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L’Eco : fin du FCFA ou impasse du projet de la monnaie unique de la Cedeao ?

La France est le seul pays au monde à avoir réussi l’extraordinaire exploit de WBfaire circuler sa monnaie rien que sa monnaie dans des pays politiquement libres », écrivait le regretté Joseph Tchundjang Pouémi.

Ces écrits sont confirmés implicitement’ par les dirigeants français à l’instar du président français Emmanuel Macron, qui lors de sa visite à Abidjan en décembre 2019 présentait le Franc CFA « comme l’un des vestiges de la Françafrique ». Quoi qu’il en Soit, le 21 décembre 2019 à Abidjan, les chefs d’Etat français et ivoirien ont annoncé une réforme de la coopération monétaire entre la France et les pays de l’Union Monétaire Ouest Africain (Umoa). Cette réforme marque la fin du FCFA et l’avènement de l’Eco.

Ladite réforme a été entérinée par un projet de loi français du 20 mai 2020.Ce nouvel accord justement ne cesse d’être décrié, entre ceux qui prônent une rupture totale avec la France en réclamant la plénitude de la souveraineté monétaire pour les pays africains et d’autres qui espéraient que le FCFA continue à jouer son rôle stabilisateur et que la France reste pour ses partenaires un filet de sécurité (Zobo, 2020).

Face à ces crispations, le but de l’article est de montrer que l’Eco est une rénovation du Franc CFA et torpille le projet d’intégration de l’Afrique de l’Ouest. Pour cela après avoir présenté les règles qui régissent la Zone Franc, l’on analysera l’ambiguïté de l’Eco sans oublier son pied de nez au processus d’intégration de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Les principes de fonctionnement de la Zone Franc

Le Franc des colonies françaises d’Afrique est créé en décembre 1945, date à laquelle la France ratifie les accords de Bretton Woods. Cependant, pour Bedzigui (2012), ce sont les décrets français de 1939 relatifs aux déclarations de guerre qui portent respectivement sur l’inconvertibilité du franc français et la mise en place d’un contrôle de change sur l’ensemble des territoires sous contrôle de la France que va naitre la Zone franc. La Zone franc est un espace économique et monétaire composé de la France, de l’Union des Comores, des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa)et des pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac).

Elle est constituée de quatre monnaies que sont le Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale pour les Etats de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (Umac), le Franc de la Communauté Financière Africaine pour les pays de L’Umoa, le Franc Comorien (FC) et L’euro .Les accords de coopération monétaire entre les pays membres de la Zone franc reposent sur trois traités internationaux signés entre la France et, respectivement, les Etats de l’Umoa, les Etats de l’Umac et l’Union des Comores, ainsi que sur les conventions de compte d’opérations qui leurs sont attachées.

Ces accords ont été complétés par les traités créant l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) et la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac), unions économiques et monétaires dotées d’institutions communes. L’ensemble de Ces accords sont régis par quatre (principes fondamentaux.

Le premier est un institut d’émission commun à chacune des sous-zones qui centralise les réserves en devise de la zone considérée. Les différentes banques de la Zone franc que sont la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque des Etats d’Afrique Centrale (Beac) et la Banque Centrale des Comores (BCC) conduisent la politique monétaire et centralisent les avoirs extérieurs des Etats membres. Le second principe est une parité fixe avec l’euro.

Le passage du Franc Français à l’euro en 1999 s’est traduit par une simple substitution de l’ancrage au Franc français par l’ancrage à l’euro, à parité équivalente, soit 655,957 FCFA = 1 euro et 491,96775 FC = 1 euro pour le Franc Comorien. La pérennité de ce principe est garantie par la décision du Conseil de l’Union européenne du 23 novembre 1998 n° 98/683/CE « concernant les questions de change relatives au franc CFA et au franc comorien ».

Le troisième principe est la liberté de transfert de fonds dans chaque zone d’émission. Cependant, les échanges de billets entre l’Uemoa et la Cemac sont suspendus depuis 1994 (Bedzigui, 2012). Ainsi, toute transaction entre les deux unions monétaires africaines passe, comme toute monnaie étrangère, par le Trésor français. Le dernier principe enfin est la garantie de convertibilité illimitée.

La convertibilité des monnaies émises par les différents instituts d’émission de la zone franc est garantie par le Trésor français. La libre convertibilité de la monnaie de chacune des sous-zones est assurée par le compte d’opérations ouvert auprès du Trésor par chaque banque centrale de la zone et sur lequel les banques centrales ont un droit de tirage illimité en cas d’épuisement de leurs réserves en devises. En contrepartie de ce droit de tirage, les banques centrales doivent déposer sur le compte d’opérations une part de leurs réserves de change et sont astreintes à certaines disciplines.

Pour la BCEAO, la part des avoirs extérieurs devant être déposés sur le compte d’opération est fixée à 50% depuis la réforme de septembre 2005. Pour la Beac, la part des réserves de change est passée de 65 à 60% au 1er juillet 2007 et depuis juillet 2009 c’est 50%. Pour les Comores, elle est de 65%. Pour la banque de France (2008). Les dépôts obligatoires effectués par les Banques centrales de la zone franc bénéficient de conditions avantageuses : d’une part, ils sont protégés contre les fluctuations monétaires, puisque leur valeur garantie par rapport au Droits de tirage spéciaux (DTS). D’autre part, ils sont rémunérés par le Trésor français au taux avantageux de la facilité de prêt marginale de la Banque Centrale Européenne.

Pour la BCEAO et la Beac, le montant des dépôts excédant la quote-part qui doit être conventionnellement maintenue au compte d’opérations se voit appliquer une rémunération plus faible, à savoir le taux des opérations principales de refinancement de la Banque Centrale Européenne.

L’ensemble des principes du Franc CFA susmentionnés s’entremêlent avec les règles qui régissent l’accord de coopération entre la France et les pays de L’Umoa à propos de l’Eco.

Le statu quo de l’Eco

Les principes de fonctionnement de la Zone Franc sont à quelques nuances près identiques à ceux de l’Eco. En effet. L’avènement de l’Eco devrait à priori d’abord marquer la fin de l’obligation de dépôt d’une partie des avoirs extérieurs de la Bceao sur le compte d’opération au Trésor public français. Pour rappel c’est 40,6 et 40,4 milliards d’euros qui ont été versés par la Bceao au trésor français entre 2018 et 2O19.Et enfin le départ des représentants de la France dans les différentes instances de décision de la BCEAO. Cependant le régime de change entre l’Eco et 1 Euro est maintenu c’est-à-dire 1 Euro=655,957 Eco.

La présence de la France dans le management de cette monnaie n’est pas exclue (Zobo, 2020). Ainsi l’article 2 du nouvel accord de coopération prévoit que la France est le garant de la parité entre l’Euro et l’Eco. Dans la même veine, l’article 4 de l’accord monétaire entre la France et les pays de l’Umoa prévoit la nomination par le conseil des ministres de l’Umoa d’une personnalité qualifiée au Comité de politique monétaire (CPM), en concertation avec la République française. L’article 8 ressemble au taux de couverture extérieure de la monnaie ayant cours en zone Franc .11 prévoit le retour d’un représentant de la République française au sein du CPM en situation de crise aigüe, lorsque le rapport entre le montant moyen des avoirs extérieurs de la BCEAO et le montant moyen de ses engagements à vue devient inférieur ou égal à 20 %.

L’article 5 pose le principe d’un envoi régulier d’informations techniques par la Bceao à la République française, afin de permettre à la France de suivre finement le risque qu’elle couvre. Ces dispositions du nouvel accord de coopération monétaire entre la France et les pays de l’UEMOA montrent que le passage du Franc CFA à L’Eco est un statu quo. A cet effet, ce sont des aménagements destinés à atténuer les critiques adressées au Franc CFA (Dembélé, 2020).

L’Eco, au regard de ce qui précède, est une continuité du Franc CFA. Tout comme son avènement est une entorse au projet d’intégration de la Cedeao.

Une entorse au projet d’intégration de la Cedeao

L’Eco issu de la rencontre Macron-Ouattara, met à mal le processus d’intégration de la Cedeao. Il accentue la guéguerre entre les pays de l’Uemoa qui utilisent majoritairement le Franc CFA et les pays de la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Zmao) majoritairement d’expression anglophone.

En effet, avant la décision de la réforme du Franc CFA en Eco, les pays de la Cedeao ont pris acte lors du sommet qui s’est tenu le 29 juin 2019 au Nigéria de la mise en place d’une monnaie commune dénommée également l’Eco pour l’ensemble de la sous-région, avec adoption d’un système de change flottant et une banque centrale. Toutefois, l’avènement de cette monnaie est conditionné par le respect des critères de convergences multilatérales par les différents Etats membres de la Cedeao. Par conséquent le nouvel accord de coopération monétaire ne concerne uniquement que les pays de cet espace économique utilisant le Franc CFA.

Cependant, pour les pays membre de la ZMAO, cet accord sur la réforme de la coopération monétaire entre la France et les pays de l’Umoa est contraire à la décision de la Cedeao en vue de l’adoption de l’Eco comme la monnaie unique de la sous-région (Dembélé, 2020). Ils estiment que l’Eco, issu de la rencontre des présidents français et ivoirien veut se substituer à la création de la monnaie commune de la sous-région. Certains pays comme le Nigéria n’excluent d’ailleurs pas le risque de dislocation de la Cedeao avec l’utilisation de l’Eco par les pays de l’Uemoa.

Pour s’en convaincre, il n’existe pas encore d’accord sur les parités entre les différentes monnaies ayant cours légal et pouvoir libératoire au sein de cet espace économique et l’Eco. Cela implique qu’en l’état actuel un passage des monnaies nationales à l’Eco n’est pas envisagé (Zobo,2020).Emmanuel Macron lors de sa visite à Abidjan, appelait d’ailleurs les autres pays de la Cedeao à poursuivre « ce mouvement avec cette nouvelle monnaie, cette nouvelle gouvernance ».

L’Eco, après la Zone de libre-échange continentale est le second projet économique phare cette année du continent. Cependant, le nouvel accord de coopération entre la France et les pays de L’Uemoa est, une rénovation de l’accord précédent. Il est la continuité des réaménagements qui jalonnent l’histoire du Franc CFA. De même, cette monnaie torpille le projet d’intégration de la sous-région Cedeao relatif à l’adoption d’une monnaie commune. Cet ensemble de contraintes montre que le projet d’une monnaie commune en Afrique de (Ouest n’est pas pour demain, malgré les avancés notables.

 

ABOE NDOUMA Franck Michel et SIMO TAKAM Loïc Harold Diplômés de l’IRIC, option Banque, Monnaie, Finance internationales; étudiants au centre professionnel de formation à l’assurance.

Source : Cameroon Tribune

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