La pilule passe mal dans le monde musical camerounais. La Société nationale camerounaise de l’art musical (SONACAM) a annoncé, dans un communiqué daté du 6 octobre, le lancement du paiement des droits d’auteur du 30 septembre 2025. Mais le montant prévu (27 000 FCFA par artiste, à titre “d’avance sur droits d’auteur”) provoque une vague d’indignation sans précédent.
“Comment un artiste peut-il vivre décemment avec 27 000 francs ?” s’indigne un artiste de Douala joint par téléphone. Sur les réseaux sociaux, les réactions se multiplient, entre ironie et colère. Pour beaucoup, cette somme est “ridicule”, “insultante” et témoigne du mépris persistant envers la culture et ses acteurs.
Selon le communiqué signé par la directrice générale Kabelok Ariane, l’enveloppe globale de la répartition s’élève à 40 millions de FCFA. Plutôt qu’une répartition proportionnelle, la SONACAM a préféré un forfait unique, censé simplifier la procédure. Une décision que de nombreux artistes jugent injuste et arbitraire, d’autant que l’organisme avait promis en début d’année une refonte du mode de calcul des droits.
La colère des artistes camerounais contraste violemment avec la situation de leurs homologues dans des pays comme le Nigéria, où la musique est devenue un secteur économique structuré. Là-bas, les artistes sont reconnus comme de véritables entrepreneurs culturels, bénéficient de droits d’auteur conséquents, d’un cadre fiscal adapté et de la protection d’institutions efficaces comme COSON (Copyright Society of Nigeria).
“Au Nigéria, un artiste touche ses droits régulièrement, peut vivre de sa musique et employer du personnel. Ici, on nous donne de quoi acheter un sac de riz”, déplore un producteur de Yaoundé.
Cette comparaison met en lumière la fracture systémique entre deux modèles : d’un côté, un écosystème culturel dynamique et respecté, de l’autre, un système camerounais englué dans la bureaucratie, le clientélisme et le manque de transparence.
Une institution en perte de crédibilité
Depuis plusieurs années, la SONACAM peine à convaincre. Conflits internes, lenteurs administratives, accusations de mauvaise gestion… les scandales se succèdent. Malgré les promesses de réformes, la confiance entre les artistes et leur société de gestion collective s’est largement effritée.
“Ce n’est pas une avance, c’est une aumône”, tranche un musicien de renom rencontré à Yaoundé. “La SONACAM ne comprend pas que derrière chaque chanson, il y a du travail, des studios, des musiciens, des sacrifices. Ce système nous pousse à l’abandon.”
Un appel à la refondation
Au-delà de la colère, cette répartition de 27 000 FCFA relance un débat plus large sur la place de l’artiste dans la société camerounaise. Tant que la création sera traitée comme une distraction et non comme un secteur économique, affirment plusieurs observateurs, le pays continuera de perdre ses talents au profit de l’étranger.
La SONACAM, qui se veut porte-voix des artistes, semble aujourd’hui symboliser l’échec d’une politique culturelle incapable de protéger ses propres créateurs. À l’heure où le Cameroun se rêve en “nation émergente”, ses musiciens rappellent que sans respect pour l’art, il n’y a ni émergence, ni identité durable.
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