travailleurs de la santé doivent continuer à assurer leurs fonctions, malgré les défis imposés par le confinement. Une infirmière témoigne des difficultés rencontrées pour se rendre au travail :
« Je me lève très tôt pour marcher, car il n’y a ni taxis ni motos. Ce n’est pas facile, mais nous n’avons pas le choix, il y a des vies en jeu. »
Quelques ambulances sont visibles dans les rues, mais de nombreux habitants peinent à accéder aux soins médicaux, augmentant ainsi les risques pour la population.
Les bars, seuls gagnants de la crise
Si la majorité des commerces souffrent, les bars de quartier prospèrent durant le confinement. Un propriétaire de bar se félicite des ventes :
« Des jours comme celui-ci sont excellents pour le commerce. Je vends au moins pour 300 000 francs de boissons. »
Un client renchérit : « Même si on ne peut pas travailler, il faut bien trouver un endroit pour boire. »
La vie sous confinement à Bamenda
Ce type de situation est devenu tristement courant à Bamenda, ainsi que dans d’autres villes anglophones. En plus des périodes de confinement, les « ghost towns » observés chaque lundi depuis 2016 paralysent les activités économiques et sociales, retardant le début de la semaine jusqu’au mardi.
Contexte de la crise
La crise actuelle dans les régions anglophones du Cameroun remonte à 2016, lorsque des avocats et enseignants anglophones ont dénoncé la marginalisation de leur communauté et la dégradation des systèmes éducatif et juridique.
Les revendications initiales pour des réformes ont été accueillies par un rejet du gouvernement, menant à l’émergence de groupes séparatistes prônant la création d’un État indépendant appelé Ambazonie.
Le conflit armé qui en a découlé se poursuit, malgré les appels nationaux et internationaux en faveur du dialogue. Les résolutions du Grand Dialogue National de 2019 n’ont pas réussi à apaiser les tensions, laissant place à une situation marquée par les enlèvements, les fermetures d’écoles, les destructions de biens et les arrestations arbitraires.
Bamenda, comme tant d’autres villes des régions anglophones, continue de vivre sous la menace constante des « ghost towns » et des confinements imposés par les séparatistes.