Rosine P. demande le divorce, évoquant l’irresponsabilité de son époux. Le couple était lundi devant le tribunal de première instance d’Ekounou.
Visiblement, les paroles de Monsieur le maire n’ont eu aucun effet sur Nestor P. Dans son foyer, c’est Rosine, son épouse, qui est le vrai chef de famille. La trentaine apparente, cette dernière est celle qui fait tout dans la maison, à en croire sa sœur aînée, appelée à témoigner lundi devant la présidente du tribunal, Fadimatou Bouba, dame Christine Nnanga et Célestin Ffande Fama, accesseurs.
Nestor R, chauffeur de taxi, âgé d’une quarantaine d’années écoute religieusement ce dont il est accusé par son épouse. Celle-ci a quitté le foyer conjugal avant de saisir les tribunaux pour une demande de divorce. La sœur de l’épouse, est donc appelée à la barre. Son récit dure à peu près 30 minutes. Elle apprend au tribunal que Rosine R, employée dans un hôtel de la place, est mariée à Nestor depuis près de 10 ans.
Le métier de Nestor ne lui permet pas de gagner grand-chose. Son revenu hebdomadaire est de 5000 F. Son épouse est donc celle qui assure la ration, paye la scolarité des enfants, le loyer, bref, gère toutes les charges de la maison. Incapable de subvenir aux besoins de la famille, et voulant se dédouaner de toutes les charges, Nestor va en plus qualifier le travail de son épouse de lieu satanique et se croiser les bras disant à chaque fois que c’est à sa femme de gérer toutes les dépenses, puisque c’est elle qui a un « vrai travail ».
La famille de Rosine, trouvant cette situation pénible pour leur fille, décide d’acheter un véhicule à Nestor, pour qu’il travaille à son propre compte. Mais l’homme, fidèle d’une église de réveil, se déclarant « missionnaire de Dieu », va refuser cette offre, sous le prétexte que son heure n’est pas encore arrivée. Il sera finalement convaincu par sa belle-sœur qui lui explique qu’avec la venue d’un nouveau bébé, ils auront besoin d’un logement plus grand, proche du lieu de service de son épouse et de l’école des enfants. Elle va en plus lui proposer d’épargner auprès d’elle 2000 F tous les jours, afin de louer un studio à 60 000 F par mois.
« Au départ, il s’y est opposé. Plus tard, il a dit qu’il allait le faire et pas plus. Connaissant son mari, ma sœur a vite pris le studio et l’argent que j’épargnais devait servir à payer les loyers à venir, après les six premiers mois demandés par le bailleur. Mais quand Nestor a su qu’on n’avait pas touché à son argent, il ne versait plus rien. Au contraire, il venait le réclamer pour ses dépenses jusqu’à ce que ça finisse », raconte la sœur de Rosine.
La présidente du tribunal appelle ensuite le témoin de Nestor, sa mère. En passant devant la barre, la belle-mère va lancer un regard accusateur à sa belle- fille. Geste très vite remarqué par la présidente du tribunal. « Pourquoi tu la toises ? Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? N’as-tu pas également des filles ? ».
À ces questions, la belle-mère va se débrouiller à répondre en français : « Rosine est partie de la maison et a tout emporté ». En renvoyant l’affaire au 5 juin prochain pour un délibéré, la présidente du tribunal a rappelé que Rosine est partie avec ce qu’elle avait acheté. Et elle donne un conseil à l’époux : « Quand tu vas refaire ta vie, il faut savoir que dans un foyer c’est l’homme qui fait tout. L’argent de la femme c’est pour prendre soin d’elle et s’occuper des enfants. »
Marie Christine NGONO (Cameroon Tribune)
