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Justice camerounaise : un décès qui met en évidence le blocage de la magistrature

Orpheline de son président depuis le 7 mai 2020, la Cour d’appel de l’Extrême-Nord se trouve quasiment bloquée. La faute à un effectif réduit des juges du fait de la non tenue des réunions du Conseil supérieur de la Magistrature. Enquête sur une carence qui impacte de nombreux postes dans les milieux judiciaires.

La série noire se poursuit au sein de la magistrature camerounaise. Après le départ de M. André Bélombé, alors président de la chambre administrative de la Cour suprême, il y a neuf mois, M. Gang Foncham George vient de rajouter son nom sur la sombre et non moins longue liste des hauts magistrats à avoir passé l’arme à gauche.

Celui qui était le président de la Cour d’appel de l’Extrême-Nord jusqu’au 7 mai dernier a en effet succombé à la maladie. La nouvelle n’a pas fait grand bruit au sein de l’opinion publique, excepté dans les milieux judiciaires compte tenu de son impact dans le fonctionnement futur de la juridiction qu’il présidait. Cette dernière se retrouve quasiment bloquée du fait du départ de son chef.

Promu président de la Cour d’appel de Maroua le 7 juin 2017, M. Gang Foncham George s’était retrouvé à la tête d’une équipe composée de quatre autres juges, tous anciennement en service à Yaoundé. Il s’agissait précisément de trois vice-présidents et d’un Conseiller. Soit respectivement M. Ngong Noé, magistrat de 4ème grade, précédemment Avocat général près la Cour d’Appel du Centre ; M. Obama, magistrat de 4ème grade, jusque-là juge et juge d’instruction au Tribunal de grande Instance du Mfoundi ; tout comme M. Aoudou François, lui aussi magistrat de 4ème grade. L’équipe de cette Cour d’appel comptait aussi un conseiller, M Sanda, magistrat de 3ème grade, en provenance de la Cour d’appel du Centre où il exerçait comme Substitut du Procureur général C’était déjà un effectif réduit, incapable de tenir tleux audiences concomitantes dans le meilleur des cas possibles…

«Ce dernier temps, témoigne un responsable du ministère de la justice sous anonymat, la Cour d’appel de Maroua avait du mal à fonctionner. Très souvent, le président se retrouvait seul en poste ou avec un de ses trois juges. Ses autres collaborateurs étaient tiès souvent aperçus à Yaoundé. De ce fait, les audiences publiques de la cour ne pouvaient se tenir normalement, puisque la loi exige un collège de trois juges pour que la Cour siège en toute légalité.

Les justiciables se retrouvaient à subir des renvois et des renvois. Avec le décès du président, on se retrouve devant une situation plus compliquée encore, surtout qu’on ne sait pas quand est-ce que se tiendra la prochaine session du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) pour que le chef de l’Etat procède au redéploiement du personnel magistrat et partiel fièrement les magistrats du siège pour corriger la situation de Maroua».

Trois ans sans conseil…

Les craintes de ce responsable sont compréhensible. Cfrgane chargé d’assister le président de la République en tant que «garant de l’indépendance de la magistrature» dans la gestion de ce corps spécial de la Fonction publique, le CSM ne s’est plus réuni depuis le 7 juin 2017. Cela fera donc trois ans dans trois semaines. Depuis tors, de nombreux dossiers concernant le fonctionnement de l’institution judiciaire se sont amoncelés sur la table du chef de l’Etat, aggravant l’immobilisme, notamment autour des mouvements du personnel, dans les milieux judiciaires.

Depuis avril 2012, en effet, le CSM ne s’est réuni et de façon expéditive que deux fois : le 18 décembre 2014 et le 7 juin 2017. Et la machine judiciaire s’est progressivement grippée, du fait d’un manque d’entretien. En fait, la toi du 26 novembre 1982 (modifiée par la toi du 28 juillet 1989) portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature prévoit de nombreux actes pour lesquels l’avis de ce conseil est requis par le président de la République avant toute prise de décision dans la gestion de la magistrature.

Il s’agit notamment des intégrations dans la magistrature (recrutements de magistrats), des affectations et des nominations des magistrats dans les fonctions judiciaires (des tribunaux d’instance à la Cour suprême), des mutations des magistrats du siège au parquet ou des magistrats du parquet au siège, des promotions en grade, etc.

Depuis une dizaine d’année, les réunions du CSM ayant perdu leur rythme annuel le jeu de l’intérim ou du recours à certains artifices avait permis d’atténuer l’impact de la léthargie observée. Avec le décès de M. Gang Foncham, presque tous ces palliatifs sont inopérants.

Sauf décision manifestement illégale, rien ne peut corriger le problème d’effectif de juges qui se pose désormais avec acuité à la Cour d’appel de l’Extrême-Nord aujourd’hui, tant que le chef de l’Etat n’aura pas convoqué et organisé une réunion du CSM. C’est une réalité qui amène de nombreux magistrats à se demander si l’occasion est venue pour le chef de l’Etat de se souvenir encore de la justice et de son fonctionnement, tant l’attente se fait longue.

Au moment où M. Gang Foncham tire sa révérence, deux des trois présidents de Chambrés que compte la Cour suprême du Cameroun sont décédés et n’ont pas été remplacés. M. Marc Ateba Ombâia, président de la chambre des comptes, s’était éteint le 21 décembre 2018, suivi le 21 août 2019 par André Bélombé, le président cto la chambre administrative. Le premier président de là Cour suprême a dû procéder à la désignation des intérimaires pour la continuité du service.

Un artifice pas toujours heureux pour l’image de la justice camerounaise, d’autant par exemple que la Chambre des comptes de cette haute juridiction est quasiment coupée du monde aujourd’hui, certaines instances internationales en matière de justice des comptes ayant signifié au président de la République, en vain, leur impossibilité à continuer de travailler avec un intérimaire. Point n’est besoin par ailleurs de s’attarder sur ce qui se passe dans certaines juridictions inférieures…

Intégrations bloquées…

De nombreux magistrats ne comprennent pas que le CSM, qui se réunissait au moins une fois annuellement par le passé, ne puisse plus le faire en dépit des conséquences de la situation sur la carrière du personnel du corps de la magistrature et les activités des juridictions. Depuis juin 2017, les avancements sont totalement gelés pour les magistrats alors que chaque année, certains doivent connaître une évolution dans leurs carrières.

De même, trois promotions d’auditeurs de justice sortis de l’Ecole nationale d’Administration et de Magistrature (Enam) attendent aux portes de la profession. Leur intégration dans le corps est assujettie, comme les nominations des magistrats du siège, à l’avis préalable du CSM. Un vrai gâchis quand on sait que les effectifs sont insuffisants au sein de la magistrature.

De plus en plus de magistrats s’indignent sur la situation de leur corps de métier, alors que la justice est érigée théoriquement depuis la réforme constitutionnelle de 1996 en pouvoir judiciaire. Chose curieuse, l’immobilisme ne se contente pas de toucher aux fonctions des juges.

Il frappe de nombreux postes importants à la Chancellerie et dans les parquets, où le président de la République n’a pas nécessairement besoin de s’appuyer sur le CSM pour procéder aux mouvements du personnel. Il l’avait d’ailleurs fait le 28 juillet 2015, dans un mouvement ayant touché les procureurs généraux près le TCS, les Cours d’appel du Nord, du Nord-Ouest et de l’Adamaoua, mais aussi quelques responsables de la Chancellerie.

A ce jour, pourtant, l’inspection générale des services judiciaires est sans (véritable) chef depuis le décès (te Mme Ripauit Essomba en 2018. C’est pareil pour la Direction des affaires non répressives et du Sceau. La liste, évidemment, est foin d’être exhaustive. On peut alors comprendre le cri de détresse d’un magistrat face à l’immobilisme ambiant :

«Qu’avons-nous fait pour être ainsi brimés alors que chaque année, les militaires bénéficient imperturbablement des promotions au moins à deux reprises, le 1er janvier et le 1er juillet ? Quand est-ce que cela va s’arrêter ?» Par ces temps de «confinement» imposés par les risques de contamination au covid 19, il n’est pas du tout aisé de tenter une réponse.

Source: Kalara

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