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Journée Internationale de la femme : la découverte du « Comptoir des gagneuses d’âmes »

Par Dr. Martine NGO NYEMB- WISMAN*

Dans tes marchés populaires du Cameroun, comment les femmes Bayam- Sellam s’autonomisent-elles ? La tentative de réponse à cette question a conduit à l’adoption d’un concept socialement construit de « Comptoir des Gagneuses d’Âmes », en abrégé Cga. Celui-ci est appréhendé comme espace de structuration sociale et une pratique commerciale populaire bâtie autour d’un gain ou trophée escompté en autonomie matérielle et spirituelle pour les femmes, leur communauté d’appartenance et la société. En effet, il est le produit d’un contexte psycho-social qui trouve ses fondements dans le répertoire institutionnel et spirituel de l’organisation sociale du travail et des rôles sexués qui lui sont assignés.

Le Cga relève du cadre interdisciplinaire essentiel des sciences sociales du politique, qui permet de rendre visibles les réalités négligées, ignorées, voire enterrées par le modèle de développement dominant, il renseigne sur des réalités liées aux pratiques des acteurs féminins de l’économie populaire. Ce faisant, il permet ainsi de saisir la valeur d’un autre type de participation féminine au développement, externe aux pôles institutionnels d’émergence.

Le Cga s’inspire de la dynamique des relations humaines et spirituelles en circulation dans les marchés populaires camerounais. Ace titre, il fait émerger une autre conception du rôle des femmes dans l’espace populaire mercantile, en référant à 1a capacité de celles-ci à réaliser un objectif allant bien au-delà de l’objectif économique-utilitariste classique.

Le Cga présente des dimensions très variées dans lesquelles les femmes gèrent leur espace social de manière autonome, afin d’assurer une couverture sociale à leur parenté, de gagner le pain quotidien, d’assurer un « salaire » familial, et surtout à gagner des âmes, c’est-à-dire à être des interfaces entre l’ordre divin et l’ordre terrestre. Concrètement cela signifie cheminer ensemble vers 1e salut, celui-ci étant en l’occurrence l’autonomisation, l’autre nom de la liberté.

Partant de là, nous sommes amenés à considérer trois affirmations relatives à l’autonomisation au féminin : Primo, l’autonomisation au féminin renvoie à un processus individuel et collectif de gain en autonomie, entendez par là : la capacité à se donner des ordres à soi-même, à se positionner comme acteur de sa vie, sujet de son histoire et de l’histoire de l’humanité.

Secundo, l’autonomisation au féminin

renvoie à ce chantier permanent dont l’évolution se fait en fonction de l’offre et de la demande de développement réel des femmes. Ce chantier se prête à l’utilisation de toutes les ressources humaines, matérielles et spirituelles de nature populaire ou institutionnelle que sont 1a famille, les amis, les « Asso », l’intellect, l’esprit, l’âme et le cœur.

Tertio, l’autonomisation au féminin en tant que processus montre que les fonctions sociales et les rôles sexués produisent une mémoire collective et une bibliographie sexo-spécifiques variant et évoluant selon les cultures et les civilisations.

Et ensuite, l’autonomisation au féminin des femmes Bayam-Sellam s’inscrit dans une dynamique double. D’abord, comme expansion des pratiques, des ressources (re)productives. Ensuite, comme processus évolutif et parfois régressif dans la recherche de gain des âmes, c’est-à-dire allant du pain quotidien au pain spirituel.

*Enseignante-chercheure université de Douala Fondatrice-Présidente WINS-WINS Asbl

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