Cinq ans après l’extraction des profondeurs des eaux du fleuve Sanaga de la dépouille de l’évêque de Bafia, des questions continuent de fuser sur les causes exactes du décès de celui que ses camarades ont présenté comme « un excellent nageur ».
Le ciel grisonnant de ce 31 mai 2022 au-dessus, de la ville de Bafia où repose son ancien évêque Mgr Bala, contraste fort avec les éclats radieux du soleil d’il y a 5 ans. Dans un maquis (tchapalo) non loin de la place des fêtes, un groupe d’hommes discutent des dernières actualités du pays autour d’un verre de vin de palme.
Tout semble les préoccuper sauf justement le souvenir du jour : la commémoration de celui qui, il y a un quinquennat, jour pour jour, était encore leur évêque. « Il est mort norrr mon frère ! Nous-mêmes, on va mourir aussi un jour », lance un sexagénaire au milieu de deux rasades de ce liquide de couleur blanche.
Pourtant, sur la tombe du disparu logé au sein de l’évêché de Bafia, deux bougies consument au milieu des portraits du disparu pendant qu’un groupe de femmes marmonnent une litanie à la sainte vierge. Signe que le deuil n’a pas encore été fait.
Dans une sortie qui fait le tour des réseaux sociaux ce 31 mai 2022, l’abbé Félix Amugu écrit : « Impensable ! Cinq bonnes années réduises au silence par tant de compétences, de promesses et d’espérance massacrées du Peuple de Dieu.
Comment oublier cet Homme, ce grand Homme, cet évêque, Mgr Jean Marie Benoît Bala, retrouvé sans vie dans les eaux innocentes de ta Sanaga ce 31 Mai 2017 ? Le fleuve avait pris soin de confondre ses deux pieds de sandales et le reste…., sans jamais le contraindre à avaler de ses eaux vraiment épargnées de la barbarie humaine.
Dieu n ’a jamais été discret pour la vie de ses serviteurs. La terre de son épiscopat se refermait alors sur lui à Bafia, avec promesse à Dieu, à son église de faire la lumière sur cet autre crime trop parfait sur l’Eglise.
L’enquête est classée. La promesse ne sera pas tenue. Dieu par contre ne peut l’avoir oublié, nous non plus. Mgr Jean Marie prie pour le monde et pardonne. Bon repos dans la joie de ton Maitre, ils ne savent pas ce qu’ils ont fait! »
On le sait, dans la nuit du 30 au 31 mai 2017, l’évêque de Bafia parti pour un repos dans ses appartements privés, ne sera plus jamais aperçu de son vivant. Et alors que la nouvelle de sa disparition fait le tour du monde alertée par une religieuse, la voiture du prélat est retrouvée sur le pont de l’enfance construit sur le fleuve Sanaga sur la route reliant Yaoundé à la ville de Bafia avec un curieux message : « Je suis dans l‘eau ».
Les hommes grenouilles du corps des sapeurs pompiers et de la marine se mettent aussitôt au travail. Le 2 juin, soit 72 heures après sa disparition, le corps de Mgr Bala est repêché dans le fleuve. Les premières constatations médicales écartent la thèse du suicide par noyade. Mais une seconde autopsie à la demande des autorités religieuses est réalisée par deux médecins légistes allemands envoyés par Interpol. Elle aboutira à la conclusion selon laquelle « la noyade est la cause la plus probable du décès de l’évêque ».
Pour s’en convaincre, une source au sein des forces de l’ordre affirme que l’évêque a craqué. La preuve précise-t-elle est que « le corps vomi des eaux gonflées par les pluies torrentielles ne portait aucune marque de torture ».
Selon cet informateur, tout serait parti de la mort de l’abbé Armel Collins Ndjama, recteur du petit séminaire Saint-André de Bafia présenté comme le bras droit, l’homme à tout faire, le confident mieux « le fils » de l’évêque. Mort survenue dans la nuit du 9 au 10 mai 2017 des suites d’une courte maladie.
L’ancien gendarme retraité pose d’ailleurs une litanie de questions : L’église a-t-elle des preuves de l’assassinat ? A-t-elle fait une contre-autopsie ? Les évêques ont-ils réceptionné le corps ? Questions auxquelles le président de la conférence épiscopale d’alors, Mgr Kleda, brandira leur « certitude morale » comme pièce à conviction.
L’Anecdote
