Cameroun Actuel

Guerre civile : le Cameroun est-il le prochain Soudan ?

Les divisions politiques et les rivalités militaires qui ont déclenché la guerre civile à Khartoum pourraient éclater dans l’après-Biya.

Alors que la guerre en Ukraine fait rage – et que l’attention limitée de l’Occident à l’Afrique se concentre sur le Soudan – la guerre civile dans la partie anglophone du Cameroun se poursuit. Il se poursuit dans sa sixième année sans aucun signe de règlement politique en raison non pas de l’indifférence et de l’inaction occidentales, mais de la méfiance occidentale et des actions qui envoient de mauvais signaux au régime kleptocratique du président Paul Biya.

La France signale à peine qu’elle veut participer à la résolution pacifique de la crise anglophone. Et malgré une résolution forte et bipartite du Sénat américain adoptée en janvier 2021 appelant au dialogue pour mettre fin au conflit, et l’extension par l’administration Biden du statut de protection temporaire aux Camerounais en juin 2022, la Maison Blanche et le Département d’État n’ont par ailleurs pris aucune mesure publique pour promouvoir paix.

Il y a des leçons du Soudan qui resteront probablement ignorées au Cameroun jusqu’à ce qu’il soit trop tard, lorsqu’une crise imminente sur le successeur de Biya pourrait potentiellement conduire le conflit de la périphérie vers le centre du pays. Le Cameroun offre une étude de cas similaire et tragique pour la politique étrangère occidentale envers le continent.

L’absence de conséquences pour les chefs militaires au Soudan depuis 2019 et le manque de soutien aux mouvements civils et aux institutions par des acteurs extérieurs ont conduit à une culture d’impunité et de violence qui s’est transformée en une lutte sans merci pour le pouvoir politique et économique.

Lire aussi >  Le Cameroun veut porter sa production de riz à 750 000 tonnes d’ici 2030

Avec une crise de succession imminente, une guerre sans fin aux frontières, un parti au pouvoir divisé en factions et des forces de sécurité fragmentées, le Cameroun fait face à des risques similaires. Les acteurs extérieurs n’ont pas encore compris que l’absence de conséquences pour ceux qui ont des armes à feu met en danger tous ceux qui n’en ont pas.

Ce n’est pas que personne ne tire la sonnette d’alarme sur le Cameroun. Le Centre Simon-Skjodt pour la prévention du génocide du Musée mémorial de l’Holocauste des États-Unis a publié en mai un mémoire intitulé « Prévenir et atténuer les atrocités de masse dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun : identifier les options politiques« , soulignant le besoin urgent d’une attention mondiale.

Le Conseil norvégien pour les réfugiés a inscrit le Cameroun sur sa liste des 10 « crises de déplacement les plus négligées » pour la quatrième année consécutive. L’International Crisis Group a publié un rapport en mars qui proposait des propositions concrètes de réforme politique.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU rapporte que, compte tenu des différentes crises, un Camerounais sur six a besoin d’aide humanitaire et de protection, soit un total de 4,7 millions de personnes. En mai, le Centre mondial pour la responsabilité de protéger a confirmé le chiffre officiel actuel d’au moins 6 000 tués depuis fin 2017 dans les régions anglophones et d’au moins 715 000 déplacés. Les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés.

Au cours des six derniers mois, alors que l’attention se concentrait ailleurs, la situation au Cameroun est allée de mal en pis. Un certain espoir a émergé lorsque le Canada a annoncé publiquement en janvier qu’il « se félicitait de l’accord des parties pour engager un processus visant à parvenir à une résolution globale, pacifique et politique du conflit » et qu’il avait « accepté le mandat de faciliter ce processus, dans le cadre de de notre engagement à promouvoir la paix et la sécurité et à faire progresser le soutien à la démocratie et aux droits de l’homme. Divers autres groupes nationaux et acteurs externes, dont le pape François, ont rapidement annoncé leur soutien à l’effort canadien.

Lire aussi >  Cameroun : les recettes fiscales ont progressé de 119,3% en 10 ans

Trois jours plus tard, cependant, le gouvernement Biya a répliqué qu' »il n’a confié à aucun pays étranger ou entité extérieure un rôle de médiateur ou de facilitateur pour régler la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest« . Tout élan naissant vers la paix s’est arrêté et la souffrance persiste sans relâche.

*Cet article a été publié en premier par Foreign Policy et traduit de l’anglais pas la rédaction

Cameroun Actuel
Me suivre

Laisser un commentaire

Dernières nouvelles

Suivez-nous !

Lire aussi