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21 octobre 2016 – 21 octobre 2025 : Éséka, la plaie jamais refermée du Cameroun

Neuf ans après le 21 octobre 2016, la forêt d’Éséka garde encore le goût amer du fer et du sang. Ce jour-là, le train nᵒ 152 de la Camrail quittait Yaoundé à destination de Douala, bondé d’usagers.

Quelques heures plus tard, il déraillait dans un fracas d’acier et de cris, laissant derrière lui un champ de désolation : plus de 80 morts officiellement, et plusieurs dizaines de disparus dont les familles n’ont jamais retrouvé les corps.

L’onde de choc avait traversé le pays et bouleversé la planète. Le Cameroun entier avait pleuré, tandis que les autorités promettaient « toute la lumière » sur cette tragédie nationale. Neuf ans plus tard, les promesses se sont éteintes, une à une, dans le silence des institutions.

Les familles abandonnées à elles-mêmes

Les rescapés et proches des victimes vivent aujourd’hui avec la double blessure de la perte et de l’oubli. Certains n’ont jamais perçu les indemnisations annoncées. D’autres continuent d’attendre les conclusions d’une enquête dont les résultats n’ont jamais été rendus publics.

« Nous avons été reçus plusieurs fois, mais rien n’a suivi. L’État nous a oubliés », confie sous anonymat une veuve installée à Douala, dont le mari a péri dans le drame.

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Les associations de victimes dénoncent, elles, une « justice à deux vitesses » et une « impunité entretenue ».

À Éséka, le site du drame n’a pas changé. La nature a recouvert les débris de métal, mais les habitants n’ont rien oublié. Quelques croix plantées à la hâte rappellent encore la violence de ce 21 octobre. Aucun mémorial officiel n’a été érigé, malgré les engagements pris à l’époque par le gouvernement.

Dans un pays où les grandes tragédies finissent souvent classées sans suite, l’affaire Éséka symbolise le poids du silence et l’absence de responsabilité.

La commission d’enquête promise par le chef de l’État avait pourtant conclu, selon des fuites relayées à l’époque, à des surcharges et à des défaillances techniques dans la gestion du convoi. Mais depuis, plus rien.

Une mémoire collective fragilisée

Neuf ans après, les trains circulent à nouveau sur les mêmes rails, mais le souvenir du drame reste un sujet tabou. Les cérémonies de commémoration sont rares, souvent portées par les seules familles endeuillées et quelques organisations de la société civile.

Pour beaucoup de Camerounais, Eséka est devenu le symbole d’un pays où les drames se répètent sans leçon tirée. « Ce n’est pas seulement un accident, c’est un miroir de notre gouvernance », analyse un enseignant à Yaoundé.

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En 2016, l’émotion avait fait place à l’indignation. En 2025, il ne reste que le silence. Un silence qui blesse autant que la tragédie elle-même. Sur les lieux du drame, les trains passent désormais sans s’arrêter. Seule la forêt, muette et dense, garde encore le souvenir des victimes.

Et neuf ans plus tard, la question demeure : Éséka… où en est-on ?

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