Le président de la Société nationale des hydrocarbures, Adolphe Moudiki, a demandé au chef de l’Etat Paul Biya l’ouverture d’une enquête judiciaire après que le géant du négoce Glencore a reconnu avoir rétribué des cadres de l’entreprise.
En villégiature à Genève depuis le mois de juin, le président camerounais Paul Biya vient de se faire remettre une lettre de l’inamovible PDG de la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Adolphe Moudiki. Ce dernier a sollicité le chef de l’Etat pour réclamer l’ouverture, par le ministre de la justice Laurent Esso, d’une enquête judiciaire autour des aveux de Glencore devant la justice américaine l’année dernière. Pour Adolphe Moudiki, c’est un changement de position pour le moins radical.
Le 24 mai 2022, le géant suisse du négoce reconnaissait avoir rétribué, entre 2007 et 2018, à hauteur de 7 milliards de francs CFA (11 millions d’euros), de hauts responsables de la SNII et de la Société nationale de raffinage (Sonara). Adolphe Moudiki avait alors démenti dans un communiqué daté du 30 mal assurant que sa société n’était « ‘ni de loin, ni de près, associée à des telles pratiques ».
Ferdinand Ngoh Ngoh en ligne de mire
Mais sa situation a depuis évolué. Ce proche de longue date de Paul Biya s’est opposé ces dernières semaines au puissant secrétaire général de la présidence (SGPR). Ferdinand Ngoh Ngoh. sur le dossier impliquant la junior pétrolière britannique Savannah Energy.
L’homme fort du palais présidentiel l’a publiquement désavoué en gelant l’accord conclu sur l’entrée de la SNH au capital de la Cameroon Oil Transportation Co (Cotco, AI du 28.’06’23), dont Savannah vendait des parts. Or. en tant que président du conseil d’administration de la SNH. Ferdinand Ngoh Ngoh pourrait être concerné par une enquête sur la corruption présumée de cadres par Glencore.
Le ministre de la justice Laurent Esso a, lui aussi, été menacé sur un autre dossier, celui de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, dont le présumé commanditaire. Jean-Pierre Amougou Belinga. est l’un de ses proches. Ferdinand Ngoh Ngoh avait exploité le crime afin de faire tomber ses rivaux. Il y est parvenu avec le directeur général de la recherche extérieure. Léopold Maxime Eko Eko. mais il a échoué avec Laurent Esso, un Fidèle du président (AI du 09/02/23).
Louis-Paul Motaze avance ses pions
En parallèle, le ministre des finances Louis-Paul Motaze a demandé à ses services administratifs d’enquêter sur les révélations de Glencore. Les fonctionnaires pourraient se servir de la plainte déposée devant les juridictions de Limbé, Douala et Yaoundé par l’avocat Akere Muna, spécialiste de la lutte contre la corruption.
Le juriste de renom a écrit cette semaine au directeur général des douanes, Edwin Fongod Nuvaga. à celui des impôts. Roger Athanase Meyong Abath. et à celui de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif), Hubert Ndé Sambone, pour leur demander de se saisir de l’affaire. Il avait déjà été entendu par la direction générale des impôts le 2 juin.
Enfin, le président de la Cour des comptes, Yap Abdou, a été, lui aussi, prié de se tenir prêt à lancer une enquête, sur le modèle de celles que son institution a réalisées sur l’usage des fonds de lutte contre le Covid-19 (AI du 2fti£).’22).
Le GAFI et l’ITIE font pression
Les autorités camerounaises ont tout intérêt à montrer qu’elles prennent les aveux de Glencore au sérieux. Le pays a été placé le 23 juin sur la « liste grise » des pays soumis à une « surveillance renforcée » par le Groupe d’action financière (GAFI). qui lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Dix jours plus tôt, l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (IT1E), qui tenait une conférence à Dakar les 13 et 14 juin, a officiellement exhorté les gouvernements africains concernés « à mobiliser toutes les ressources nécessaires pour engager des actions judiciaires communes contre Glencore et ses complices ».
Le mastodonte du négoce de matières premières a reconnu avoir versé entre 2007 et 2018 – directement ou via des filiales – près de 100 millions de dollars à des sociétés intermédiaires afin d’obtenir et conserver des contrats avec des entités publiques au Nigeria, au Cameroun, en Côte d’ivoire, en RDC et en Guinée équatoriale.
Africa Intelligence