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Cameroun Actuel

CAN 2021 : pour un budget de 19.195.000f, le Cameroun refuse dieu aux compétiteurs

Par Père Sylvestre Olivier EVES, Spiritain

L’éloignement de Dieu des compétiteurs de la Can 2021 par l’Etat du Cameroun me pousse à lancer ce débat sur la laïcité en Afrique. Je voudrais situer mon propos dans le contexte actuel de la question de la laïcité qui est l’une des questions dominantes dans les débats politiques et académiques en Afrique comme ailleurs. En témoigne par exemple le livre publié en 2014, par l’Ird (Institut de recherche pour le développement) et les Éditions Tombouctou, issu d’un colloque qui s’était tenu au Mali en 2010 sur le thème « L’Afrique des laïcités. État, religion et pouvoirs au Sud du Sahara ».

Pour ceux qui s’intéressent aux différents parcours de laïcité dans le monde, cet ouvrage est un outil très précieux. L’enjeu de ces débats c’est que la laïcité de l’État en Afrique, érigée en principe politique constitutionnel dans pratiquement tous les pays au Sud du Sahara, est aujourd’hui aux prises avec des projets d’instauration ou de restauration du radicalisme religieux. Peut-on penser que ces projets annoncent la fin de la laïcité en Afrique ? Faut-il y voir le retour de Dieu dans le domaine des affaires humaines – le domaine du politique – qui avait été laissé à la responsabilité humaine ?

J’aborde ces questions non pas de manière directe, mais en faisant un détour par une autre interrogation plus générale, et peut-être moins actuelle, sur le fondement et la signification de la laïcité en Afrique, et au Cameroun en particulier. J’emprunte le titre de ma présentation : « Dieu peut-il mourir en Afrique ? » au théologien camerounais Eloi Messi Metogo qui avait fait de cette question le titre de son ouvrage publié chez Karthala en 1997. J’ai choisi ce titre d’abord parce qu’il fait largement écho à la formule « Écrasons l’infâme » par laquelle Voltaire exprimait son aversion pour l’intolérance religieuse des églises chrétiennes de son époque.

Ma brève réflexion consistera donc à discuter des implications de ce refus de Dieu ou de ce meurtre de Dieu dans la relation entre la politique et la religion en Afrique. Je prétends que l’indifférence ou l’incroyance religieuse qui se manifestent en Afrique constituent l’ethos à partir duquel on peut expliquer au moins en partie la forme radicale de laïcité qui s’institue au Cameroun à un moment de son histoire. Je voudrais aussi relever en quoi le retour de Dieu, dans ce contexte, peut paradoxalement permettre de redéfinir la laïcité et de construire une institution politique selon le principe « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

A cet effet l’institution de la laïcité est souvent expliquée au Cameroun en référence aux modèles d’organisation politique hérités de la colonisation, ce qui revient à dire que le Cameroun a hérité de la colonisation non seulement la forme d’organisation politique que l’on appelle l’Etat, mais aussi un Etat laïc, consacrant d’emblée la séparation de la religion et de l’Etat.

L’attitude de l’Etat camerounais de refuser la présence de Dieu auprès des compétiteurs de la CAN 2021 est incompréhensible. La formule de Voltaire pourrait s’appliquer ici avec beaucoup de pertinence : « Ecrasez l’infâme », mais modulée pour correspondre de plus près au récit on obtient : Ecrasez le meurtrier des hommes.

C’est bien ainsi que le mythe Yansi de la RDC (Eloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir en Afrique ?, Paris Karthala, 1997, p. 9) considère Dieu et déduit de cette représentation de dieu la conduite jugée la plus salutaire pour les hommes : non pas seulement éloigner Dieu de leur existence comme dans ce mythe, mais le tuer, ou au moins essayer de le faire.

Une lettre d’offre de service a été adressée au Ministre des Sports et de l’Education Civique, cumulant avec le titre de Président de la COCAN. Ce t’offre se déclinait en en trois axes :

1- A1 : Déposer dans toutes les chambres d’hôtel ou au niveau des services d’accueil le répertoire des Aumôniers selon les communautés de foi.

2- A2 : Assurer les services religieux les jours des cultes surplace dans les lieux de résidence.

3- A3 : Accompagner chaque nation avec une équipe interreligieuse d’Aumôniers selon le besoin exprimé.

Pour cette disponibilité qui durerait le temps de la CAN, pour 30 Leaders Religieux mobilisés : Prêtres, Pasteurs, Imams et Pentecôtistes, un budget 19.195.000 FCFA.

La lettre est demeurée sans suite jusqu’à ce jour. Toutes les conditions de respect des mesures barrières contre le Covid 19 et la CAN ont été prises. Si le Cameroun se veut champion du culte de la laïcité, a-t-il le droit de priver les autres de Dieu ?

En posant la question « Dieu peut-il laquelle je désigne aussi bien l’indifférence religieuse, le relativisme religieux et la négation de Dieu permettait de comprendre au moins en partie l’adhésion au principe de la laïcité et la mise en place d’un certain régime de laïcité. Je voudrais enfin souligner que si « la mort de Dieu » fonde la laïcité, elle ne justifie pas le meurtre du croyant et n’exclut pas l’obligation pour l’Etat de respecter ceux et celles qui se réclament de Dieu, de respecter les symboles de cette adhésion et de coopérer avec les religions sans nécessairement se transformer en institution religieuse.

Cette forme ouverte de laïcité est finalement ce qui donne à la « mort de Dieu » un sens. Dieu accepte de se retirer des affaires humaines pour laisser que les humains assument leur responsabilité, comme le montrent les mythes analysés plus haut, et comme le confirme la religion chrétienne : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Il refuse d’imposer sa présence au milieu des hommes qui cependant peuvent décider de recourir à lui (comme pour les conférences nationales en Afrique) sans nécessairement chercher à lui offrir le trône du pouvoir humain trop humain.

Pourtant, nos regards seront inondés des gestes et signes religieux chaque fois qu’un but sera marqué ou chaque fois qu’un joueur entrera ou sortira du stade. Ouvrons les yeux.

Vive l’Etat Laïc du Cameroun. Que la CAN soit belle sou la Protection de Dieu.

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