Un inspecteur de police avait été frappé d’un rabaissement de grade après enquête disciplinaire l’administration de la police pour des faits supposés d’interpellation, de séquestration et d’extorsion des fonds sur la personne d’un suspect. Le juge administratif estime que cette sanction n’était pas justifiée au regard des éléments de preuve donnés par le plaignant.
CJ est un policier jovial qui a quitté le Palais de justice de Mendong avec un large sourire le 2 juin 2020, après avoir offert un salut militaire retentissant au collège des juges du Tribunal administratif de Yaoundé. L’inspecteur de police principal (IPP) Enguene Jean-Paul venait d’obtenir l’annulation d’une décision du Délégué général à la Sûreté nationale du 22 septembre 2017 ayant entraîné son abaissement de grade. Il porte encore des épaulettes d’inspecteur de police alors qu’il devrait déjà être officier de police avec, en plus, une amputation de SO mille francs sur son salaire mensuel. Son visage marqué par sa raine de patibulaire en début d’audience s’est éclairci au bout du combat qu’il a livré devant le public en l’absence de son avocat alité. Une circonstance qui en rajoute à sa joie.
Les faits à l’origine du conflit entre l’IPP et la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn) remontent en 2015. En service au commissariat de sécurité publique du 5è arrondissement de la ville de Yaoundé, M. Enguene avait été appelé le 10 octobre, un samedi, par le chef de. l’unité pour mener une mission urgente. Un usager nommé Abessolo Boniface était venu rencontrer le commissaire de police pour se plaindre contre un certain Belinga Jules, alors accusé d’avoir perçu 2400 euros du plaignant pour le dédouanement de sa voiture au Port de Douala. Une mission qu’il n’avait pas effectuée, tout en se gardant de restituer l’argent reçu. Jules Belinga s’apprêtait à quitter le Cameroun sans avoir rembourser l’argent perçu, ce qui justifiait l’urgence de la procédure engagée contre lui au commissariat.
Arrangement à l’amiable
L’IPP Enguene va être instruit par son patron d’auditionner le plaignant et de préparer un avis de recherche soumettre au chef de l’unité pour que soit rapidement engagées des recherches pour mettre la main sur M. Belinga. Une tâche dont il s’acquitte avec dévouement L’avis de recherche sera signé par le commissaire et publié à travers les canaux appropriés de la police. Et le lendemain, le suspect sera interpellé à l’Aéroport international de Yaoundé-Nsimalen alors qu’il s’apprêtait à prendre les airs pour l’Europe via un vol de la compagne Bruxelles Airlines. H est ramené au Commissariat du 5è arrondissement et placé en garde à vue après retrait de son passeport il sera ensuite auditionné par l’IPP Enguene pour les besoins de l’enquête ouverte.
Du fait des divergences apparues dans les versions des faits des deux protagonistes, l’enquêteur va organiser une confrontation le 12 octobre 2015, Au cours de celle-ci, les parties s’accordent pour un arrangement à l’amiable. M. Belinga reconnaît détenir l’argent de M. Abessoio et s’engage à lui remettre dans les prochains 24 heures. Il sera alors remis en liberté sous garants. En passant, les amis du suspect disent avoir collecté une somme de 150 mille francs remise aux policiers pour parvenir à l’arrangement. Sauf que le passeport de M. Belinga reste confisqué après son élargissement. II en est irrité au point de s’en plaindre auprès du patron de la Police, M. Mbarga Nguele. D’où Je déclenchement d’une enquête disciplinaire par le chef du corps.
En fait, bien qu’un accord ait été trouvé entre les parties, le commissariat du 5è arrondissement de Yaoundé a rendu compte de l’enquête et de ses suites au procureur de la République en simple «renseignement judiciaire». Informé que M. Belinga n’a pas tenu parole dans le délai arrêté, le procureur a émis un mandat d’amener à son encontre et transmis le dossier au Groupement territorial de gendarmerie de Yaoundé pour exécution. Le suspect sera encore interpellé, même s’il réussit encore à se sortir des griffes de la gendarmerie sans désintéresser son adversaire.
Lorsque l’enquête interne de la police est menée suite à la saisine du Dgsn, elle reproche à 1TPP Enguene d’avoir débarqué M. Belinga de l’avion sans aucun mandat et au mépris du Code de procédure pénale, son domicile étant pourtant connu de l’enquêteur et le procureur de la République n’ayant pas encore été informé. La commission d’enquête met aussi à la charge du policier la garde à vue du suspect sans aucune notification ni bon de garde à vue, la rétention du passeport de M. Belinga et l’extorsion de la somme de 150 mille francs. La commission mentionne que la plainte de M. Abessolo n’a été enregistrée au commissariat que le 21 octobre, soit presque dix jours après l’ouverture de l’enquête. Elle a conclu à des manquements professionnels et à une compromission ayant porté atteinte à l’honneur de la police.
Mensonges de la Dgsn
A la barre, le représentant de la Dgsn va se montrer assez sévère à l’endroit de l’IPP Enguene, à l’origine de la. procédure judiciaire devant le tribunal administratif, convaincu d’avoir été sanctionné pour des actes posés par certains de ses collègues ou en respect aux ordres reçus de son chef hiérarchique.
«Tous les actes, ont été posés par lui-même. Il a engagé sa responsabilité personnelle à partir du moment où il a posé certains actes sans se référer à sa hiérarchie… la Dgsn reproche à l’IPP d’avoir conservé le passeport du mis en cause par devers lui… Il lui est reproché d’avoir agi de concert avec son chef», dira le commissaire de police principal représentant de la Police devant la barre. Se sentant piqué par ce qui est apparu comme un acharnement, l’IPP Enguene va sortir de ses documents deux documents qui contredisent ce qu’il appelle «les mensonges de la Dgsn».
Il s’agit d’un extrait de la main courante du commissariat du 5è arrondissement qui laisse apparaître que ce sont l’IPP (aujourd’hui officier de police) Minkada et l’IPl (aujourd’hui 1PP) Mandeng qui étaient allés interpellés M. Belinga dans l’avion le 11 octobre 2015, avant de le placer en garde à vue. Ce sont ces deux collègues de M. Enguene qui ont aussi récupérer le passeport de M. Belinga et l’ont gardé au poste de police.
Par ailleurs, des réponses aux réquisitions faites aux opérateurs de téléphonie Mobile MTN et Orange Cameroun montrent que l’IPP Enguene était hors de Yaoundé à ce moment-là. Le policier expliquera au tribunal qu’il n’est pas du pouvoir d’un Agent de poiice judiciaire de placer un suspect en garde à vue.
Dans ses réquisitions, le parquet est sur la même longueur d’onde que le plaignant par rapport à l’injustice spumise à l’appréciation du juge administratif. Les constats du représentant du procureur général sont clairs : «Il y a un avis de recherche signé du chef de l’unité. Aucune mesure n’a été prise par la Dgsn pour auditionner ce chef d’unité, il n’y a pas non plus de preuve matérielle de l’extorsion de l’argent par l’IPP Enguene».
Le ministère public requiert en conséquence que la requête de l’IPP Enguene soit déclarée recevable et justifié. Que la décision du Dgsn le rabaissant d’un grade soit annulée en conséquence. Ce que le Tribunal a fait après concertation. D’où l’explosion de joie du policier qui est reparti du palais de justice le visage radieux.
Source: Kalara