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Impact du covid-19 sur l’Afrique: une économie circulaire s’annonce primordiale

Dans une sortie médiatique récente, le Président du Sénégal, S.E.M. Macky Sall, a plaidé pour « un nouvel ordre mondial qui met l’humain et l’humanité au coeur des relations internationales », dans le cadre de l’après Covidl9. Mais, pourquoi attendre et pourquoi se limiter aux seules relations internationales ?

Depuis plusieurs années, terrorisme, crise financière et pandémies en tous genres mettent à nu les limites du modèle unique d’une démocratie centrée autour des élus, d’une économie où les richesses sont accumulées par une minorité et d’un modèle social individualiste.

En effet, la greffe ratée de modèles politiques importés au Moyen-Orient a servi de base à des mouvements terroristes radicaux déployés au niveau mondial aujourd’hui. L’hyper-financiarisation de l’économie occidentale avec pour moteur l’accumulation de la richesse a servi de terreau à une crise financière mondiale dont les effets se font ressentir encore aujourd’hui.

Et maintenant, la quête effrénée voire irrationnelle d’une suprématie sociale mondiale chinoise a ralenti la prise de conscience d’une pandémie ravageuse. Combien de vies humaines sacrifierons-nous encore en restant aveugles à cette urgente nécessité de changer de cap ? A l’heure où j’écris ces lignes, près de 250.000 personnes sont tombées sur le front de la « guerre » contre le Covidl9 dans le monde.

Or, depuis longtemps, nombreux sont ceux qui plaident pour une nouvelle ère, un nouvel ordre mondial duquel naîtra un nouvel idéal : celui d’une société participative, collaborative et multiculturelle au sein de laquelle notre humanité -et non le progrès matériel – sera le facteur essentiel d’harmonie, de prospérité et de solidarité pour les peuples.

Et si l’Afrique détenait la solution ? Appelons-le « Ubuntu », « Agaciro » ou encore « Haram be », le rêve africain consacre immanquablement la quête d’un bonheur holistique durable.

Les spécialistes de la gestion de crise sont unanimes. La résolution d’une crise passe notamment par la capacité d’une organisation ou d’une société à se réinventer et adopter un mode de gestion susceptible de minimiser les effets de la crise ou de rétablir l’ordre.

Dans de telles circonstances, les décideurs peuvent plus aisément se libérer des pesanteurs (lourdeurs administratives, etc.) pour retrouver une agilité nécessaire à la sortie de crise. Ainsi, la crise actuelle liée à la pandémie du Covidl9 est pour le Cameroun et plus largement le continent africain l’occasion de poser les fondements d’une nouvelle ère, et ce non pas au lendemain de la sortie de crise mais dès le stade de sa gestion elle-même : cohésion sociale forte, gouvernance éthique et inclusive et économie circulaire. En effet, vaincre la crise actuelle appelle urgemment d’abord et avant tout une cohésion sociale forte.

Avec le Covidl9, le monde entier réalise de manière brutale que ce qui était jusque-là la troisième roue du carrosse (après l’économie et le politique), la variable d’ajustement budgétaire à laquelle on ne consacre qu’une part marginale du budget de l’Etat (moins de 30% au Cameroun) est aujourd’hui au cœur de la survie physique et mentale de nos populations.

De nombreux Etats africains paient également au prix fort l’état déplorable de leurs systèmes éducatifs, de santé ou encore de leurs infrastructures culturelles, pourtant armes efficaces, voire essentielles de sensibilisation en temps de crise.

Dès à présent, nos Etats doivent convoquer urgemment non seulement leurs plateformes traditionnelles de dialogue social mais aussi les outils rudimentaires de protection sociale existants (solidarités familiales, contributions citoyennes volontaires, sécurité sociale embryonnaire) pour préserver la vie de leurs populations.

Au sortir de la crise, les décideurs publics devront immanquablement replacer l’humain au cœur de leur action et ainsi repenser les modèle éducatif, système de santé et action culturelle dans le sens de la dignité et du bien-être holistique (être, savoir être et être savoir) des populations. Et, dans cette quête, l’économie ne sera plus l’ennemie du social, mais économie et social seront intimement liées et devront se renforcer mutuellement.

En effet, vaincre le Covidl9 suppose également très rapidement d’ajuster nos modèles économiques. L’arrêt des centres de production mondiaux, la fermeture des frontières nationales et les mesures de confinement ont profondément ébranlé les fondamentaux de l’économie de marché. La circulation des biens, des personnes et des capitaux, garante jusque-là de la mondialisation, n’est plus un acquis.

Il est désormais primordial au plan national de privilégier une économie circulaire permettant, avec l’appui de l’ensemble des parties prenantes (Etat, bailleurs de fonds, banques, secteur privé, universités et centres de recherche, etc.) la production et la consommation locales des biens de première nécessité (gels, masques, denrées alimentaires de base, etc.).

Nul doute que cela aboutira à terme à un modèle de consommation « raisonnée » de biens et services produits localement et distribués efficacement grâce à la fois à un désenclavement physique et numérique total mais aussi et surtout à un système bancaire tributaire d’une politique monétaire volontariste.

Vaincre la crise du Covid-l9 relance enfin et inéluctablement le débat dans nos pays d’une gouvernance exemplaire et inclusive. L’Etat ne peut pas tout et, à l’ère notamment des réseaux sociaux, le glas de l’Etat omniscient et omnipotent a sonné en Afrique. La crise actuelle ne peut souffrir du clientélisme, de la corruption et de l’arbitraire des administrations et responsables politiques.

Contenir la pandémie suppose au contraire de sensibiliser efficacement voire responsabiliser les citoyens. Mais pour ce faire, seule la capacité des autorités nationales à montrer l’exemple et à rendre des comptes en toute transparence peut permettre une prise de conscience réelle des populations.

Aussi, les exemples actuels montrent que seuls les pays (Vietnam, Sénégal, etc.) qui ont réussi à impliquer véritablement la société civile (ONG, secteur privé, scientifiques, artistes, etc.) dans les efforts de lutte contre la pandémie ont réussi à contenir rapidement la pandémie actuelle. En bref, il faut crédibiliser et décentraliser le pouvoir : ce n’est plus une option, c’est une obligation !

Nul ne connaît à date quelle sera l’ampleur des conséquences létales et surtout non létales de cette pandémie pour les Etats africains. On parle, selon les économistes, de 3 à 5 points de croissance en moins pour les économies africaines. Mais nous savons d’ores et déjà que les Etats sortis d’affaires seront ceux qui auront su la gérer efficacement sur les court, moyen et long termes.

Il n’y a donc aucune fatalité, « même pour l’Afrique ». Faisons donc de cette gestion de crise le modus operandi pour amorcer courageusement la transformation de nos pays. D’aucuns peuvent effectivement rappeler que nous n’avons malheureusement pas préparé le terrain intellectuel, celui de la pensée, ni le terrain humain, celui des femmes et des hommes, pour accompagner une telle transformation.

Mais la bonne nouvelle est qu’il n’est pas trop tard et que tout est encore possible, car nos pays disposent de toutes les richesses humaines, matérielles et immatérielles pour cela. Il ne reste donc plus qu’à (re)bâtir les plateformes de réflexion et d’action qui propulseront nos Etats au-delà des espérances de nos pères fondateurs. Changeons de cap, ici et maintenant !

★Avocat d’affaires, membre du Conseil d’administration du Gl-CAM et Président de la Commission Droit & Compétitivité du Centre Africain de Veille et d’intelligence Economique (CAVIE)

Source: Cameroon Tribune

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