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Limite à la liberté d’expression : les femmes Mbororos n’ont pas la parole dans l’espace public

Les acteurs politiques et les organisations de la société civile sont appelés à se mobiliser pour favoriser le droit à la parole chez ces dernières.

Le samedi 19 février 2022, Oumarou Lagou a été installé Ardo (chef traditionnel et religieux) de la Communauté Mbororo de Nkongham (Projet route du Noun) à Bangangté. Ce jour, au rang des intervenants, aucune femme de cette communauté n’a eu droit à la parole.

La veille de cette manifestation populaire, aucune femme de cette communauté, n’a accepté de s’exprimer face au journaliste qui voulait s’enquérir sur les moyens qu’elles utilisent pour avoir de l’eau potable. Suite à l’insistance de l’homme des médias, la plupart de ces femmes ont baissé la tête ou déserté le lieu d’approvisionnement en eau où elles étaient massées.

Dans la même foulée, les femmes installées dans un coin de la concession du nouvel Ardo protégée par une barrière en paille, n’avaient pas le droit d’accéder à l’espace réservé aux hommes ni de leur adresser la parole. Approchée par le reporter, chacune d’elle baissait la tête.

Scènè identique à celle que nous avons vécue à Tchada-Baleng le 16 février 2022. Ce jour-là, seule une femme, âgée de 60 ans environ, a eu le courage – dans un français approximatif – de répondre aux questions sur les conditions d’accès à l’eau potable dans la localité. Les femmes plus jeunes ont refusé de répondre à nos sollicitations.

«Dans notre culture, aucune femme ne doit s’exprimer face à un homme qui n’est pas son mari. Elle ne doit même pas s’approcher de lui. Si elle le fait, elle sera sanctionnée par la communauté et étiquetée comme une «kafiri», c’est-à-dire une personne ayant violé les exigences du coran. La femme est sacrée. C’est elle qui procrée et donne la force à son mari. Elle ne doit pas être souillée», explique Ali Inoussa, fils de l’Ardo de Tchada II à Baleng.

Cette réalité traduit le fait que les femmes Mbororos ne participent pas aux émissions interactives dans les médias ou aux débats relatifs aux conditions de la femme. Elles sont contraintes à être muettes dans l’espace public, tout comme elles ne sont pas autorisées à donner, verbalement, leur point de vue sur les affaires publiques.

«Les femmes doivent avoir le courage de s’exprimer. Je fais des efforts pour soutenir les femmes issues des minorités vulnérables à l’instar des Mbororos. Ces femmes de ces communautés doivent être encouragées. Elles doivent être mobilisées pour les affairés publiques. Elles ont aussi leur mot à dire. Il faut que les hommes les laissent parler et défendre publiquement leurs droits», affirme Angèle Sandio Toukam Téla, députée de la Mifi à l’Assemblée nationale.

En réalité, l’Etat du Cameroun ne se déploie pas suffisamment, à travers le ministère des Affaires sociales ou celui de la Promotion de la femme et de la famille pour que les victimes Mbororos ne soient plus victimes des discriminations fondées sur le sexe, y compris en matière de liberté d’expression et d’opinion.

«Nous travaillons pour libérer certaines filles et femmes Mbororos des fardeaux culturels qu’elles portent. Mais ce n’est pas facile. Il y a des résistances encouragées par celles que nous considérons comme des victimes. Notre travail est humanitaire», soutient M. Kouam, assistante des affaires sociales à Bafoussam.

Les efforts doivent être constants

Sylvie Jacqueline Ndongmo, présidente d’une organisation de la société civile dénommée en anglais, Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF), pense que des efforts doivent être constants et soutenus en matière de promotion des droits humains des femmes. Pour elle, faire parler les femmes issues des couches vulnérables, et, surtout en temps de conflit, constitue un levier pour favoriser le dialogue intercommunautaire. Elle milite simplement pour que les pratiques culturelles qui enchaînent le droit à la parole, sur l’espace public, certaines femmes et filles Mbororos, soient brisées.

Le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique prescrit le droit à un environnement culturel positif. C’est ainsi que l’article 17 de ce texte dispose: «Les femmes ont le droit de vivre dans un environnement culturel positif et de participer à la détermination des politiques culturelles à tous les niveaux.»

Valorisant la liberté d’expression chez tous, y compris chez les femmes issues des minorités tribales à l’instar des Mbororos, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples énonce en son article 9: « Toute personne a droit à l’information. Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements…»

Guy Modeste DZUDIE (JADE)

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