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Cameroun : condamné pour avoir tenté d’accrocher une banderole

Le sous-préfet de l’arrondissement de Banka, Pascal Zoua, demande d’interpeller le prince Kwahom David ou toute personne qui tenterait d’afficher ou d’ordonner l’affichage du message libellé sur une banderole commandée par des princes qui contestent la légitimité de l’actuel chef supérieur. Une logique similaire a prévalu à Kekem où le patron de l’arrondissement a instruit des poursuites ayant débouché sur la condamnation d’un jeune de sa localité à cause des publications hostiles au régime de Yaoundé sur des réseaux.

Plus d’un mois après avoir tenté d’accrocher une banderole pour dénoncer son frère Arnaud assis sur le trône du groupement Banka, David Kwahom Monkam est toujours en fuite. Car, « dans le cadre du maintien de l’ordre public et de la préservation de la paix », le sous-préfet de l’arrondissement de Banka, Pascal Zoua, a instruit « de mener des investigations en vue d’interpeller toute personne surprise en train de fixer cette banderole ou toute autre affiche contenant un message insurrectionnel, outrageant les institutions ou de nature à provoquer une crise sociale ».

Lesdites instructions sont contenues dans une note datée du 06 septembre 2022 et envoyée au commandant de la brigade de gendarmerie de Banka. Le message porté sur la banderole commandée par les princes qui contestent la légitimité de Paul Arnaud Toukam Monkam, chef supérieur Banka, et qui suscite cette volonté de répression de la liberté d’expression orchestrée par les autorités administratives est en effet libellé comme suit : « Monkam Kwahom David (Prince Banka). J’avais donné un mois au peuple Banka pour leur dire la vérité concernant notre ville. Le 05 septembre serait la fin du mois…. ».

En effet, ce message est non explicite sur les réelles intentions de ses auteurs. Selon des informations puisées à bonne source, les princes dissidents entendent mobiliser les notables et les villageois acquis à leur cause pour destituer et déloger Paul Arnaud Toukam Monkam de la chefferie supérieure Banka et procéder à la désignation d’un nouveau chef du groupement qui, selon eux, serait le légitime héritier de David Tientcheu Monkam, décédé il y a plus d’une dizaine d’années.

Pour le sous-préfet de l’arrondissement de Banka rencontré par Journalistes en Afrique pour le développement(Jade) en date du mardi 11 octobre 2022, ce message est de nature à perturber l’ordre public. Cette autorité administrative accorde en effet une primauté à la préservation de l’ordre public. Pour lui, liberté ne saurait impliquée « libertinage ».

Il est question pour lui de protéger un chef supérieur de 1er degré dont l’accession au trône a été constatée dans un arrêté signé par le Premier ministre conformément au décret de 1977 sur les chefferies traditionnelles au Cameroun.

Musèlement de l’expression des princes dissidents

Et selon les pratiques de l’administration camerounaise, contesté une autorité établie par un décret constitue une « insurrection ».Il pense que l’autorité de l’État doit être respectée. Une position partagée par Lanyu Harry, préfet du département du Haut-Nkam.

C’est ainsi qu’il a amplié sa correspondance au commandant en direction du Procureur de la République près des tribunaux de Bafang, du commissaire de sécurité publique de Bafang, du commissaire spécial du Haut-Nkam et du chef secteur de la surveillance du territoire. David Kawhom Monkam, Reine Sophie Monkam et autres princes sont visés par cette note.

Au-delà d’être fichés par l’autorité administrative pour leurs déclarations sur les réseaux sociaux, ils ont été interrompus au moment où ils tentaient de hisser une banderole dans un carrefour de ce village le 04 septembre. Un jour après, le prince dissident David Kwahom Monkam, a fait une sortie sur sa page Facebook, pour dénoncer cette tentative de musèlement du discours des princes qui contestent l’actuel chef du groupement Banka.

« Avant tout propos moi Prince Monkam Kwahom David je tiens à vous rappeler que je ne veux pas et je ne serais jamais prétendant au trône du royaume des Banka (. …)

Toukam, avant-hier tu n’as pas bien saisi mon message et comme d’habitude tes conseillers t’ont demandé de riposter et de demander au gouverneur de mettre tes frères en prison. Qu’ils continuent de te conseiller. Tout le monde voit que ce sont de très bons conseils qu’ils te donnent. On va voir où ça va aller.

Je ne suis pas seul dans ce combat : je suis avec tous nos frères et soeurs et nous sommes encore plus unanimes que jamais. La vérité que tu veux fuir vient. Si tu veux, ne la respecte pas mais sache une seule chose : on peut tromper les hommes mais on ne trompe pas les ancêtres. Sois sûr que le chemin que tu veux prendre va te dépasser », discourt-il.

Instruments juridiques internationaux

Ayant tenu également ce discours sur les réseaux sociaux en date du 07 septembre dernier, le prince Monkam Kwahom activement recherché, a néanmoins cessé ses sorties épistolaires. Et pourtant, des militants de défense des droits humains estiment que son discours de contestation ne devrait pas être bridé.

Car il est à souligner que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.

L’État du Cameroun, à travers les actes répressifs des autorités administratives et des magistrats, n’est pas suffisamment engagé à respecter les exigences contenues dans les textes de l’Union africaine et autres instruments juridiques internationaux en matière de respect du principe de la liberté d’expression. L’État du Cameroun s’éloigne de cette option. »

Parce que cette démarche du sous-préfet de Banka semble suivre celle de son homologue de Kékem. Elle porte sur l’histoire de Brice Hilaire Ndiffo qui irrite certains, et amuse d’autres. C’est que ce jeune de l’Arrondissement de Kékem dans le Département du Haut-Nkam vient de sortir de prison après y avoir passé près d’une année pour une affaire curieuse pour les uns et sérieuse pour les autres.

En effet, le 9 août 2021, Alain Serge Bikie, Sous-préfet de Kékem demande aux forces de l’ordre de son unité de commandement d’émettre un mandat de recherche aux fins d’arrêt contre le nommé Brice Hilaire Ndiffo qu’il qualifie « d’activiste du MRC  ».

Les motifs de cette action sont contenus dans quelques captures d’écran que l’autorité administratives a joint à sa demande. Il s’agit en fait des messages diffusés sur les réseaux sociaux par lesquels ce jeune semble ne pas partager l’option de certains de ses compatriotes qui préfèrent quitter le pays par tous les moyens pour échapper à la mal-gouvernance du régime en place.

« Plutôt que de mourir au Sahara ou en mer méditerranée, je préfère mourir dans la rue en chassant le tyran et ses cleptomanes. Le dictateur Paul Biya et son Gouvernement de voleurs, en complicité avec les Préfets, sous-préfets. Sachez que rien ne serait plus avant », avait-il écrit dans une plateforme des ressortissants du Haut-Nkam.

Mandat d’incarcération

Ces messages étaient d’un très mauvais goût pour Alain Serge Bikie. Il estimait qu’il « porte atteinte à la sécurité de SEM le Président de la République ainsi que des membres du Gouvernement ». Pour lui, de tels agissements étaient de nature à « déstabiliser l’ordre public de l’unité administrative par un mouvement insurrectionnel et appel à trouble ».

La sentence de la procédure judiciaire enclenchée au tribunal de première instance de Bafang, est rendue le 21 octobre 2022. Brice Hilaire Ndiffo est reconnu coupable des faits « d’outrage au président de la république, aux membres du Gouvernement, aux corps constitués et fonctionnaires ».

Par conséquent, il est condamné à 30 mois d’emprisonnement et à 500.000 francs CFA d’amende. Brice Hilaire Ndiffo est en plus condamné aux dépens liquidés à la somme de 26.700 Fcfa. Il était averti par le tribunal de l’obligation de s’acquitter de toutes ces condamnations pécuniaires, soit au total 526.000 francs CFA.

Ce jeune était prévenu qu’en cas de non-paiement, il sera contraint par corps pendant une période 18 mois ; et devait être décerné contre lui un mandat d’incarcération au cas où il y aurait lieu d’exercer cette contrainte par corps.

Vitale pour la démocratie et la bonne gouvernance…

Trouvant arbitraires ces sentences, il saisit par l’entremise de son conseil Me André Marie Tassa, la cour d’appel de l’Ouest qui a déclaré l’appel recevable au fond et a infirmé le jugement sur la peine. Statuant à nouveau, elle a ramené la peine à 310 jours assortie des dépens de 68.500 francs CFA ainsi que six mois de contraintes par corps.

Hormis ces points, le reste du jugement avait été confirmé. Cet arrêt a été rendu le 9 août dernier. Permettant ainsi à ce jeune de respirer à nouveau l’air de la liberté. Mais aura-t-il le courage de saisir les instances internationales pour exiger une réparation de l’État du Cameroun qui se serait mis en marge de l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques?

Alinéa 1 et 2 du texte international indique : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions… Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. »

Toutefois, l’alinéa 3 de ce texte nuance en précisant que « l’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires: a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui; b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique. »

Reste qu’au Cameroun, le caractère « évasif et imprécis » de la notion d’ordre public complique les choses et ouvre souvent la porte à de nombreuses dérives en matière de répression des libertés publiques. D’où cet engagement de Charlie Tchikanda, directeur exécutif de la Ligue des droits et libertés, à sensibiliser les acteurs de la scène publique et les autorités administratives sur le fait que la promotion et le respect de la liberté d’expression est vitale pour la démocratie et la bonne gouvernance…

Camer.be

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