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Pr Urbain Amoa : « contribuer à l’avènement d’une université nouvelle en Afrique »

Enseignant-chercheur et spécialiste notamment des questions de gouvernance dans l’Afrique traditionnelle, le recteur de l’Université Charles-Louis de Montesquieu d’Abidjan a échangé le 04 janvier dernier en visio-conférence avec des hommes de médias camerounais sur le thème « industries culturelles et touristiques en Afrique, Pédagogie universitaire et Renforcement des capacités en présentiel et à distance ».

Quel sens donner à une conférence sur les industries culturelles et touristiques en Afrique au moment où la destination universitaire et touristique perd en compétitivité sur le continent africain ?

Ecoutez, le succès d’un pays repose sur la qualité des ressources humaines qui, elle-même, repose sur la qualité de la formation qui, même très performante à l’étape initiale, a besoin, en situation réelle, de compétences nouvelles, sources de performances permanentes et continues.

La formation se veut, dès lors, comme une ressource permanente à ensemencer, faute de quoi, en sus de la baisse de la qualité du service, s’ajoute une baisse de rendement au niveau de l’Etat. Une telle réalité aurait alors pour conséquences des risques observables et critiquables dans tous les espaces d’une Nation, et singulièrement dans les prestations des services publics.

En nombre de cas, et à tort ou à raison, l’on n’hésite pas à attribuer ces pratiques approximatives à certaines pratiques culturelles qui, elles-mêmes ne sont pas forcément des valeurs. Nulle part, il n’est écrit dans la conscience des peuples africains qu’être sale est une valeur autant qu’être vulgaire ou banaliser le sacré qu’incarnent les espaces culturels et cultuels, eux-mêmes de véritables institutions de formation à l’endurance et au respect des lois de cohabitation fraternelle pacifique.

Sans doute ces sociétés, les nôtres, étaient-elles sans écoles classiques actuelles dites modernes mais la famille, le bois sacré, les fêtes cycliques, les nuits de contes, les danses étaient des disciplines, voire des écoles de la vie où l’on était soumis à un apprentissage à tout âge toujours en création à partir d’une quête permanente de décisions qui rapprochent les citoyennes et citoyens.

Que faut-il en retenir concrètement ?

Que tous ces produits qui traduisent la quintessence de l’ontologie du négro- africain et de son identité culturelle sont si divers (diversité culturelle) et riches qu’intellectualisés et exploités aux couleurs d’une modernité certaine constituent des trésors d’une industrie cachée, c’est-à-dire d’un ensemble de mécanismes de production, de commercialisation et de distribution des produits culturels dont les circuits touristiques, la gastronomie et l’artisanat dans une dynamique d’alternance cours théoriques/travaux dirigés et expérimentation dans les usines, les chantiers, les plantations et les unités de production hôtelière.

Et puisqu’il est convenu de retenir que la spécialisation et la qualification véritables ne peuvent intervenir que dans l’exercice d’un métier, nul ne peut, dans l’exercice de ses fonctions, exceller s’il ne s’oblige à s’imposer une intellectualisation de sa pratique qui, elle-même, sans cesse doit se nourrir de concepts de théories et de forces de conceptualisation, préludant à l’étape ultime de la performance qu’est la méta-création, elle- même fille de la création et de la libération du génie qui réside en soi.

Est-ce à dire que le professionnel doit travailler pour exceller, être le meilleur et être capable de prendre de bonnes initiatives jusqu’à ce qu’il crée à partir des créations existantes ?

Tout à fait. C’est de cela qu’il s’agit concrètement. Ce sont d’ailleurs là les défis de l’Université Charles-Louis de Montesquieu axés sur une trilogie dynamique : une production d’une formation académique de haut niveau qui privilégie la recherche universitaire et la publication dans des revues scientifiques dont celle de la Conférence interuniversitaire des études doctorales, Revue internationale des résultats de recherches qui paraît à Lagos au Nigéria et dont je suis le rédacteur en Chef ; une production d’évènements culturels et de circuits touristiques dont le Festival international de la Route des Reines et des Rois qui, pour 2022, met l’accent sur la politique culturelle du président Alassane Ouattara dont le socle est la culture des Cours royales d’Afrique ; un projet pédagogique par alternance innovant dont trois axes majeurs : la formation en présentiel, la formation en ligne ou en télé-enseignement (Formation à distance Ndlr); la formation « sur mesure » ou « à ta carte » renforcée par des cours de week-end, formule université libre ou l’Ecole des chefs.

Quelle peut bien être la plus-value d’un tel système que beaucoup pourraient taxer de « trop savant » ?

L’expérience en cours à l’Université Charles-Louis de Montesquieu a pour objectif principal d’adosser les pratiques professionnelles des personnels du Tourisme et de l’Hôtellerie, mais aussi les personnels des maisons et des « Maquis » (ou restaurants pour tous Ndlr) à la recherche universitaire (études et recherches appliquées) et à l’exercice de la pratique de la pédagogie universitaire.

Ainsi, entre autres offres, seront programmés des cours de préparation aux métiers de l’Hôtellerie et du Tourisme (niveau 1) avec ou sans le Baccalauréat pour des « Diplômes- maisons » et avec le Bts Tourisme- Hôtellerie (Post Bts) pour les titulaires d’un Bts et en prélude à une inscription en Licence et Master (niveau 2).

C’est donc sur ces trois pieds que j’ambitionne avec mon équipe à contribuer à l’avènement d’une Université nouvelle en partance d’un Ivoirien nouveau, c’est-à-dire, comme l’écrit Bernard B. Dadie : « un homme et une femme de tous tes continents fier de son identité culturelle et de contribuer à t’avènement d’une destination Côte d’ivoire toujours et sans cesse ptus compétitive ». Il est heureux que notre approche corresponde à la vision d’Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’ivoire qui accorde du prix à l’emploi des jeunes.

Dans votre discours liminaire vous dites que l’Université Charles-Louis de Montesquieu d’Abidjan confirme sa volonté de se mettre au service de la Cité. Dans quel sens cela est-il rendu possible ?

L’Université est effectivement au sem’ce de la cité comme elle l’a déjà fait en offrant au ministère de l’Education nationale un support pédagogique sur les alliances interethniques, interculturelles, les parentés et les cousinages à plaisanterie, à l’Etat de Côte d’ivoire l’essentiel de ses travaux qui ont contribué à la mise en place de la Chambre nationale des Rois et Chefs traditionnels et à l’Union africaine, le forum des Rois, Sultans, Princes, Cheicks et Chefs coutumiers d’Afrique.

C’est vous dire qu’une évolution culturelle intellectualisée adossée à un monde universitaire académiquement établi et libéré d’un complexe d’infériorité déjà multiséculaire sur l’ensemble du continent africain autour d’une chefferie dite traditionnelle mais éclairée et digne peut, par une approche holistique savamment élaborée, contribuer à une émergence certaine et permanente, et non plus uniquement durable, de l’Afrique.

Le Festival international de la Route des Reines et des Rois (Festi-Rois) en est un vecteur qui se veut solide ; car comment comprendre que l’on puisse instaurer une gouvernance dite moderne en Afrique sans s’investir dans ce qui relève de l’esthétique négro-africaine tant dans nos écoles que dans tous nos systèmes d’éducation populaire dont les pratiques sportives ancestrales ?

Croyez-vous à un retour objectif à l’africanité ?

Tout à fait. Il s’agit pour les générations montantes et futures non plus d’un retour aux sources mais plutôt d’un recours aux sources, à nos sources, à nos valeurs, au beau qui réside en nous, au beau reçu des pères de nos pères et que l’histoire exige de nous que nous le transmettions aux peuples d’Afrique et aux Afro- descendants de la diaspora africaine.

Le Messager

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