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Faux et usage de faux: deux notaires devant la barre

Ils sont accusés d’avoir délivré à un imposteur un acte de vente d’un terrain sur la base de pièces contrefaites. Ledit document a permis de spolier la propriété d’une famille.

Maître Micheline Lysette Noussi Fonkoua, notaire à Yaoundé, a poussé un ouf de soulagement en quittant le banc des accusés de la Cour d’appel du Centre le 10 mars 2020.

Elle venait ce jour-là de subir un interrogatoire muscle autour du supposé «vol» du dtre foncier n°0382/Mefou et Afamba couvrant un terrain d’une superficie de 2 hectares situe à Mfou. Ce terrain appartient à Alphonse Many, un fonctionnaire retraité

. En compagnie de sa consoeur Me Colette Tsapdong Nguepi et Jean Marie Mbe, promoteur de l’ONG dénommée Fasik, elle passe en jugement devant la Cour pour de supposés faits de complicité d’escroquerie foncière et de faux et usage de faux en écritures publiques et authentiques.

Les deux notaires sont en effet accusées d’avoir joué, en 2001, un rôle prépondérant dans la mutation qualifiée de frauduleuse du titre foncier litigieux, réalisée au profit de M. Mbe en délivrant à ce dernier un acte de vente du terrain querellé «contrefait». Elles étaient clercs (stagiaires) dans l’étude de l’ancien notaire Me Simo Noufele au moment des faits.

Cette bataille judiciaire rebondit devant la Cour d’appel du Centre quinze ans après le verdict rendu le 17 mai 2005 par le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, et dans lequel Me Noussi Fonkoua et M. Mbe sont chacun condamnés à cinq ans d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans. S’y ajoute 10 millions de francs de dommages et intérêts à verser à M. Many. Me Tsapdong Nguepi avait été acquittée.

Le 10 mars dernier, la Cour a entendu Me Noussi Fonkoua sur les faits mis à sa charge, ceci après l’interrogatoire de M. Many, un mois auparavant. Les autres accusés ne comparaissent pas. Me Noussi Fonkoua a reconnu avoir délivré à M. Mbe la «simple copie de l’acte de vente» en cause mais en relativise la portée.

Simple copie

«Comment peut-on délivrer la copie d’un acte non signé du notaire ?», interroge la présidente de la Cour en précisant : «est-ce que l’autorisation de délivrer de simple copie existe dans vos statuts ?» «Je ne crois pas. Cet acte était signé du notaire», répond sèchement l’accusée.

«Vous avez donc délivré une simple copie en vue de quoi ?», a voulu savoir la Cour. «Dans la déontologie, dans la pratique notariale, je ne suis pas la seule à délivrer les copies. Elle renseigne le client», se défend l’accusée.

«Vous avez signé par ordre alors que le cachet nominatif apposé sur l’acte est celui de votre parrain. Le cachet nominatif n’est-il de pas celui qui signe ?», relance la Cour. «J’ai signé sous habilitation de Me Noufele. C’est le cachet nominatif qui porte son habilitation et non l’entête», réplique l’accusée. «Comment faire la différence entre la vraie et la fausse habilitation d’autant que Me Noufele n’a pas signé la minute ?», renchérit la Cour.

«Quand un notaire habilite un autre notaire, il dépose l’habilitation au greffe», se défend le notaire. «Le Code général des impôts interdit de faire usage d’un acte non enregistré. Au nom de quoi vous l’avez fait ?», s’est enquis la Cour. «C’est parce que ces actes ne sont pas enregistrés qu’on délivre la copie en guise d’attestation, raison pour laquelle l’acte ne pouvait pas leur permettre de muter le titre foncier», a conclu l’accusée.

Pour sa part, M. Many avait expliqué, le 11 février dernier, être copropriétaire du titre litigieux avec son oncle Ambroise Belinga, décédé. En janvier 1999, un ami en service à la direction du Cadastre, l’avait informé que son collègue Louis Soh était en possession de son titre foncier, une photocopie d’une carte nationale d’identité (CNI) portant son nom avec un autre visage ainsi qu’un jugement d’hérédité de son défunt oncle. Ces documents allaient servir à la mutation de son titre foncier.

Vente en réméré

Lorsqu’il a rencontré M. Soh, pour s’enquérir de la situation, ce dernier était plutôt étonné, car la personne avec qui il collaborait jusque-là était quelqu’un d’autre passant pour «Many Alphonse». Avant de l’informer que le fond du dossier se trouvait dans l’étude de Me Simo Noufele.

Rendu à l’étude, il découvre que outre son identité falsifiée, le jugement d’hérédité ouvrant la succession de son oncle Belinga était aussi un gros faux, car rendu un an avant le décès du concerné.

Dans un autre document, l’ONG Fasik dit avoir octroyé à «Many Alphonse» un prêt d’environ cinq millions de francs pour la réalisation d’un projet agricole.

Et dans la convention de crédit, il était stipulé qu’en cas de non remboursement, le prêt se transformait en «vente en réméré». Autrement dit, en cas du non remboursement, le titre foncier n°0382/Mefou et Afamba donné en garantie devenait la propriété de M. Mbe.

En fait, la vente projetée n’était pas encore formalisée par les parties. Selon le plaignant, c’est Me Tsapdong Nguepi qui «traitait» le dossier dans l’étude. Il fit une «opposition». Avant de déposer une plainte. Ce qui supposait à ses yeux que la transaction était suspendue.

Entre temps. Me Simo Noufele était mis à la retraite en 2001, et Me Noussi Fonkoua désignée liquidatrice de son cabinet. C’est à cette occasion que Me Noussi Fonkoua a «profité» de délivrer à M. Mbe l’acte de vente décrié, non signée de Me Simo Noufele qui était censé avoir reçu les parties.

Depuis tors, il a fait inscrire une prénotation judiciaire sur le titre foncier, ce qui bloque toute transaction avec ce document en attendant l’issue du présent procès. L’audience reprend ce 14 avril pour les réquisitions du ministère public et les plaidoiries des avocats.

Source: Kalara

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