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Affaire Glencore/Me Akere Muna : « d’ici un mois, je serai en mesure de dire qui recevait les pots de vin »

Le Bâtonnier AKERE MUNA, était l’invité de l’émission La Vérité en face, diffusée sur Equinoxe Télévision, le 5 Juin dernier. L’avocat et acteur de la lutte contre la corruption est revenu sur le scandale qui secoue le Cameroun et met en scène des agents public de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), la Société nationale de raffinage (SONARA) et l’entreprise Anglo-suisse de négoce du pétrole, Glencore international AG. Il a ainsi passé en revue les différentes déclinaisons de cette affaire: les actions et réactions des acteurs, les circuits de corruptions, les conséquences de cette affaire pour le Cameroun et les mesures à prendre. La Nouvelle Expression vous propose des extraits sélectionnés de cet entretien.

Bâtonnier Akere Muna, cela fait plus d’une semaine que la République du Cameroun est secouée par les aveux de culpabilité de Glencore. Aveux concernant des actes de corruption menés au Cameroun et impliquant des agents publics. Mais le commun des concitoyens a du mal à cerner les mécanismes de corruption qui ont été mis en place pour soudoyer les agents publics Camerounais. À la lumière des informations que vous avez, quels sont les faits saillants de cette affaire ?

Je sais que les citoyens camerounais sont secoués. Est-ce que le gouvernement l’est? C’est autre chose. Je vais vpus donner une lecture de la nature de l’aveu de Glencore. C’est univoque. Elle est défenderesse dans la cause. Elle dit : «la Défenderesse admet, accepte et reconnaît qu’elle est responsable des actes de ses officiels Directeurs employés et agents tels que décrits ci-dessous.

Si cette affaire fait l’objet d’un procès, la défenderesse reconnaît que les États-Unis auraient prouvé au-delà de tout doute, par des preuves admissibles, des faits de corruption Je. Donc, il n’y a pas de réserve. Les gars reconnaissent qu’ils sont des corrupteurs patentés. C’est là où nous en sommes. Et ils vissent notre pays.

En ce qui me concerne, c’est une affaire très sérieuse. Je suis cette affaire depuis 2018. Ça avait commencé par une réclamation de documents à Glencore, par la justice américaine et anglaise et Glencore résistait. Moi je pense que dès 2018, des réclamations de ce géant de cette industrie dans le monde qui traite avec notre pays, il devait avoir un comité de veille pour savoir ce qui se passe dans cette affaire. Ça secoue le monde entier cette histoire. La politique d’autruche ne peut pas payer dans cette affaire.

Selon les aveux de Glencore, entre 2010 et 2019, dans une entreprise de corruption, gérée par trois cadres: deux Anglais, un Brésilien et deux ou trois autres Traders et la personne qui a décidé de vendre la mèche, un ancien employé de Glencore…ces personnes-là, à travers une société Ouest africaine et un agent Ouest africain, étaient chargées de porter les sacs. Les guichets d’encaissement, il y en avait deux.

Il y a un en Suisse où on pouvait faire des virements et toucher en espèces et un autre à Londres. Celui de Londres a fonctionné jusqu’en 2011 et celui de Suisse a fonctionné jusqu’en 2016. Ils avaient un système de masquer l’argent. Soit ils appelaient journaux, soit ils appelaient pages, des trucs comme ça…c’est comme ça qu’ils fonctionnaient. C’était une forme de corruption basique, je fais, tu me paies; aussi simple que ça. Au Cameroun en pétrole, il n’y en a que deux. Il y a la SONARA et il y a la SNH.

Sur le cas du Cameroun, Monsieur le Bâtonnier, qu’est ce qui s’est passé ? Quelles sont les informations que vous avez ?

Maintenant, je peux dire quels sont les gens qui donnaient et qui payaient. Je pense que d’ici un mois, je serai en mesure de dire qui recevaient. Je travaille maintenant avec TI-USA; je pense qu’on va trouver. Ce qui m’étonne-je n’accuse personne- Glencore signe un document, publié, et même sur lequel le secrétaire d’Etat des États-Unis déplore cette corruption, la première chose à faire est d’appeler Glencore et de lui demander: «who did you give the ‘money to? Vous avez payé qui ?»

Parlant d’argent Monsieur le Bâtonnier, comment de milliards de FCFA ont été utilisés pendant cette période de corruption pour le cas du Cameroun ?

Pour le moment, Il s’agit d’environ 7 milliards. Je ne connais pas quelle proportion a été payée en espèces, par virement, je ne sais pas. Parce que des fois, dans certains pays, Glencore sous- facturait. C’est-à-dire qu’il vendait moins cher. Ce qui lui permettait d’utiliser le surplus pour ce qu’il voulait faire. Il avait des mécanismes dans le prix, dans le marchandage…je ne suis pas très à même de ça. Mais Glencore reconnaît dans le cadre du Cameroun le paiement de 7 milliards.

Sur les dommages causés par cette affaire de corruption. De votre point de vue, quels sont les leviers aujourd’hui pour avoir de bonnes informations en rapport avec ceux qui sont rendus coupables de corruption ?

La durée des arrangements qu’ils ont faits est de trois ans. Ce qui est intéressant est que dans les accords, les Américains ont pris la précaution d’exclure du champ de la transaction, toute action qui pourrait être emmenée par un État étranger ou une autorité de poursuites, une autorité de régulation. La Conac qui est là, s’ils vont à New-York au Département de southern New-York. Ils disent écoutez dans votre Grosse vous nous avez protégé, on veut venir. Est-ce qu’on peut savoir à qui on a donné l’argent? Sans parler des Snh dont Glencore était le client.

Pourquoi parmi les multiples mesures, vous avez parlé de saisir la Conac ?

J’ai saisi la Conac. C’était ma première démarche. Je suis avocat, je fais ce métier depuis plus de 42 ans. Je m’adresse à l’autorité compétente en la matière. Est-ce que c’est aussi compliqué que ça ? Est-ce qu’il faut qu’on écrive des lettres aux gens pour savoir de quoi il s’agit ?

Dans le bon ordre des choses d’ailleurs, si Glencore est courtois, ce n’est pas exclu que Glencore ait dit à ses clients: «écoutez-nous, nous sommes face à une situation difficile et on est obligé de tout déclarer. Ça, ce n’est pas exclu. Mais je suis obligée d’exclure tout ça parce qu’ils disent qu’ils ont seulement entendu cela dans le journal. Mais à notre petit niveau ici, au moment de la déclaration des impôts, les gens qui vous ont payés, qui sont organisés vous écrivent «Me Muna, nous allons déclarer que nous vous-avons payé un tel montant. Donc si vous tentez de dire autre chose c’est votre problème.» alors je lui dis que dans le bon ordre des choses, Glencore devait dire: «svp on est en procès et on va déclarer ce qu’on a fait».

La SNH justement a réagi ; cette entreprise affirme que ces pratiques n’ont pas cours dans sa société. Qu’elle a un règlement intérieur qui proscrit des pratiques de corruption. Néanmoins, elle annonce qu’elle va saisir les autorités Américaines et Britanniques, pour avoir les preuves matérielles de ces allégations et compte informer le public en temps opportun. Comment appréciez cette attitude ?

Quand j’ai lu ça je ne savais pas s’il fallait pleurer ou rire. C’est comme dire à un footballeur qui a enfreint un règlement et qu’il dit «je n’ai pas fauté parce que c’est contre les règle.s du foot. C’est parce qu’il y a des règlements qu’il n’y aura pas de fauteur ? Ça ne veut rien dire. D’ailleurs règlement intérieur, qui dit quoi? À qui ? Ça concerne qui ? Qui signe ça? Est-ce que ça lie les gens qui ne sont même pas dans votre boîte? Il y a quelqu’un qui dit, j’ai payé. Demandez-lui qui il a payé ? Est-ce que c’est compliqué ? Je ne comprends pas pourquoi les gens pensent qu’il faille avoir d’autres explications.

…la Conac est comme une agence de régulation. Les américains protègent la Conac. Ils disent dans le règlement qu’à la demande de toute autorité de poursuites ou de régulation, le Département de justice va demander au Défendeur de coopérer. C’est écrit. Les gars ont signé, qu’ils sont prêts à coopérer avec les agents de poursuites et les agents de régulation.

Nous allons examiner ensemble les issues qui sont peut-être possibles pour le Cameroun. Non seulement pour obtenir les réparations des dommages mais aussi pour’ punir ceux qui se rendent coupables d’actes de corruption. Il y a plusieurs leviers qui se présentent à nous. Vous avez parlé de saisir la Conac…mais il y a d’autres possibilités qui ont été présentées par d’autres acteurs. Le président national du Mrc a par exemple indiqué le Cameroun devrait se porter partie civile dans cette affaire…il y a également le premier Vice-Président du Social democratic front, qui a saisi la Chambre Basse du Parlement pour qu’on mette en place une Commission d’enquête parlementaire qui permettrait de faire la lumière sur la question. Quel est votre avis sur ces différentes procédures ?

Ce sont des hommes politiques. Pour cette affaire, j’ai arboré la casquette d’un acteur de lutte contre la corruption et d’un avocat. Ça veut dire que je ne vais pas commenter les actions des uns et des autres. J’ai des documents de procédure et je vous dis, pour New-York, il n’y a pas encore de procès. C’est une transaction pour éviter un procès. Alors, on se constitue Partie civile où? Et puis la notion de partie civile dans les juridictions américaines c’est assez Complexe et différent. Donc, aux États-Unis, ce qu’il faut faire, c’est de dire à Glencore, vous avez obtenu des contrats en fraude, nous allons vous assigner en dommages et intérêts.

La SNH est une société qui est à 100% la propriété de l’Etat camerounais. J’en sais quelque chose…Ensuite la poursuite c’est l’Etat. Donc, n’importe qui peut décider d’ouvrir une enquête dans cette histoire et de partir à New-York demander à ces messieurs ce qui se passe. Quelqu’un a engagé des poursuites ici, je veux savoir qui ils ont payé dans mon pays.

Bâtonnier Akere Muna, ce scandale survient alors que le Cameroun a pris la décision d’être transparent et de respecter les principes de redevabilité dans le cadre de l’Initiative de transparence des industries extractives. Le Cameroun s’était félicité d’avoir adhéré à l’ITIE, aujourd’hui tout le monde s’interroge comment ce scandale a pu survenir alors qu’on est pays membre de l’ITIE et censé respecter les engagements de transparence et de redevabilité. Quelle évaluation vous faites aujourd’hui de cette adhésion à l’ITIE ?

Pire encore, Glencore est membre de l’ITIE. C’est ça qui choque. Parce que l’ITIE c’est trois parties. Les Autorités publiques, les sociétés pétrolières et la société civile…Je suis à l’origine de l’adhésion du Cameroun à l’ITIE, j’ai parlé avec le ministre Abah Abah. Je lui ai dit que : «vraiment, il faut absolument adhérer à l’ITIE. Ça montre la volonté politique du Cameroun». Il a été appuyé par le Secrétaire général à la présidence de la République de l’époque, Atangana Mebara. Je suis allé à Londres et j’ai parlé aux autorités anglaises qui avaient organisé la réunion et j’ai réussi à faire prendre la parole par Monsieur Abah Abah… Rare dans l’histoire de l’ITIE, ils ont sorti un message de félicitation quand on a adhéré.

Est-ce que vous ne pensez pas que dans cette affaire Glencore, vous risquez une fois de plus de déchanter au regard de la perception que le gouvernement a de l’efficience de la Commission nationale anti-corruption…

J’ai déjà reçu des menaces. Je suis issu d’une famille politique, des menaces j’en reçois depuis des années…Pour moi, ce dossier c’est le ras-le-bol parce que ce n’est pas seulement au Cameroun que ça se passe. Ça se passe dans les autres juridictions. J’ai travaillé avec TI-USA, je suis le président sortant de International anti-corruption council qui est la plus haute association anti-corruption du monde. Conac y va tous les deux ans. Je suis sûr qu’ils seront à Washington. Tout mon réseau, on y travaille. Là où je suis, j’ai déjà les noms des corrupteurs.

Bâtonnier Akere Muna, quelles sont les conséquences d’un tel scandale sur un pays comme le Cameroun ?

Je pense que ça doit gêner le ministre des Finances parce que le Fmi va lui demander, ‘lais Monsieur le ministre, qu’est ce qui se passe là? Les gars disent qu’ils vous ont donné 7 milliards, qui sont- ils? Parce que sévir contre la corruption c’est pour punir et c’est pour prévenir… ça veut dire que chaque acte de punition que vous posez, c’est pour prévenir. Donc, si on dénonce ces cancres-là, excusez mon français, qui sur le dos des Camerounais se sont permis de nous narguer avec tout ce qu’ils construisent et les grosses voitures, et on ne fait rien, ceux qui viendront après feront la même chose.

Pour lutter contre la corruption, il faut une action judiciaire et d’autres actions qui pourraient être menées. Pour le cas du Cameroun, vous qui êtes ancien Bâtonnier fet avocat du Cameroun depuis une quarantaine d’années, est ce que ce système judiciaire est assez étoffé pour mettre fin à la corruption au Cameroun ?

Le système judiciaire est un mécanisme de répression. Je pense que pour protéger ceux qui viennent, c’est la prévention. J’ai eu un entretien avec le président Kagame, il m’a dit qu’on ne peut pas endiguer la corruption totalement, mais on va appliquer «tolérance zéro» et dans cette affaire, première chose: tous les gens qui ont été touchés de près ou de loin avec Glencore, suspendus. étoffé pour mettre fin à la corruption au Cameroun ?

Le système judiciaire est un mécanisme de répression. Je pense que pour protéger ceux qui viennent, c’est la prévention. J’ai eu un entretien avec le président Kagame, il m’a dit qu’on ne peut pas endiguer la corruption totalement, mais on va appliquer «tolérance zéro» et dans cette affaire, première chose: tous les gens qui ont été touchés de près ou de loin avec Glencore, suspendus.

Pour vous, c’est l’une des mesures qu’il faut prendre ?

Oui. Tous ceux qui ont été dans Glencore, raison ou à tort, suspendus. Avec salaire. Et on commence les enquêtes avec les aveux. Comme çà vous êtes au moins sûr que la personne qui a toucHé est parmi ceux qui sont déjà dehors.

Glencore a pris un engagement sur 7 points sur ce qu’ils vont faire. Former les gens dans la lutte anti-corruption, etc. Je passe mon temps dans le monde entier à faire des cours sur l’intégrité. Les gens même ne connaissent pas la définition de la corruption. C’est l’utilisation des pouvoirs conférés à des fins personnelles. Est-ce que les gens intègrent çà ?

Le troisième pan c’est la transparence. Quand on a commencé Covid, j’ai écrit dans mon twitter, que tout ce que vous recevez comme don, vous notez, en matériel ou en espèce, vous notez. Tout ce que vous envoyez dans les provinces vous mettez sur un site que tout le monde peut voir. C’est ça un système de contrôle. L’opacité c’est la couveuse .des actes de corruption.

Extraits de l’émission La Vérité en face, diffusée le 05 juin 2022 sur Equinoxe télévision

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