Cameroun Actuel

Crise anglophone : le séparatiste Tapang poursuit l’avocat Nsahlai en justice

Alors que la crise anglophone au Cameroun entre dans sa neuvième année, la dynamique évolue rapidement. Cette fois, le séparatiste ambazonien Ivo Tanku Tapang a intenté une action en diffamation contre l’avocat camerounais basé aux États-Unis, Emmanuel Nsahlai.

L’affaire, Tapang c. Nsahlai, a été ouverte le 2 mars 2025 devant le tribunal de district américain du district central de Californie. Tapang réclame 100 000 dollars de dommages et intérêts, alléguant que Nsahlai l’a faussement accusé de terrorisme, de soutien matériel à la violence et de fraude à l’immigration, causant ainsi une atteinte à sa réputation et une détresse émotionnelle.

Ce n’est pas la première bataille juridique entre les deux hommes. En 2018, Nsahlai avait intenté une action similaire contre Tapang, qui a été rejetée en 2021 en raison de l’absence de poursuites du plaignant. Cette nouvelle affaire de diffamation ravive les tensions entre les deux personnalités, qui ont toutes deux joué un rôle controversé dans la crise anglophone au Cameroun.

Tapang : activiste ou extrémiste ?

Le Dr Tapang s’est d’abord fait connaître pour sa défense des droits des anglophones au Cameroun, mais a été critiqué pour avoir prétendument alimenté la violence par son discours sur les réseaux sociaux. S’il affirme que son activisme est pacifique et axé sur les droits humains, les preuves disponibles suggèrent le contraire.

Certains affirment que l’influence et le discours de Tapang concernant les enlèvements contre rançon et les boycotts scolaires ont alimenté le conflit au lieu de faciliter le dialogue.

Nsahlai : avocat ou allié du gouvernement ?

Emmanuel Nsahlai a activement engagé des poursuites judiciaires contre les séparatistes anglophones, arguant que leurs activités mettent en danger la sécurité nationale des États-Unis.

Lire aussi >  Crise anglophone : Ndian sur le chemin de la repentance

La lettre récente citée par Tapang est une lettre qu’il a adressée au Département de la Sécurité intérieure, fournissant une longue liste de séparatistes ambazoniens accusés d’avoir commis des crimes aux États-Unis.

Cependant, ses détracteurs l’accusent de cibler des militants tout en ignorant les violations des droits humains commises par les forces gouvernementales. Cela soulève des questions quant à son impartialité et à ses liens éventuels avec le gouvernement camerounais.

Par exemple, beaucoup auraient pu s’attendre à ce que Nsahlai prenne des mesures ou condamne des cas tels que le massacre de Ngarhuh ou le récent massacre de civils à Pinyin. Cependant, son silence sur les atrocités commises par le gouvernement jette le doute sur ses principaux objectifs.

L’affaire Ayaba Cho Lucas

Le procès intenté par Tapang contre Nsahlai intervient à un moment crucial de l’histoire du conflit anglophone. Il s’inscrit dans une série plus large d’actions en justice impliquant d’éminents dirigeants ambazoniens de la diaspora. De nombreux Ambazoniens ont été emprisonnés aux États-Unis pour leur rôle dans le conflit.

Cependant, le cas le plus récent d’Ayaba Cho Lucas, proche collaborateur de Tapang et figure clé du mouvement séparatiste, est particulièrement marquant. Ayaba Cho Lucas, dirigeant du Conseil de gouvernement d’Ambazonie (AgovC), est actuellement jugé en Norvège pour incitation à commettre des crimes contre l’humanité.

Arrêté en septembre 2024, Ayaba s’est vu refuser systématiquement sa libération sous caution, les autorités norvégiennes considérant les accusations comme graves. Tapang a été, à un moment donné, le porte-parole de l’AgovC.

La détention d’Ayaba Cho a également suscité de nombreux débats. Si certains y voient une répression à motivation politique, d’autres la voient comme une étape nécessaire vers la responsabilisation. Compte tenu de sa collaboration passée avec Tapang, les démêlés judiciaires d’Ayaba pourraient jouer un rôle dans le procès en diffamation en cours.

Lire aussi >  Crise anglophone : le journaliste Anye Nde Nsoh abattu à Bamenda

Réactions communautaires et juridiques

La communauté ambazonienne a largement condamné les actions de Nsahlai, les considérant comme des tentatives de réprimer un militantisme légitime.

D’autres soutiennent que la responsabilité doit être imputée à toutes les parties impliquées dans la crise. Les analystes juridiques soulignent que cette affaire, ainsi que le procès d’Ayaba, pourrait créer un précédent quant à la manière dont les accusations de diffamation et d’incitation sont traitées au sein des milieux militants.

Une victoire de Tapang pourrait décourager les allégations infondées contre les militants. Cependant, une décision en faveur de Nsahlai pourrait encourager de nouvelles poursuites judiciaires contre des personnes engagées dans la lutte anglophone. De même, le cas d’Ayaba en Norvège pourrait influencer le traitement réservé par la communauté internationale aux dirigeants ambazoniens en exil.

Cameroun Actuel
Me suivre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernières nouvelles

Suivez-nous !

Lire aussi