Le nouveau président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva s’est engagé dimanche après son intronisation au Congrès « à reconstruire le pays » et à réconcilier des Brésiliens très divisés, citant le bilan « désastreux » de son prédécesseur Jair Bolsonaro.
« Je gouvernerai pour 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi », a lancé devant une marée humaine un Lula visiblement éprouvé, à 77 ans, par une longue journée de cérémonies et la chaleur estivale de Brasilia.
Submergé par l’émotion et interrompu par des sanglots, le leader historique de la gauche s’est engagé à lutter contre la faim, « le crime le plus grave » et à « combattre toutes les formes d’inégalités ». « Plus personne ne sera un citoyen de seconde classe », a-t-il promis.
« C’est comme une renaissance », a déclaré à l’AFP Lurdiana Araújo, coiffée d’une casquette rouge. « Nous avons passé quatre ans à souffrir. Aujourd’hui, nous assistons à une renaissance de la démocratie », insiste ce Brésilien, qui a attendu des heures pour assister au discours de Lula devant le palais présidentiel du Planalto.
Peu avant, Lula avait accusé Jair Bolsonaro, son prédécesseur d’extrême droite, qui avait snobé les cérémonies, d’avoir « épuisé les ressources sanitaires, démantelé l’éducation, la culture, la science et la technologie et détruit la protection de l’environnement ».
Le nouveau président a également assuré que le Brésil, grande puissance agricole, n’avait « pas besoin de déboiser » pour soutenir son agriculture. La communauté internationale attend de lui des gestes forts sur l’environnement.
Une minute de silence a été observée au Congrès en hommage à la légende du football brésilien Pelé, décédé jeudi, et au pape émérite Benoît XVI, décédé samedi.
A la fin de son discours, une partie du Congrès a ovationné le président, vêtu d’un costume bleu et d’une cravate, aux cris de « Lula guerrier du peuple brésilien ! »
Retour remarquable
Élu de justesse le 30 octobre face à Bolsonaro, le vieux lion de la politique brésilienne a été investi pour un troisième mandat à la tête du grand pays émergent, 12 ans après avoir quitté le pouvoir après deux mandats (2003-2010).
Le retour de Lula au palais du Planalto marque un retour remarquable pour l’homme qui a connu la prison il y a seulement quatre ans après avoir été accusé de corruption.
Maria Augusta Alvarez Silva, une enseignante de 51 ans de l’Etat de Sergipe (nord-est), a pleuré amèrement. « Ce discours m’a émue parce qu’il m’a fait revivre toute sa trajectoire, après la prison, les injustices… Tout le monde a dit que c’était fini », explique-t-elle.
Des dizaines de milliers de Brésiliens, vêtus de rouge, la couleur de son Parti des travailleurs (PT), ont acclamé Lula tout au long de son parcours dans la traditionnelle Rolls Royce décapotable, dans laquelle il avait pris place malgré les craintes liées à la sécurité, avec son centre-droit le vice-président Geraldo Alckmin et leurs épouses.
Aucune perturbation n’avait été signalée en fin de journée alors que les cérémonies d’investiture avaient été placées sous haute sécurité, par crainte d’actions de protestation de militants d’extrême droite qui ne reconnaissent toujours pas la victoire de Lula.
Jair Bolsonaro, qui a quitté le Brésil deux jours avant la fin de son mandat pour la Floride, aux États-Unis, n’a donc pas remis l’écharpe présidentielle à son successeur comme le veut la tradition démocrate, qui ne s’est pas produite depuis 1985 et la fin du régime militaire.
C’est un groupe de citoyens, dont le cacique et emblématique défenseur de la forêt amazonienne Raoni Metuktire, qui lui a remis le célèbre foulard serti d’or et de diamants au Palais présidentiel du Planalto, joyau architectural d’Oscar Niemeyer.
La journée allie le faste, avec des cérémonies officielles auxquelles assistent vingt chefs d’État – un record –, à une fête populaire avec des concerts organisés par Rosangela da Silva, « Janja », l’épouse de Lula.
Le président français Emmanuel Macron a félicité son nouvel homologue brésilien avec deux tweets, en français et en portugais.
« Ordre et Progrès : le Brésil est à la hauteur de sa devise. Félicitations, cher Président, cher ami @LulaOficial, pour votre investiture. Nous sommes ensemble! »
Parmi ses premiers pas en tant que président, Lula a investi 37 ministres, 14 de plus que sous le gouvernement de Jair Bolsonaro, et avec un record de 11 femmes.
Et, comme il l’avait promis, Lula a signé plusieurs décrets pour annuler les mesures de droite de son prédécesseur qui facilitaient l’accès aux armes et renforcer les institutions environnementales en Amazonie.
« Créer le chaos »
Reclus et presque silencieux depuis sa défaite en octobre, Jair Bolsonaro, qui perd son immunité présidentielle, a quitté le Brésil vendredi.
Alors que ses partisans les plus radicaux voulaient empêcher l’accession de Lula au pouvoir et campent toujours devant les casernes du pays, réclamant une intervention militaire, la sécurité a été fortement renforcée à Brasilia.
Des patrouilles ont eu lieu à l’aéroport de la capitale près duquel un engin explosif a été découvert il y a une semaine dans un camion-citerne, placé par un bolsonariste qui voulait « semer le chaos ».
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