fbpx

Cameroun Actuel

« Non, notre société n’est pas méchante ! » : Louis-Marie Kakdeu répond à Richard Makon

Réponse à Richard Makon qui a publié une tribune intitulé « une société de méchants ».

Attention au lavage de cerveaux ! Un certain discours post-colonial s’exerce à dévaloriser l’Afrique et tout ce qui vient d’Afrique. Dans la logique de Frantz Fanon, ce n’est plus le colon qui fait ce travail, mais c’est l’Africain lui-même qui s’en occupe et fait son auto-dérision. De nos jours, c’est l’Africain lui-même qui estime qu’il n’est pas beau ; qu’il est méchant ; qu’il n’y a pas de ressource humaine qualifiée ; qu’il est un être inférieur, etc.

Insinuer que la société africaine/camerounaise est méchante relève de ce cliché ou d’une forme de métaphore usée dont le but est de dévaloriser l’Africain face à un comparant « implicite » qui serait bon. Il y aurait donc la « société des bons » qui n’est pas la nôtre et la « société des méchants » qui est la nôtre. En 2022, une telle catégorisation hégémonique est un fait blessant l’orgueil/la face de l’Africain dont la société n’est en rien plus méchante que les autres sociétés du monde.

Un tel discours dévalorisant s’inscrit dans le cadre d’une politique de communication déjà connue et décriée qui peint l’Afrique et les Africains en noir et qui concoure au lavage des cerveaux. Au sens d’Esquerre (2002) ou de Laurens (2003), on observe que par la force de la manipulation médiatique, un rapport de force dominant contrôle psychiquement certains Africains et les pousse à croire qu’ils sont la risée du monde.

Cet Africain ne s’aime plus ; il n’aime plus sa couleur de peau ; on lui a dit que le noir est laid ou représente le mal ; alors, il se décape la peau pour être blanc, couleur de la beauté et du bien ; il porte les greffes et les perruques pour avoir les cheveux longs ; il a honte des cheveux crépus ; il a honte de ses origines. L’Africain subit l’hégémonie culturelle entendu au sens de Gramsci et de Kurtz (1996) comme étant une action de leadership intellectuel et moral. Si cet Africain assume donc qu’il est méchant, alors il accepte volontiers d’être « civilisé » !

Non, vous comprenez que je ne pouvais pas laisser passer une telle analyse au moment où nous nous battons pour libérer notre pays en vue d’être résolument heureux chez nous. La bataille qui nous attend n’est pas qu’une bataille politique comme beaucoup le pensent mais, aussi et surtout une bataille culturelle ; il faut aussi et surtout changer la culture politique chez nous et changer la représentation du monde des Camerounais/Africains.

Effet marketing/communication

Non, la société africaine n’est en rien plus méchante que les autres sociétés du monde où l’on efface des pages entières de l’histoire et n’enseigne pas la vérité à l’école. La pornographie et autres maux ne sont pas qu’une réalité africaine ! Et si l’on regardait les proportions, l’Afrique serait même encore dans sa « virginité » !

La différence se trouve au niveau marketing/communication : pendant que les autres sociétés du monde montrent leurs bons côtés et cachent leurs mauvais côtés, les Africains font exactement le contraire avec l’appui des médias mainstream. Chez nous, on ne montre que le mauvais côté, ce qui peut conduire à de telles analyses biaisées allant dans le sens de ce que notre société est méchante. En l’état, même les médias nationaux choisissent de servir le sensationnel au public.

Lorsque vous suivez le journal télévisé dans une télévision locale, on parle pour l’essentiel des faits divers. Le cinéma africain se concentre sur la sorcellerie. Finalement, on a l’impression que l’Afrique se conjugue au négatif. C’est l’effet du sensationnel qui consiste à rechercher « de la violence ou le miracle » en vue de peigner « un visage grotesque sur le monde » et en privant le public « de la possibilité d’examiner les événements subtils avec de grandes conséquences » (Stephens, 2007 : 113).

Toutefois, il revient aux Africains/Camerounais de rejeter ce genre de discours (post)coloniaux et de se valoriser eux-mêmes dès à présent. Combien sont ces Africains qui croyait fuir l’enfer pour aller au paradis et ont été désillusionnés à l’étranger ? Mais, qui parle de la méchanceté dans ces sociétés ? Pas grand monde. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans des sociétés où l’on prend les choses par le bon côté. A nous de faire pareil ! C’est une question de marketing !

Par Louis-Marie Kakdeu

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernières nouvelles

Suivez-nous !

Lire aussi