fbpx

Cameroun Actuel

Univers carcéral : trafic de rations et de détournement des dons

Selon certains prisonniers, des détenus qui travaillent en cuisine détournent une partie de la ration alimentaire pour la revendre à l’intérieur de la prison. Avec la complicité de gardiens. Par ailleurs, les nombreux dons remis dans ces pénitenciers seraient également détournés. Certains régisseurs démentent cette information, d’autres exigent de sanctionner les fonctionnaires impliqués dans ces pratiques qui violent les droits des détenus.

Le 8 février 2022, l’artiste Stanley Enow, à l’occasion de son anniversaire, a offert des dons, constitués de denrées alimentaires, de savons et autres utilités à la prison centrale de Douala. A travers sa fondation, il veut «redonner un peu de sourire aux détenus».

«Son don était constitué de 6 sacs de riz, et quelques outils de première nécessité, remis aux détenus du quartier mineur de la prison», explique un gardien de prison. Mais, à la fin de la cérémonie, plusieurs anciens détenus ont dénoncé la mauvaise qualité des repas servis dans les prisons, malgré ces nombreuses remises de dons.

«La prison est le seul endroit dans ce pays où les gens viennent faire des dons mais la majorité de ces dons sont redistribués discrètement au personnel pénitencier. Le bon riz parfumé que les donateurs envoient n’arrive jamais à la cuisine de la prison. Les détenus se posent toujours la question à ce sujet», s’interroge un ancien détenu qui a gardé l’anonymat.

D’autres détenus encore en prison expriment les mêmes plaintes. «Le repas c’est la magie! Nous, on mange seulement le riz à cailloux. Un vrac sale qui est le résidu balayé dans les cales des bateaux. Les sacs de riz que vous voyez remettre lors de la cérémonie de dons, ce n’est pas ce que nous consommons».

Les détenues femmes, quant à elles, s’interrogent beaucoup plus sur la mauvaise qualité de la sauce servie lors des repas. « Vous voyez, tout à l’heure on a remis des sacs d’arachides. La sauce d’arachide qu’on nous prépare ici est faite avec de l’arachide moisie. Et tellement l’arachide est insuffisante que cette sauce est noire sans réel goût. Pourtant les donateurs donnent toujours assez d’aliments.» 

A la prison » centrale de Douala par exemple, les détenus du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) indiquent que c’est à cause de cette mauvaise qualité d’aliment, que le parti a choisi de leur apporter à manger tous les jours. «Le Mrc nous envoie la nourriture tous les jours que Dieu a créé. Donc du coup ça nous épargne de cette merde là», explique un détenu membre du parti.

Détournement de rations

Un ancien prisonnier qui a requis l’anonymat explique que dans plusieurs prisons, les » détenus qui travaillent à la cuisine font un grés business autour des aliments. «A la prison de Douala, Ils détournent la ration et la fait vendre au carrefour Ndokoti, le plus grand carrefour de la prison pour se faire de d’argent. Ceci avec la complicité de l’administration pénitentiaire», confesse un détenu rencontré lors de la cérémonie de don de l’artiste Stanley Enow.

Un autre qui a requis l’anonymat d’ajouter que les chefs de cellules sont impliqués dans ce deal. Le peu de ration mise à la disposition des détenus est non seulement insuffisant, mais détournée.

«Pour manger il faut s’armer de beaucoup de patience. Il y a un rang interminable avec des bousculades car il faut être assez fort dans dette jungle pour pouvoir avoir un peu de repas. Puisque la plupart des détenus ne mangent pas la sauce d’arachide servie aux heures de repas, à cause de sa mauvaise qualité, beaucoup vont au carrefour Ndokoti acheter une sauce de bonne qualité, préparée avec des aliments détournés dans les cuisines».

L’administration pénitentiaire réfute ces accusations

Rencontré dans ses bureaux ce lundi 14 février, le délégué régional de l’administration pénitentiaire du Littoral, Joël Fopa Pompo, ne partage pas l’avis des détenus.

«Au sujet de la qualité des repas. Ce qui est dit est faux. Parce que moi-même je mange le riz qu’on prépare en prison. La prison c’est un lieu fermé, il suffit d’une petite erreur et on a une épidémie qui va ravager toute la prison. Nous faisons très attention à la qualité des repas, ainsi qu’à celle de l’eau qu’on distribue au sein de la prison. L’information véhiculée par les détenus est fausse. Nous sommes très regardants sur la propreté et la qualité de ce que nous faisons consommer aux détenus», explique le délégué.

Au sujet du vol des aliments dans, les cuisines avec la complicité des gardiens de prison, il reste aussi sceptique ainsi que sur la question du détournement des dons.

«Nous avons plus de 4000 détenus dans la prison de Douala. Personne ne peut offrir des dons qui puissent couvrir les besoins de tous ces détenus. Chaque fois qu’une association veut offrir un don, elle choisit où exactement vont ces dons. Est-ce que

c’est au quartier des mineurs, est-ce que c’est au quartier des femmes, est-ce que c’est aux : mdicapés? Pour le cas de l’artiste Stanley Enow, il avait choisi de remettre ses six sacs de riz uniquement au quartier des mineurs de la prison. Si on partage les six sacs de riz entre tous les détenus, c’est très insuffisant. Chacun n’aura même pas une boîte de riz. Donc ce que les détenus disent au sujet des dons est incorrect.

Les vols ne sont pas généralisés

Ndjilé Kamga est un administrateur de prisons, parti en retraite en 2015. Pendant plus de 25 ans, il a dirigé les plus grandes prisons du pays. Sur la question du vol de la ration, il dit avoir connu cela dans certaines prisons.

«Dans la prison tout est organisé. Il y a des gardiens de prison qui gèrent la sortie de magasins. Quand les aliments sont sortis, ça va à la cuisine, il y a un responsable de cuisine qui veille à ce que la quantité sortie soit effectivement préparée. Si les gens se plaignent ça veut dire qu’il y a perte de la nourriture non préparée. Donc c’est le gardien de prison chargé de la sortie du magasin qui est responsable cela. Nous travaillons avec les hommes. Donc comprenez que c’est normal que de temps à autre on travaille avec? des personnes de mauvaise foi», explique-t-il.

Ainsj, certains gardiens de prison déjouent les systèmes de surveillance pour détourner les rations. «La fuite, importante ne peut pas se faire lors de la cuisson parce que les prisonniers ne peuvent pas manger dans la cuisine. Quand bien même le prisonnier veut manger, il va manger quelle quantité au point qu’on récente? Cela se ressent au niveau de la distribution ? En cas de fuite importante, c’est qu’ils ont volé de la nourriture non préparée. Et c’est le personnel de la grison qui est complice de cette histoire-là».

Les dons suivent, selon lui, le même cheminement.

«Lorsqu’on donne un don constitué de 100 sacs de riz, 100 sacs de maïs et autres, on mat cela au magasin et ça renforce la ration pénale. Il n’y a que le personnel pénitentiaire chargé de la sortie du magasin qui peut être responsable en cas de disparition de ces denrées». Pour Ndjilé Kamga, normalement des situations pareilles ne devraient plus arriver, car ça fragilise le système de prise en charge des détenus.

«En prison il y a des malades, les démunis, des personnes qui ne reçoivent jamais de visites. Les dons sont importants pour aider ces couches de personnes fragilisées. Ces personnes ont des cuisines particulières. On doit renforcer leur alimentation en leur donnant de la nourriture qu’ils peuvent préparer eux-mêmes», précise Ndjilé Kamga. Pour endiguer les détournements, il propose plus de rigueur, et plus de sanctions.

Les mauvaises pratiques de ces fonctionnaires contribuent au non-respect de l’article 20 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus de l’Onu qui indique que «Tout détenu doit recevoir de l’administration aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisante au maintien de sa santé et de ses forces».

Hugo Tatchuam (Jade)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernières nouvelles

Suivez-nous !

Lire aussi